La violence sexuelle fondé sur le genre en nette augmentation en Haïti en lien avec la multiplication des gangs armés, d’après un rapport de l’ONU…

Wilson Joseph Lanmo San Jou'', chef de gang 400 Mawozo, Vitelhomme Innocent, chef de Kraze Barye, Johnson Andre ''Izo, chef de gang 5 Seconde de Village de Dieu et Jimmy Cherizier ''Barbecue'', chef de la federation des gangs du G-9 an Fanmi e Alye''....

 PORT-AU-PRINCE, samedi 28 octobre 2023– Le groupe d’experts des Nations-Unies qui en enquêté sur la criminalité en Haïti estime dans son rapport que la plupart des gangs en Haïti ont recours à la violence sexuelle et fondée sur le genre.

Selon le document des experts onusiens, « il ne s’agit pas simplement d’incidents isolés de la part de membres incontrôlables, mais d’une tactique systématique. »

Le rapport affirme que, bien que certains gangs nient avoir recours au viol, des témoignages suggèrent que de nombreux gangs se livrent à des violences sexuelles.

‘‘Compte tenu de l’organisation des principaux gangs en Haïti, le Groupe d’experts conclut que les chefs de gangs ont connaissance et sont complices de ces actes commis par les membres de leur gang, ce qui les rend responsables’’, lit-on dans le rapport.

Les experts soulignent qu’entre mars et mai 2023, 49 femmes ont été victimes de viols collectifs commis dans la localité de « Dèyè Mi » à Brooklyn, Cité Soleil. ‘‘D’après des sources citées par les experts, la plupart des auteurs étaient des membres du gang Terre Noire. Des membres de gangs ont commis 18 viols collectifs, 15 viols individuels, dont un contre un homme. En outre, 49 personnes ont été tuées, 46 blessées et 12 ont disparu (disparition forcée)’’, précise le document.

Pendant la période examinée, le Groupe d’experts affirme avoir rencontré 15 victimes de viol. Par exemple, en mars, une jeune mère a été enlevée par des membres du gang Terre Noire et violée par trois d’entre eux. Dans un autre cas, une jeune femme de la localité de Brooklyn a décrit comment elle avait été agressée sexuellement par quatre membres du gang Terre Noire et avait contracté le VIH.

Le 10 juillet 2023, six membres du gang « Kokorat San Ras » de Lacroix Périsse (l’Estère) ont agressé une jeune fille de 17 ans qui se trouvait dans un bus à destination des Gonaïves, que le gang avait détourné.

Le Groupe d’experts a également relevé des viols commis par les gangs d’Izo, de Ti Lapli, de Vitelhomme, de Lanmo San Jou, de Luckson Elan et de Jeff Canaan. L’enquête des experts onusiens se poursuit sur ces crimes demeurés généralement impunis en Haïti.

En Haïti, selon le rapport du groupe d’experts de l’ONU, ‘‘a violence sexuelle et fondée sur le genre s’inscrit dans le droit fil d’un système patriarcal et inégal. Tirant son origine dans les normes culturelles et l’histoire de la domination masculine, elle se manifeste dans l’accès limité des femmes à l’éducation, aux perspectives économiques et au système de gouvernement.’’

‘‘Bien que les femmes et les filles en soient les premières victimes, les garçons et les jeunes hommes sont également visés, bien que dans une moindre mesure, souligne le document, ajoutant que d’après les informations obtenues par le Groupe d’experts, les personnes de la communauté lesbienne, gay, bisexuelle, transgenre, queer et intersexe sont également concernées.’’

Les infractions liées à la violence sexuelle et fondée sur le genre sont loin d’être toutes signalées, selon les experts, « en raison de la stigmatisation, de la peur des représailles et de l’accès limité aux services essentiels. L’absence d’état de droit et l’impunité généralisée ne font qu’exacerber le problème. Il est difficile d’obtenir des données précises sur les viols, parce que de nombreux cas ne sont pas signalés et que les différentes organisations utilisent des méthodes de collecte de données diverses. Ainsi, alors que le service de la police nationale chargée de lutter contre les infractions sexuelles a signalé 15 cas en 2021, 16 en 2022 et 9 en 2023 au mois de juin, les organisations locales signalent des dizaines de cas par mois », déclarent-ils.

Le Groupe d’experts affirme s’être entretenu avec des victimes, des acteurs humanitaires et des analystes. Il en tire les résultats préliminaires suivants : La violence sexuelle et fondée sur le genre est pour les gangs un instrument : i) de pouvoir, pour terroriser, soumettre et punir la population, en particulier les femmes ; ii) de contrôle, pour exercer une domination sur un territoire et sa population ; iii) d’extorsion, comme dans le cas des enlèvements, pour obtenir une rançon. Par ailleurs, certaines victimes ont été réduites à l’esclavage sexuel par des membres de gangs.

À ce jour, poursuit le rapport, il n’a pas été établi que tel ou tel gang suivait une tendance ou un mode opératoire particulier en matière de violence sexuelle ; Aucune des victimes interrogées n’a pu ou voulu identifier précisément son agresseur. Toutefois, les observations suivantes ont été faites.

Finalement, le rapport indique que l’organisation hiérarchique des gangs, même si elle est un peu floue, comporte une certaine structure et les chefs sont clairement identifiables.

En octobre 2022, un précèdent rapport de l’ONU a fait état es enfants âgés d’à peine 10 ans et des femmes âgées ont été soumis à des violences sexuelles, dont des viols collectifs pendant des heures devant leurs parents ou leurs enfants par plus de six éléments armés, alors que l’explosion de violence des gangs ravage Port-au-Prince, la capitale haïtienne.

Le rapport, intitulé ‘‘Violence sexuelle à Port-au-Prince : une arme utilisée par les gangs pour répandre la peur’’, a été publié conjointement par le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH).

« Les gangs utilisent la violence sexuelle pour semer la peur et le nombre de cas augmente malheureusement de jour en jour à mesure que la crise humanitaire et des droits de l’homme en Haïti s’aggrave », a déclaré Nada Al-Nashif, Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme par intérim.

« Les témoignages horribles des victimes soulignent l’impératif d’une action urgente pour mettre fin à ces comportements immoraux, veiller à ce que les responsables répondent de leurs actes et que les victimes reçoivent de l’aide ».

Le rapport recense minutieusement les crimes sexuels perpétrés contre des femmes, des filles et des garçons de tous âges, ainsi que, dans une moindre mesure, des hommes, par des gangs qui cherchent à étendre leurs zones d’influence par des guerres de territoires. Des personnes LGBTI+ ont également été ciblées.

Les gangs armés utilisent le viol et les viols collectifs pour répandre la peur, punir, subjuguer et infliger des souffrances aux populations locales. Considérés comme des objets sexuels, les femmes, les filles, et parfois des hommes, sont également contraints de devenir les « partenaires » des éléments armés dans les fiefs des gangs. Refuser de telles faveurs sexuelles peut entraîner des représailles, notamment des meurtres et des incendies criminels.

Le rapport souligne en outre que les violences sexuelles s’accompagnent d’enlèvements et de séquestrations, durant lesquels certaines femmes et filles sont violées à de multiples reprises, par un ou plusieurs ravisseurs armés, parfois pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Les ravisseurs utilisent même parfois des vidéos des viols pour obliger les familles des victimes à payer les rançons.