PORT-AU-PRINCE, vendredi 8 mars 2024 – La Fondasyon Je Klere (FJKL) déplore la détérioration continue de la situation sécuritaire dans la région métropolitaine d’Haïti, marquée par une escalade de la terreur infligée par les gangs armés. Les récents événements survenus dans les prisons civiles de Port-au-Prince et de la Croix-des-Bouquets ont exacerbé cette crise déjà critique.
La FJKL note que les activités des gangs armés s’intensifient, s’étendant sur un territoire de plus en plus vaste et devenant de plus en plus brutales. “Les actes barbares, tels que les assassinats, les décapitations, ainsi que les incendies délibérés de structures publiques et privées, y compris des établissements de santé, des lieux de divertissement, des institutions financières et des commerces, témoignent de la cruauté sans limites de ces groupes criminels”, souligne l’organisme de défense des droits humains.
La Police Nationale d’Haïti (PNH) se trouve dépassée par la situation, manifestant une incapacité à répondre efficacement à cette menace croissante. Le leadership de la police et des forces armées d’Haïti semble être désorienté, sans initiative claire pour endiguer l’avancée des gangs et restaurer la confiance au sein de la population civile, déplore la FJKL.
Selon la FJKL, dans de nombreuses communes, l’absence policière est flagrante, laissant ainsi les résidents à la merci des activités criminelles des gangs. Cette situation précaire se caractérise par des violations systématiques des droits humains, des actes de vol généralisés et une incapacité de l’État à garantir la sécurité publique, la tranquillité des rues et la sûreté des citoyens.
Analysant l’évolution des activités criminelles, la FJKL souligne que la montée de la terreur dans la région métropolitaine s’est déroulée de manière progressive, avec des événements clés marquant une escalade de la violence. Selon l’organisation, depuis la publication de vidéos menaçantes par les chefs de gangs jusqu’aux attaques coordonnées contre des institutions publiques et des forces de l’ordre, chaque étape a contribué à intensifier la situation de terreur dans la région.
Elle rappelle que le 16 février 2024, Johnson André, alias Izo 5 Segond, chef de gang du Village de Dieu, publie une vidéo intitulée “Pwojè Izo pou 2024” sur les réseaux sociaux. Dans cette vidéo, il annonce ses plans d’opérer contre le gouvernement d’Ariel Henry et déclare que chaque chef de gang est un cartel.
Le 28 février 2024, Jimmy Cherizier, alias ‘‘BBQ’’, donne une conférence de presse au cours de laquelle il lance l’opération “Rechercher les ministres” et annonce des opérations de ‘‘déchouquage.’’ Le 29 février 2024, les chefs de gangs publient des extraits d’une réunion réalisée par téléphone où ils décident de vider la prison civile de Port-au-Prince de ses détenus avant de s’attaquer à d’autres cibles, telles que le Palais National.
Selon un rapport de la FJKL, ‘‘ils prévoient d’attaquer simultanément plusieurs points pour occuper la police et rendre la Police Nationale d’Haïti (PNH) incapable de répondre à toutes les menaces en même temps. Ce jour-là, ils passent à l’action : des rafales d’armes automatiques retentissent dans divers endroits, des bureaux publics, des églises, des commissariats de police et même des hôpitaux sont attaqués’’, souligne l’organisation.
La FJKL souligne que la journée du 29 février 2024 est marquée par plusieurs attaques, ajoutant que des individus armés, membres du gang ‘‘Kraze Barye’’ de VitelHomme Innocent, lancent un assaut contre les locaux de l’Académie Nationale de Police. Ils détruisent une partie du mur de clôture pour accéder au champ de tirs de l’Académie. Des agents de la PNH à bord d’un véhicule blindé interviennent pour repousser les assaillants.
Des gangs armés attaquent le sous-commissariat de Bon Repos, où ils assassinent plusieurs policiers : Marion Junior, de la 14ème promotion, inspecteur principal ; Pierre Luciana, de la 26ème promotion, agent 2 ; Jean Baptiste Guilliamson, de la 31ème promotion, agent 1 ; et Pautrace Resula, de la 32ème promotion, agent 1.
L’organisation rapporte que ‘‘les criminels s’emparent d’un véhicule blindé de la PNH et incendient le sous-commissariat. Ils diffusent sur les réseaux sociaux des images du corps de l’inspecteur principal, qu’ils sont en train de démembrer. Les policiers ont passé plus de deux heures à demander des renforts avant d’être tués par les membres du gang de Canaan, ce qui a traumatisé l’institution policière et aura un impact significatif sur les événements à venir. Les policiers pourraient être plus enclins à abandonner leurs positions aux gangs à l’avenir.’’
Attaque contre le commissariat de Portail Léogane, où des véhicules et des équipements sont incendiés. Attaque contre le sous-commissariat de Marché Salomon dans la zone de Bas-peu-de-chose par des membres du gang de “Ti Lapli”. Quant à ce qui s’est passé dans les centres carcéraux, la FJKL souligne que les événements dramatiques survenus dans les prisons civiles de Port-au-Prince et de la Croix-des-Bouquets ont révélé l’incapacité des autorités à maintenir l’ordre et la sécurité à l’intérieur de ces établissements.
Les évasions massives de détenus ont non seulement accru le sentiment d’insécurité dans la région, mais ont également alimenté le nombre déjà important de criminels en liberté. Un climat de tension a régné dans le périmètre externe de la prison civile de Port-au-Prince depuis la dernière semaine de février. Cette période a été marquée par des tirs sporadiques, des menaces et la présence d’hommes armés dans les environs. Les individus armés étaient affiliés à des gangs locaux, bien que leurs noms spécifiques ne soient pas mentionnés.
Quatre chars blindés ont été déployés dans le périmètre externe de la prison dans le but de repousser d’éventuelles attaques des bandits. L’Equipe Pénitentiaire d’Intervention et d’Escorte (EPINE) de l’Administration Pénitentiaire (DAP) est mobilisée depuis le 28 février. Des échanges de tirs ont eu lieu entre la police et les bandits dans la soirée du 2 mars 2024, mais les noms des individus impliqués ne sont pas spécifiés.
La panique a saisi les policiers de la Direction de l’Administration Pénitentiaire (DAP) affectés à la prison civile de Port-au-Prince, soit par traumatisme des événements récents à Bon Repos, soit par choix ou collusion avec les bandits. ‘‘Tous les policiers ont abandonné leur poste, laissant les barrières de la prison ouvertes vers 19 heures le 2 mars 2024. À partir de 16 heures, les détenus du bloc Titanic avaient brisé tous les cadenas de leurs cellules. Titanic est le quartier le plus important de la prison, réservé aux détenus les plus dangereux.’’
L’organisation précise que les noms des individus impliqués dans ces actions ne sont pas fournis, mais une enquête devra déterminer leur responsabilité. Certains détenus étaient en contact avec des complices à l’extérieur de la prison. Les noms des membres du groupe d’intervention désengagé ne sont pas mentionnés. Sur les 3696 détenus présents au pénitencier national ce soir-là, seuls 87 ont répondu à l’appel le lendemain, vers midi. Les 3696 autres détenus se sont évadés, parmi lesquels se trouvaient des criminels dangereux, des kidnappeurs, des violeurs et des terroristes. Les noms spécifiques des détenus évadés ne sont pas donnés.
La même nuit, la prison civile de la Croix-des-Bouquets a été attaquée par des gangs, dont certains provenaient du pénitencier national. Les policiers se sont désengagés, entraînant l’évasion de tous les 1030 détenus de la prison. Les noms des gangs impliqués ne sont pas mentionnés, informe la FJKL. L’organisation affirme qu’en une nuit, près de 4726 prisonniers se sont ainsi retrouvés en liberté, exacerbant un climat d’insécurité déjà tendu. Les noms des détenus évadés ne sont pas fournis.
Après l’attaque de la prison de la Croix-des-Bouquets, les policiers ont quitté la ville par crainte, car le commissaire n’avait pas réussi à obtenir les munitions et le renfort demandés pour repousser les bandits. L’absence de renforts rappelait le meurtre des policiers de Bon Repos qui avaient attendu en vain du renfort. Les noms spécifiques des policiers impliqués ne sont pas donnés. Les bandits ont ensuite pillé plusieurs établissements, incluant des banques, des dépôts de nourriture, des magasins de matériaux de construction et des magasins de pièces automobiles, prenant le contrôle total de la ville. Les noms des bandits responsables ne sont pas fournis.
Le bilan provisoire des événements survenus dans la région métropolitaine est catastrophique, avec des pertes humaines importantes, des infrastructures publiques détruites et une atmosphère générale de chaos et de peur. Le nombre d’évadés s’élève à quatre mille sept cent vingt-six (4726), cependant, une évaluation exhaustive demeure difficile à ce stade.
Prisonniers tués : Une trentaine de prisonniers ont été tués, dont deux à l’intérieur de la prison civile de Port-au-Prince et plusieurs autres au Boulevard Jean Jacques Dessalines (Grand rue). Morts à Port-au-Prince : Une trentaine de décès ont été recensés à Port-au-Prince dans la matinée du 3 mars 2024. Morts à Croix-des-Bouquets : Une dizaine de morts ont été recensés dans les rues de Croix-des-Bouquets, avec deux autres décès survenus à l’intérieur de leurs domiciles.
Incendie de la morgue privée : La morgue privée “Mille Souvenirs”, située en face du sous-commissariat Calvaire de Croix-des-Bouquets, a été incendiée. Incendies et vandalisme : Plusieurs sous-commissariats, dont ceux de Bon Repos, Delmas 3, Portail Léogâne, marché Salomon, carrefour de l’aéroport et de la Croix-des-Bouquets, ainsi que les commissariats de Cabaret et de la Croix-des-Bouquets, ont été incendiés ou vandalisés.
Incendies de bureaux administratifs : Les bureaux de l’Office National d’Assurance Vieillesse (ONA) à Santo, le Bureau de l’Électricité d’Haïti à Delmas 40 et l’OAVCT à Tabarre ont été incendiés. Pillages et vandalisme : Le stade Sylvio Cator, le Ministère de la Communication et l’hôpital Saint François de Salle ont été la cible de pillages et de vandalisme.
Dégâts aux commerces et églises : Divers établissements commerciaux, banques et institutions, dont MSC PLUS à Tabarre, Capital Bank à Delmas 53, Sogebank, BNC et Unibank à la Croix-des-Bouquets, BNC à Cabaret, la Coopérative Kotelam de l’Ave Magloire Amboise, Magasin FIFA, Église de Sainte-Anne, Église Dieu de la rue du Centre et la Direction Générale des Impôts de la Croix-des-Bouquets, ont été vandalisés ou incendiés. Le gouvernement d’Ariel Henry est largement critiqué pour son incapacité à assurer la sécurité et le bien-être des citoyens haïtiens.
Son manque d’action proactive pour contrer les gangs armés et son échec à mettre en œuvre des politiques efficaces de sécurité ont exacerbé la crise actuelle. La FJKL met en lumière les lacunes du Haut commandement de la Police Nationale d’Haïti et du Haut État-major de l’Armée, qui ont été incapables de répondre de manière adéquate à la menace croissante des gangs armés. La communauté internationale n’est pas exempte de responsabilités dans la situation actuelle en Haïti.
Son manque d’action décisive et son soutien continu à un gouvernement inefficace ont contribué à renforcer les gangs et à aggraver l’instabilité dans le pays. La classe politique, les forces économiques et la société civile organisée d’Haïti sont également pointées du doigt pour leur incapacité à résoudre la crise actuelle et pour leur soutien tacite à des leaders politiques controversés.
Face à cette situation critique, la FJKL appelle à un changement radical au niveau de la gouvernance du pays, du Haut commandement de la Police Nationale d’Haïti et du Haut État-major de l’Armée. Des mesures urgentes doivent être prises pour restaurer l’ordre et la sécurité dans la région métropolitaine, notamment par le recrutement et la formation de nouvelles forces de sécurité et par la mise en place d’une politique de sécurité nationale cohérente et efficace.