PORT-AU-PRINCE, lundi 14 août 2023– La police a dispersé brutalement lundi une manifestation organisée par des résidents de Carrefour-Feuilles, pour protester contre l’insécurité.
Des bandits lourdement armés ont mené un nouveau raid dimanche et pendant la matinée de lundi sur Carrefour-Feuilles en vue de prendre le contrôle de ce quartier situé au sud-est de la capitale, dans la troisième circonscription de Port-au-Prince.
Selon les témoignages de certains habitants, il y aurait près d’une vingtaine de mort et plusieurs maisons incendiées dans le cadre de cette attaque des gangs armés qui opèrent en toute impunité.
La police a réprimé la manifestation à coup de gaz lacrymogène et de tirs d’armes à feu, a la rue Capois, au moment où les protestataires se dirigeaient le palais national.
Les manifestants ont critiqué vertement le comportement de la police qui, ont-ils dénoncé, est toujours au rendez-vous quand il s’agit de répression contre la population victime de l’insécurité entretenue par les gangs armés.
Ils ont appelé au départ d’Ariel Henry du pouvoir qu’ils accusent de complicité avec les malfrats qui terrorisent la population.
Selon eux, il n’y aura pas de solution à l’insécurité en Haïti aussi longtemps que la coalition au pouvoir est à la tête du pays.
« Nous ne pouvons pas faire de différence entre les gangs et ceux qui détiennent illégitimement le pouvoir. Ils font tout pour protéger les gangsters alors qu’ils violent notre droit constitutionnel de manifester », ont déclaré certains manifestants.
L’attaque armée des bandits de ‘‘Gran Ravin’’ a provoquee le deplacement de plusieurs dizaines de famille qui ont trouvé refuge aux abords de radio Caraïbes, une station privée de la capitale.
Les déplacés internes ont dénoncé “l’inaction et l’indifférence” des autorités face l’arrogance des gangs, qui ne cessent de progresser dans leur stratégie de prise de contrôle de plus de territoire et d’encerclement de la capitale.
En avril dernier, lors d’une tentative ratée de prise de contrôle du quartier de Débussy, un mouvement d’autodéfense dénommé ‘‘Bwa kale’’ a vu le jour.
Selon le Bureau intégré des Nations en Haïti (BINUH), les groupes criminels en Haïti ont tué plus de 2 000 personnes entre janvier et juin 2023, soit une augmentation de presque 125 pour cent par rapport à la même période en 2022.
Le BINUH a également documenté 1 014 enlèvements pendant la même période ainsi que des « viols systématiques », les groupes criminels ayant recours à la violence sexuelle pour terroriser la population et démontrer leurs capacités de contrôle.
‘‘Les membres des familles des victimes et les survivants ont dit avoir souffert, ou avoir été témoins, de ces abus et de bien d’autres encore dans la région métropolitaine de Port-au-Prince depuis janvier 2023’’, fait remarquer Human Rights Watch (HRW) dans un rapport sur la situation des droits humains en Haïti. Ces différentes formes de violence ont souvent été accompagnées d’incendies de maisons et de pillages, obligeant la population à prendre la fuite, indique HRW.
HRW affirme dans son rapport que ‘‘le gouvernement haïtien n’est pas parvenu à protéger la population de la violence de ces groupes criminels. Pour les habitants des zones concernées, la police et autres autorités sont quasi inexistantes.’’
HRW souligne qu’en réponse à cette situation, certains habitants ont eu recours à une « justice populaire », en créant le mouvement « Bwa Kale » (Bois épluché), qui a pris de l’ampleur à la fin du mois d’avril 2023. Selon le BINUH en date de juin 2023, ce mouvement aurait tué plus de 200 personnes soupçonnées d’être des membres de groupes criminels, souvent avec la complicité d’officiers de police, dans tous les départements d’Haïti, rappelle l’organisation.
Elle précise que cette situation sécuritaire catastrophique est exacerbée par une impasse politique profonde, le dysfonctionnement du système judiciaire et une impunité persistante pour les violations des droits humains.