PORT-AU-PRINCE, mardi 15 octobre 2024– Dans un récent rapport, la Plateforme des Organisations Haïtiennes de Défense des Droits Humains (POHDH) alerte sur l’état critique des hôpitaux publics en Haïti, touchés de plein fouet par une insécurité galopante. Cette situation, selon le rapport, affecte particulièrement des établissements hospitaliers de référence comme l’Hôpital de l’Espérance à Pilate, dans le département du Nord, et l’Hôpital Universitaire d’État d’Haïti (HUEH) à Port-au-Prince, provoquant une crise sanitaire d’une ampleur alarmante. Les hôpitaux sont de plus en plus incapables d’assurer les soins nécessaires à une population déjà lourdement affectée par la pauvreté, la violence et l’instabilité politique.
L’Hôpital de l’Espérance de Pilate (HEP), considéré comme un symbole d’espoir et de survie pour la commune de Pilate, est aujourd’hui en danger imminent de fermeture. Construit pour desservir une population vulnérable, cet hôpital est aujourd’hui en situation d’urgence, avec une réduction drastique de ses services en raison de la montée de l’insécurité qui paralyse le fonctionnement normal de l’établissement. Selon le rapport de la POHDH, « la dégradation alarmante de la sécurité a conduit la direction de l’hôpital à réduire ses services à un point critique, rendant cet établissement, pourtant vital pour la commune, quasi inopérant. »
À mesure que l’insécurité se renforce, l’hôpital doit gérer un afflux de cas de violence nécessitant des soins urgents, mais ses capacités de réponse sont gravement limitées par un manque de ressources, tant humaines que matérielles. La pénurie de personnel de santé, conjuguée à l’insécurité, complique encore la situation. En effet, plusieurs membres du personnel médical, dont un médecin, quatre infirmières, un technicien de laboratoire et un comptable, ont quitté leurs postes, fuyant la violence pour préserver leur sécurité. Ces employés n’étant pas originaires de Pilate, ils ont préféré chercher des opportunités plus sûres ailleurs, abandonnant ainsi une communauté qui dépendait largement de leurs services.
Actuellement, le seul service encore en fonctionnement à l’hôpital Espérance est le service des urgences. Tous les autres services ont été suspendus, plongeant des milliers de patients dans une situation désespérée. Ces derniers, issus non seulement de Pilate, mais aussi de villes voisines telles que Milot, Cap-Haïtien, Plaisance et Gonaïves, sont désormais privés de soins. Même les habitants des sections rurales environnantes, telles que Margot et Rivière-Laporte, ne peuvent plus accéder aux soins dont ils ont besoin. Cette chute dramatique du nombre de patients entraîne une réduction considérable des revenus de l’hôpital, rendant sa survie économique de plus en plus incertaine.
Le rapport de la POHDH décrit la situation de l’hôpital Espérance comme « un exemple frappant des effets dévastateurs de l’insécurité sur le système de santé haïtien. » Si aucune mesure n’est prise pour améliorer la situation sécuritaire, l’hôpital risque de fermer ses portes dans les prochains jours, aggravant ainsi la crise sanitaire dans la région.
À Port-au-Prince, la situation est encore plus dramatique. L’Hôpital Universitaire d’État d’Haïti (HUEH), le plus grand hôpital public du pays, est fermé depuis plus de sept mois en raison de l’insécurité régnant dans la capitale. Le rapport de la POHDH souligne que cette fermeture prolongée prive des milliers de patients, dont certains dans des conditions critiques, de l’accès aux soins essentiels. Le Sanatorium, autre hôpital public d’importance, est lui aussi fermé, contribuant à une situation que la POHDH qualifie de « véritable catastrophe humanitaire en gestation. »
En l’absence d’une réouverture rapide de ces établissements, l’ensemble du système de santé public haïtien est paralysé, mettant en péril la vie de milliers de personnes. La POHDH dénonce le manque de mesures concrètes de la part du gouvernement et du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) pour faire face à cette situation. « Les tentatives du gouvernement de redresser la situation ont échoué, et cela ne fait qu’accentuer notre inquiétude quant à la capacité et à la volonté des autorités à rétablir l’ordre et permettre la reprise des services publics de base », affirme le rapport.
Le seul hôpital public encore en fonctionnement dans la région métropolitaine de Port-au-Prince est l’Hôpital Universitaire La Paix (HUP). Toutefois, cet établissement est confronté à une surcharge insupportable. Le rapport de la POHDH indique que le service de maternité de l’HUP est complètement débordé, incapable de recevoir les nombreuses patientes qui affluent chaque jour. Le même problème affecte les services d’urgence et de pédiatrie, avec une capacité d’accueil largement dépassée. Cette situation, selon la POHDH, est le résultat direct de la fermeture de l’HUEH, qui était le principal centre hospitalier public du pays. « L’afflux des patients à l’HUP a atteint des proportions telles qu’un plan d’urgence a dû être activé pour tenter de gérer les blessés par balles et les patients gravement malades, mais cela reste insuffisant. », précise le rapport.
La fermeture de l’HUEH a également des répercussions dramatiques sur les patients souffrant de maladies chroniques telles que le VIH-SIDA et la tuberculose, ainsi que sur les victimes de violence armée. « L’HUEH, qui servait de refuge pour les couches les plus défavorisées de la société, est aujourd’hui fermé, laissant des milliers de personnes sans accès à des soins de base », rappelle la POHDH.
Les conséquences de cette fermeture se font ressentir bien au-delà de la capitale. « L’Hôpital Général, en tant qu’établissement public de référence, était non seulement au service de Port-au-Prince, mais aussi d’une large partie du pays. Il proposait des services spécialisés, notamment en oto-rhino-laryngologie et dermatologie, qui ne sont disponibles dans aucun autre établissement public. » Le rapport déplore que cette institution soit aujourd’hui à l’abandon, alors qu’elle jouait un rôle vital pour les patients les plus démunis.
Face à cette situation alarmante, la POHDH appelle à des actions immédiates de la part des autorités. Elle recommande au Conseil Présidentiel de Transition (CPT) et au gouvernement de prendre des mesures urgentes pour rétablir un minimum de sécurité dans le pays, condition sine qua non à la réouverture de l’HUEH, du Sanatorium, et des autres hôpitaux publics dysfonctionnels, tant dans la région métropolitaine de Port-au-Prince que dans certaines villes de province. « Sans une intervention rapide, les institutions publiques continueront à fermer leurs portes, et la crise sanitaire s’aggravera jusqu’à devenir irréversible », avertit le rapport.
La POHDH appelle également à la création de solutions d’urgence pour accueillir les patients les plus vulnérables en attendant le rétablissement complet du système hospitalier. « Il est crucial de mettre en place des alternatives temporaires pour soigner les personnes nécessitant des soins prolongés ou spécialisés, ainsi que de renforcer les capacités des hôpitaux encore fonctionnels comme l’HUP », précise la POHDH. Enfin, le rapport insiste sur la nécessité de créer un dialogue ouvert avec les syndicats et les associations professionnelles de la santé pour améliorer la gestion des hôpitaux publics et offrir des conditions de travail plus attractives pour les médecins, infirmières, et techniciens de santé.
Le rapport conclut avec un appel à des mesures immédiates pour rénover les infrastructures de l’HUEH, en fixant des délais précis et en priorisant la réouverture des services essentiels tels que les urgences, la maternité, et les services de soins intensifs. « La survie du système de santé public haïtien dépendra de la rapidité et de la détermination des autorités à répondre à cette crise sans précédent », avertit la POHDH, qui invite également la communauté internationale à jouer un rôle actif dans le rétablissement du secteur de la santé en Haïti.