NEW-YOK, mardi 24 septembre 2024– La sécurité en Haïti demeure une source d’inquiétude profonde et représente une menace sérieuse non seulement pour la population haïtienne, mais également pour la stabilité régionale. La question figure en bonne place dans les discussions en marge du débat général de l’Assemblée générale de l’ONU cette semaine.
Lundi, lors d’une réunion de haut niveau visant à appuyer les solutions proposées par les Haïtiens eux-mêmes, la Vice-Secrétaire générale de l’ONU, Amina Mohammed, a exhorté la communauté internationale à se mobiliser. Elle a insisté sur la nécessité de répondre de manière urgente aux besoins immédiats tout en fournissant une aide durable pour s’attaquer aux causes profondes de l’instabilité. Mme Mohammed a déploré la violence persistante des gangs en Haïti, pointant du doigt des « efforts délibérés pour affaiblir l’autorité de l’État, semer le chaos et exploiter les communautés les plus vulnérables ». Elle a décrit des scènes de gangs lourdement armés prenant pour cibles les postes de police, pillant des hôpitaux, occupant des palais de justice et détruisant d’autres infrastructures essentielles.
Entre janvier et août de cette année, plus de 3 400 personnes ont été tuées, 1 600 blessées, et plus de 1 000 enlevées, selon les chiffres des Nations Unies. Fait alarmant, entre 30 % et 50 % des membres de ces gangs sont des enfants.
La Vice-Secrétaire générale a également dénoncé les violations massives des droits humains, notamment les viols, le recrutement forcé et l’exploitation, toutes « largement documentées ». Elle a exposé la situation humanitaire désastreuse : plus de 578 000 personnes sont déplacées à l’intérieur du pays, plus de la moitié étant des enfants, tandis que la moitié de la population souffre d’insécurité alimentaire et manque d’accès à l’eau potable. Par ailleurs, les violences sexuelles et sexistes, touchant principalement les femmes et les filles, connaissent une hausse inquiétante. Mme Mohammed a cité des témoignages selon lesquels des centres de santé accueillent jusqu’à 40 victimes de viol par jour, et a appelé à ce que les responsables de ces crimes soient poursuivis.
Elle a souligné que de nombreux enfants se retrouvent pris entre les feux des combats, exploités, trafiqués ou contraints de rejoindre les gangs. De plus en plus d’entre eux sont utilisés pour commettre des attentats.
Pour Mme Mohammed, la situation en Haïti illustre un cercle vicieux où des décennies de sous-développement exacerbent l’insécurité et l’instabilité politique, freinant ainsi tout progrès vers un développement durable. Ce contexte a gravement fragilisé le tissu socio-économique du pays, où les taux de mortalité infantile et maternelle figurent parmi les plus élevés de l’hémisphère occidental.
La Vice-Secrétaire générale a également rappelé que la Police nationale haïtienne manque cruellement de ressources humaines, matérielles et financières, rendant essentiel un soutien international accru pour faire face à l’escalade de la violence. Elle a salué le déploiement de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMSS) en juin dernier et a mentionné l’engagement de pays comme le Kenya, le Belize et la Jamaïque, qui ont déjà envoyé du personnel pour renforcer la mission.
Le Fonds d’affectation spéciale des Nations Unies pour la mission a jusqu’à présent reçu 67 millions de dollars en contributions volontaires, sur les 84 millions promis, mais Mme Mohammed a souligné qu’il reste encore beaucoup à faire pour que la mission remplisse son mandat.
Elle a insisté sur le fait que les mesures de sécurité, bien que cruciales, ne suffisent pas à elles seules à résoudre la crise. « Pour briser le cycle de la violence, des solutions politiques et des actions sécuritaires doivent aller de pair », a-t-elle déclaré. Elle a insisté sur l’importance d’améliorer l’accès à l’éducation, aux soins de santé, à la protection sociale, et de stimuler le développement économique pour sortir Haïti de la pauvreté et de l’instabilité, et construire une société résiliente.
En dépit des besoins urgents, le plan de réponse humanitaire pour Haïti en 2024 n’est financé qu’à un tiers, alors que la moitié de la population nécessite une aide humanitaire. Mme Mohammed a appelé les acteurs politiques haïtiens à réaffirmer leur engagement en faveur de l’accord politique et de la feuille de route pour le rétablissement des institutions démocratiques, afin que le calendrier électoral et la restauration des institutions d’ici février 2026 ne soient pas compromis.
Enfin, elle a réitéré l’importance d’un soutien international continu pour accompagner Haïti dans ces étapes politiques, tout en veillant à ce que des politiques de développement robustes soient mises en œuvre afin de garantir une sortie durable de la crise.