“La Gouvernance Locale et le Développement du Grand Sud :” Une Analyse d’André Lafontant Joseph…

Andre Lafontant Joseph, responsable du GRIDE...

PORT-AU-PRINCE, dimanche 20 octobre 2024– Dans son analyse, André Lafontant Joseph présente une vision claire et détaillée de la gouvernance locale comme un levier indispensable pour le développement du Grand Sud d’Haïti. Selon lui, la gouvernance, définie comme un régime politique transparent où les autorités publiques encouragent la participation de la société civile dans la gestion des affaires publiques, se trouve à l’opposé de la corruption. Elle doit s’étendre à l’échelle locale, où les collectivités territoriales peuvent jouer un rôle clé dans la gestion des services sociaux de base, tels que l’éducation et la santé, deux piliers essentiels pour sortir du sous-développement.

Joseph explique que la décentralisation est au cœur de la gouvernance locale. Elle consiste à transférer pouvoirs, moyens et responsabilités aux autorités élues des collectivités locales pour garantir une meilleure gestion des services publics de proximité. Certaines fonctions peuvent rester centralisées, comme l’administration des examens officiels ou la délivrance de diplômes, mais d’autres, comme la gestion des cantines scolaires ou la construction des écoles rurales, devraient être gérées localement. Cette approche, selon lui, est contraire à la politique d’exclusion qui a dominé en Haïti depuis 1806.

Pour le Grand Sud, une décentralisation réussie dépend également d’un transfert efficace des ressources financières aux collectivités locales. Joseph met en lumière plusieurs mécanismes financiers qui pourraient soutenir ce processus, en commençant par le Fonds de Gestion et de Développement des Collectivités Territoriales (FGDCT). Pour l’exercice 2022-2023, les revenus de ce fonds sont estimés à 5 milliards de gourdes. Les mairies des 54 communes du Grand Sud devraient ainsi recevoir environ 918 millions de gourdes, tandis que les Casecs se verraient allouer 795 millions de gourdes, et les Asecs, 198 millions de gourdes, grâce à un ajustement des parts leur revenant.

En plus du FGDCT, Joseph rappelle l’importance des Fonds communaux, qui allouaient autrefois 10 millions de gourdes par commune et 1 million de gourdes par section communale. Malheureusement, ces fonds ont été transférés aux députés et sénateurs, ce qui va à l’encontre de la loi et compromet le financement des projets locaux. Si les élus locaux revendiquent le retour de ces fonds dans le budget national, ils pourraient générer 540 millions de gourdes pour les mairies et 227 millions pour les Casecs.

En totalisant les revenus du FGDCT et des Fonds communaux, Joseph estime que le Grand Sud pourrait mobiliser un minimum de 2,678 milliards de gourdes (environ 20,28 millions de dollars) pour financer des projets de développement locaux. Cela permettrait de créer une base financière solide pour la décentralisation et le développement autonome du Grand Sud.

Pour coordonner ces efforts, André Lafontant Joseph propose un cadre institutionnel à plusieurs niveaux. Au niveau communal, le Plan Communal de Développement (PCD) doit être l’outil politique central, appuyé par des organes techniques tels que les administrations communales et les chambres de commerce. À l’échelle départementale, le Plan d’Aménagement Départemental (PAD) et les conseils consultatifs, composés de représentants de la société civile, doivent guider les initiatives de développement. Enfin, le Plan d’Aménagement du Grand Sud (PAGS) doit coordonner les actions régionales avec le soutien du Conseil Régional du Grand Sud (CRGS) et de conseils consultatifs des secteurs clés des départements.

Joseph conclut en affirmant que ce cadre ne doit pas rester théorique. Le sous-développement d’Haïti, selon lui, a été un choix politique, et seule une action concertée, impliquant une véritable décentralisation et une gestion locale des ressources, permettra de redresser la situation économique et sociale du Grand Sud.