PORT-AU-PRINCE, lundi 16 septembre 2024– Le samedi 14 septembre 2024, l’Association des Journalistes Haïtiens de l’Étranger (AJHE) a organisé un débat crucial sur la situation alarmante des journalistes en Haïti. Lors de cette rencontre, Jacques Desrosiers, Secrétaire Général de l’Association des Journalistes Haïtiens (AJH), a dressé un portrait sombre des conditions dans lesquelles évolue la presse haïtienne, marquées par un climat d’insécurité généralisée qui paralyse notamment la capitale.
M. Desrosiers a souligné que la précarité extrême des journalistes est directement liée à la menace constante des gangs armés. « Les journalistes sont sans abri, tout comme les milliers de déplacés qui ont dû fuir leur domicile sous la pression des groupes criminels », a-t-il déclaré. Il a également noté que nombre de journalistes sont contraints d’utiliser des taxis-motos pour se rendre à leur travail, un moyen de transport risqué dans les zones gangrénées par la violence. « Les journalistes ne peuvent plus se rendre dans certaines zones pour couvrir des événements, car elles sont totalement sous le contrôle des gangs », a-t-il déploré.
Le débat de l’AJHE s’est également concentré sur un sujet brûlant : l’arrestation de journalistes accusés d’être en collusion avec des gangs armés. Deux journalistes, Banate Daniel et Richelson Senejuste, ont été arrêtés le 16 août 2024 par la Police Nationale d’Haïti (PNH), sous l’accusation de faire partie de ces groupes. Ces arrestations, qui ont ébranlé la communauté journalistique, ont ravivé les craintes quant à la criminalisation de la profession dans ce contexte déjà tendu. Jacques Desrosiers a fait savoir que ces deux journalistes ne sont pas les seuls concernés. En effet, le 12 mars 2024, un autre journaliste, Yvener Phanord, a été arrêté, accusé d’avoir des contacts étroits avec des chefs de gangs puissants.
« Ces accusations, qui remontent à trois ans pour certains, jettent une ombre sur la profession », a déclaré M. Desrosiers. Il a rappelé que des rumeurs circulent depuis plusieurs années concernant l’implication présumée de certains journalistes dans des activités criminelles, des rumeurs que les récentes arrestations ont ravivées. Cependant, M. Desrosiers a tenu à préciser que l’AJH n’avait pas encore reçu de détails clairs sur ces dossiers de la part de la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ), malgré la demande de rencontre formulée par l’association pour obtenir plus d’informations sur les accusations.
Au-delà des arrestations, le débat a permis de mettre en lumière les failles structurelles de la presse haïtienne. Jacques Desrosiers a estimé que cette situation désastreuse découle également d’un manque de réflexion profonde sur la professionnalisation et la régulation du métier de journaliste. « Cela fait quarante ans que la Constitution haïtienne a été promulguée, et il n’existe toujours pas de texte encadrant et réglementant clairement la profession », a-t-il rappelé. Il a également fait état d’une initiative, vouée à l’échec, d’introduire une carte nationale de presse pour réguler la profession, initiative qui avait été boycottée par certaines associations de patrons de médias.
Durant le débat, les membres de l’AJHE n’ont pas manqué de soumettre Jacques Desrosiers à une série de questions sur la gestion de la situation actuelle. Ces échanges ont révélé une profonde inquiétude quant à l’avenir du journalisme en Haïti et la nécessité d’une mobilisation urgente pour sauver la profession. En conclusion, Jacques Desrosiers a lancé un appel à la collaboration. Il a exhorté l’AJHE, ainsi que les autres associations de presse présentes en Haïti, à unir leurs efforts pour redonner un souffle à ce métier en péril.
Ce débat a mis en exergue la fragilité d’une presse qui se bat pour sa survie dans un contexte marqué par l’insécurité, l’absence de régulation et la stigmatisation croissante de ses acteurs.