« La situation sur le terrain est très critique en Haïti », prévient la Coordinatrice humanitaire…

Ulrika Richardson, Coordonnatrice résidente et humanitaire des Nations-Unies...

 

NEW-YORK, mercredi 20 novembre 2024– La violence des gangs en Haïti continue de s’intensifier, déplaçant des milliers de personnes de Port-au-Prince et mettant à rude épreuve les ressources d’aide déjà limitées, selon la Coordinatrice résidente des Nations Unies, Ulrika Richardson, alors que le Conseil de sécurité de l’ONU s’est réuni mercredi pour faire le point sur la situation dans ce pays.

Mme Richardson a informé les journalistes à New York de la détérioration de la situation en Haïti, qui s’est considérablement dégradée depuis l’installation d’un nouveau Premier ministre le 11 novembre.

Le bilan vérifié des violences des gangs cette année a atteint plus de 4.000 morts, bien que les chiffres réels soient probablement plus élevés, et on estime que 700.000 personnes sont déplacées à l’intérieur du pays – la moitié d’entre elles étant des enfants actuellement incapables de poursuivre leur scolarité.

« Nous voyons ces derniers jours des milliers de personnes qui ont dû à nouveau quitter leur domicile », a dit Mme Richardson, exprimant sa profonde inquiétude face à l’escalade des meurtres, des lynchages et des gains territoriaux des gangs qui consolident désormais leur emprise sur la capitale.

Dans une déclaration publiée mercredi, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, a également exprimé sa profonde inquiétude face à l’intensification de la violence dans la capitale Port-au-Prince, où une coalition de gangs se dispute le contrôle total de la ville.

Rien que la semaine dernière, au moins 150 personnes ont été tuées, 92 blessées et environ 20.000 ont été contraintes de fuir leur domicile.

« Les quelque quatre millions d’habitants de Port-au-Prince sont pratiquement retenus en otage, car les gangs contrôlent désormais toutes les routes principales qui mènent à la capitale », a déclaré M. Türk.

Malgré d’immenses défis, les opérations humanitaires se poursuivent et l’ONU s’est engagée à rester sur place et à venir en aide au peuple haïtien.

L’ONU fournit des repas quotidiens, de l’eau potable et des soins médicaux aux populations déplacées. « Le soutien a été extrêmement intense pendant des opérations très, très difficiles », a déclaré Mme Richardson.

Après les perturbations causées par la fermeture de l’aéroport, les hélicoptères humanitaires de l’ONU ont repris leurs vols cette semaine, permettant la livraison de fournitures essentielles et la relocalisation du personnel en Haïti.

« [Nous essayons], bien sûr, de relocaliser une grande partie de notre personnel international dans les départements afin de pouvoir poursuivre le travail de développement que nous menons dans tout le pays », a expliqué Mme Richardson.

Mardi, le Secrétaire général a réitéré son appel aux États membres pour qu’ils renforcent leur soutien à la Mission multinationale de soutien à la sécurité (MSS) qui appuie la force de police d’Haïti et qui est dirigée par des officiers du Kenya.

« La violence des gangs ne doit pas l’emporter sur les institutions de l’État. Des mesures concrètes doivent être prises pour renforcer la force de police haïtienne et soutenir la Mission multinationale de soutien à la sécurité en Haïti afin de protéger la population et de rétablir un Etat de droit effectif », a également dit M. Türk.

Mme Richardson a souligné un incident récent au cours duquel des gangs ont tenté de prendre le contrôle de Pétion-Ville mais ont été repoussés par la police et les résidents.

« Cela montre également à la fois l’intention mais aussi la capacité de la [police] à gagner réellement du territoire dans toute la capitale », a-t-elle déclaré, saluant le courage des forces de l’ordre locales tout en reconnaissant les défis importants auxquels elles sont confrontées.

« Nous appelons les États membres à apporter le soutien nécessaire à la Mission multinationale de soutien à la sécurité afin qu’elle puisse à son tour soutenir la police nationale, mais aussi nous permettre de fournir notre aide humanitaire », a-t-elle souligné.

Lors d’une réunion du Conseil de sécurité consacrée, mercredi, à la situation en Haïti, le Sous-Secrétaire général de l’ONU pour l’Europe, l’Asie centrale et les Amériques, Miroslav Jenca, a souligné que « les niveaux extrêmes de violence des gangs continuent d’éroder l’autorité de l’État et constituent une menace alarmante pour le peuple haïtien et pour la paix et la sécurité internationales dans la région, sans amélioration en vue ».

« Le pays en est maintenant à sa troisième année de transition politique après l’assassinat du Président Jovenel Moïse en 2021 », a-t-il ajouté, rappelant que le 11 novembre, le Conseil présidentiel de transition a nommé un nouveau Premier ministre, Alix Didier Fils-Aimé, « après des semaines d’affrontement intense avec l’ancien Premier ministre Garry Conille ».

M. Fils-Aimé est le quatrième Premier ministre à occuper cette fonction pendant cette transition politique.

« Nous sommes profondément préoccupés par la lenteur des progrès de la feuille de route d’Haïti pour la restauration des institutions démocratiques », a souligné M. Jenca.

S’agissant du déploiement de la Mission multinationale de soutien à la sécurité (MSS), qui a commencé le 25 juin, il a estimé qu’il s’agissait d’une étape importante dans la réponse internationale à la demande d’assistance d’Haïti.

Il a noté que l’effort multinational a été rendu possible par les contributions en personnel du Kenya, qui dirige la mission, des Bahamas, du Belize et de la Jamaïque.

« Cependant, avec seulement 400 des 2.500 personnels initialement prévus déployés, la MSS reste dans sa phase de déploiement et n’est pas en mesure de démontrer tout son potentiel. Le Fonds d’affectation spéciale des Nations Unies pour la MSS n’a promis qu’un montant de 96,8 millions de dollars. Il en faut beaucoup plus. Et c’est maintenant qu’il faut le faire », a dit le haut responsable onusien.

« Un soutien international solide en matière de sécurité est nécessaire maintenant », a-t-il conclu. « Il n’existe pas d’options idéales pour faire face à la crise grave et multiforme en Haïti. Mais à mesure que le temps passe et que la situation se détériore, nous nous retrouvons avec moins d’options et le peuple haïtien avec moins d’espoir. Il est grand temps que nous transformions nos engagements en actions pour empêcher toute nouvelle érosion de la sécurité et de l’autorité de l’État en Haïti ».