NEW-YORK, samedi 2 novembre 2024– À l’occasion de la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes, l’UNESCO appelle tous les États à respecter leurs engagements pour mettre fin à l’impunité des meurtres de journalistes.
Selon un nouveau rapport de l’UNESCO, le niveau d’impunité reste scandaleusement élevé, à 85 %, en baisse de seulement 4 points en six ans.
« En 2022 et 2023, un journaliste a été tué tous les quatre jours simplement pour avoir fait son travail essentiel de recherche de la vérité. Dans la grande majorité des cas, personne ne sera jamais tenu responsable », a déclaré Audrey Azoulay, Directrice générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO).
Elle a appelé tous les États membres « à faire davantage pour garantir que ces crimes ne restent jamais impunis. Poursuivre et condamner les auteurs est un levier majeur pour prévenir de futures attaques contre les journalistes ».
Le nouveau rapport de l’UNESCO relève la persistance d’un taux très élevé d’impunité pour les meurtres de journalistes : 85 % de tous les meurtres enregistrés par l’Organisation depuis 2006 sont considérés comme non résolus.
Si l’UNESCO constate une tendance à l’amélioration – le taux était de 89 % il y a six ans et de 95 % il y a douze ans – les États doivent considérablement accroître leurs efforts pour dissuader de nouveaux crimes contre les journalistes.
Au cours de l’exercice biennal couvert par le rapport de l’UNESCO (2022-2023), un total de 162 journalistes ont été tués. Près de la moitié des décès ont eu lieu dans des pays en proie à un conflit armé, contre 38 % au cours des deux années précédentes (2020-2021).
Dans d’autres pays, la plupart des journalistes ont été tués pour avoir couvert le crime organisé, la corruption ou alors qu’ils couvraient des manifestations publiques.
En Haïti, la liberté de la presse et la sécurité des journalistes sont gravement menacées par des groupes criminels qui opèrent avec une impunité alarmante. L’organisation criminelle « Viv Ansanm » est particulièrement active et redoutée, menaçant directement plusieurs journalistes dans le pays. Ces menaces constantes ont un impact profond sur la circulation de l’information, prenant en otage la liberté de la presse et dissuadant les médias de couvrir certains sujets sensibles.
Les journalistes haïtiens, confrontés à des pressions croissantes de la part de gangs armés, risquent leur vie pour exercer leur métier. Ces groupes, liés à des réseaux de corruption et de violence, n’hésitent pas à recourir aux menaces et aux agressions pour museler les voix critiques, contribuant ainsi au climat d’impunité et d’insécurité. Selon le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) et Reporters sans frontières (RSF), l’impunité persistante pour ces crimes est l’une des raisons pour lesquelles Haïti se classe parmi les pays les plus dangereux pour la profession.
Les récents meurtres de journalistes comme Diego Charles en 2021 et Néhémie Joseph en 2019 illustrent cette escalade de violence, où la justice reste largement absente. Face à ces actes de violence, les autorités peinent à prendre des mesures concrètes pour protéger les journalistes et restaurer l’État de droit. RSF et le CPJ continuent de dénoncer l’inaction des autorités haïtiennes et appellent à des actions immédiates pour mettre fin à cette impunité et garantir un environnement où les journalistes peuvent travailler en toute sécurité.
Ces événements rappellent également les assassinats non résolus de figures de la presse comme Jean Léopold Dominique et Jacques Roche, soulignant une histoire de persécution des journalistes en Haïti qui ne cesse de se répéter. Le manque de justice dans ces affaires emblématiques a encouragé une culture d’impunité où les groupes criminels comme « Viv Ansanm » exercent leur influence sans crainte de représailles.
.Le rapport soulève en outre le fait alarmant que le nombre de femmes journalistes tuées est à son plus haut niveau depuis 2017, avec 14 tuées.
Pour faire avancer la lutte contre l’impunité, l’UNESCO lance ce samedi sa campagne annuelle de sensibilisation au problème de l’impunité, qui sera diffusée dans les journaux du monde entier. Le thème de cette année est « Il y a une histoire derrière l’histoire ».
Le 6 novembre, l’UNESCO organise une conférence mondiale sur la sécurité des journalistes dans les situations de crise et d’urgence avec l’Union africaine à Addis-Abeba. L’UNESCO présentera son référentiel mondial des mécanismes nationaux de sécurité pour les journalistes, qui comprend 56 mécanismes nationaux de protection des journalistes et au moins 12 plans d’action nationaux.
L’UNESCO publiera également un guide à l’intention des psychologues travaillant avec des journalistes dans des situations d’urgence, en partenariat avec la Fondation internationale des femmes dans les médias (IWMF).
Il est conçu pour fournir aux psychologues des outils pratiques pour offrir un soutien psychologique immédiat en cas de crise, en mettant l’accent sur les besoins des femmes journalistes. L’objectif est de stabiliser les processus émotionnels et cognitifs perturbés par des événements traumatiques, permettant aux journalistes de prendre des décisions rationnelles essentielles à leur survie tout en minimisant les actions impulsives qui pourraient les mettre en danger.
L’Organisation organise également des dizaines d’autres événements dédiés à travers le monde.
A l’occasion de la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre des journalistes, le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a réaffirmé l’engagement de l’Organisation en faveur de la liberté de la presse et de la sécurité des journalistes dans le monde entier.
« La liberté de la presse est une condition indispensable des droits humains, de la démocratie et de l’Etat de droit. Pourtant, dans le monde entier, des journalistes sont empêchés de faire leur travail ; ils sont souvent la cible de menaces ou de violences et risquent même la mort dans la mission qui est la leur de faire éclater la vérité et de mettre les puissants devant leurs responsabilités », a-t-il dit dans un message.
Il a demandé aux gouvernements de prendre sans délai des mesures pour protéger les journalistes, enquêter sur les crimes qui les visent et en poursuivre les auteurs.
« Ensemble, mettons fin au cycle de la violence, défendons la liberté d’expression et veillons à ce que les journalistes puissent mener à bien leur mission essentielle en toute sécurité et sans crainte – partout dans le monde », a conclu le chef de l’ONU