La diaspora haïtienne exhorte la CARICOM à renforcer le rôle de la société civile et de la diaspora dans la transition en Haïti…

Myrtha Désulmé du Forum Haïtien pour la Paix et le Développement Durable (FOHPDD), Edwin Paraison de la Fondation Zile, Valeska Maurice du FOHPDD, Rivière Willer de la Fédération de la Diaspora Haïtienne d’Europe (FEDHE)…

 

PORT-AUPRINCE, lundi 19 août 2024 – Une délégation de la diaspora haïtienne, conduite par Myrtha Désulmé du Forum Haïtien pour la Paix et le Développement Durable (FOHPDD), a rencontré la semaine dernière le Groupe des Éminentes Personnes (GEP) de la CARICOM, en mission en Haïti, pour discuter des avancées de la transition en cours dans le pays. Cette rencontre, axée sur les préoccupations croissantes concernant la direction du processus de transition, a permis à la diaspora d’exprimer ses inquiétudes et ses recommandations.

La délégation, composée de Rivière Willer de la Fédération de la Diaspora Haïtienne d’Europe (FEDHE), Valeska Maurice du FOHPDD, et Edwin Paraison de la Fondation Zile, a souligné que la date du 14 août marquait le 233e anniversaire de la cérémonie du Bois Caïman, un événement crucial qui a déclenché la révolution haïtienne. « C’est une ironie douloureuse que, deux siècles après cette cérémonie historique, Haïti se retrouve à nouveau sous une forme d’occupation internationale », a déclaré la délégation, exprimant leur frustration face à la situation actuelle.

Les représentants de la diaspora ont critiqué la composition et le fonctionnement du Conseil présidentiel de transition. Selon eux, ce Conseil, qui devait être constitué principalement de membres de la société civile, est dominé par des acteurs politiques. « Le Conseil présidentiel de transition était imparfait dès sa création. Au lieu de gagner le pouvoir par le biais d’un scrutin, ces acteurs politiques ont été parachutés dans un Conseil gouvernemental qu’ils manipulent pour obtenir un avantage lors des prochaines élections », ont-ils affirmé, dénonçant les scandales et les allégations de corruption entourant le Conseil, notamment une tentative d’extorsion impliquant trois conseillers présidentiels. « Ces trois conseillers devraient démissionner ou au moins se retirer temporairement, afin de permettre une enquête transparente », a insisté la délégation, soulignant l’importance de lutter contre la corruption et l’impunité qui sapent la crédibilité de l’État haïtien.

La délégation a également pointé du doigt l’exclusion de la diaspora dans l’Accord politique du 3 avril, malgré son rôle crucial dans l’économie haïtienne, notamment à travers les transferts de fonds. Ils ont appelé à une inclusion plus large de la diaspora, de la société civile et des organisations paysannes dans le processus de transition. « Ces entités sont les seules capables de garantir la crédibilité des réformes constitutionnelles et des futures élections », ont-ils soutenu.

Concernant la sécurité, la diaspora a vivement critiqué la gestion de la situation actuelle. « La nomination d’un nouveau chef de police et l’arrivée des forces kényanes n’ont fait qu’aggraver le contrôle des gangs sur le territoire », ont-ils déploré. Ils ont exhorté la CARICOM à faire pression sur la communauté internationale pour qu’elle mette fin à « l’hypocrisie, la complicité et les actions superficielles », et propose des solutions réelles et durables. « Le peuple haïtien ne demande pas la charité, mais de la sécurité pour pouvoir vaquer à ses occupations et vivre comme tout être humain dans le monde », ont-ils déclaré.

La diaspora a également insisté sur la nécessité de publier et d’appliquer l’Accord du 3 avril, tout en le corrigeant pour mieux refléter les réalités actuelles d’Haïti. Ils ont réclamé la création de l’Organe de Contrôle de l’Action Gouvernementale (OCAG), prévu dans l’Accord, pour surveiller les actions de l’exécutif et garantir la bonne conduite de la transition. Ils ont aussi plaidé pour l’instauration du Conseil National de Sécurité, permettant aux Haïtiens de discuter sur un pied d’égalité avec la communauté internationale des besoins sécuritaires du pays, au lieu de subir des impositions contraires à la souveraineté haïtienne. « Nous suggérons que les deux membres observateurs sans droit de vote du Conseil présidentiel soient investis d’un mandat pour jouer un rôle de vigie et prévenir la corruption au sein du Conseil », ont-ils proposé.

La délégation a conclu en appelant la CARICOM à assumer pleinement son rôle de garant de la transition en Haïti. « Si la CARICOM s’implique en tant que ”facilitateur” entre les divers secteurs de la vie nationale, ainsi qu’entre Haïti et la République Dominicaine, elle doit jouer son rôle à bon escient», ont-ils affirmé, en soulignant l’importance de ne pas imposer à Haïti des mesures qui ne seraient pas acceptées dans les autres pays membres.

Cette rencontre était importante pour la diaspora haïtienne, qui continue de jouer un rôle essentiel dans le soutien à la transition et au peuple haïtien, tout en veillant à ce que ses préoccupations soient prises en compte dans les discussions sur l’avenir du pays. Haïti reste un rêve brisé.