La diaspora haïtienne des États-Unis se mobilise en vue des prochaines élections : réunis en symposium, les Haïtiens de l’étranger revendiquent leur droit de vote

Me Samuel Madistin, , Me Peter Bernard et Me Frandley D Julien...

MIAMI, samedi 8 février 2025 À l’initiative de la Haitian Diaspora Convention Association (HDCA), un symposium s’est tenu à Miami sur « le rôle et le droit de vote de la diaspora dans la reconstruction d’Haïti ». Lors de cet événement, Me Samuel Madistin a défendu avec vigueur le droit de vote des Haïtiens de l’étranger, le qualifiant de droit humain fondamental et de condition essentielle à leur participation à la gestion des affaires publiques en Haïti. Il a insisté sur le fait que « l’universalité et l’inaliénabilité des droits conférés à chaque individu par sa simple existence » impliquent que la diaspora haïtienne puisse exercer pleinement son droit de vote, sans discrimination ni restrictions déraisonnables.

Il a souligné que la participation politique en Haïti est souvent compromise par la violence électorale, la fraude et la corruption. Ce climat de méfiance a mené à l’exclusion de nombreuses catégories de citoyens, notamment les femmes et les groupes vulnérables. Dans ce contexte, la diaspora, qui constitue une force économique et intellectuelle majeure, est écartée des processus décisionnels, bien qu’elle contribue largement au développement du pays par ses transferts de fonds.

Me Madistin s’est appuyé sur plusieurs instruments internationaux pour démontrer que le droit de vote est un droit fondamental consacré par des textes ratifiés par Haïti. Il a cité l’article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui stipule que « tout citoyen a le droit et la possibilité, sans discrimination aucune et sans restrictions déraisonnables, de voter et d’être élu ». Il a également mentionné l’article 23 de la Convention interaméricaine des droits de l’homme, qui garantit à tout citoyen « le droit d’élire et d’être élu dans le cadre de consultations périodiques authentiques, tenues au suffrage universel et égal ».

Poursuivant son argumentation, il a insisté sur le fait que le vote est un élément central de la participation citoyenne à la gestion des affaires publiques. Citant à nouveau l’article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, il a affirmé que le droit de vote dépasse la simple formalité électorale et s’inscrit dans un cadre plus large de participation démocratique. Selon lui, « la possibilité de prendre part à des élections est en soi un droit humain qui dépasse le simple vote », ajoutant que ce droit est intrinsèquement lié aux libertés d’expression, d’association et de réunion.

Me Madistin a rappelé qu’une tentative d’accorder le droit de vote aux Haïtiens de l’étranger avait été initiée sous la présidence de Jovenel Moïse en 2018. Un projet de loi électorale prévoyait alors que « l’Haïtien vivant à l’étranger, ayant la qualité d’électeur, vote pour élire le président de la République », mais cette initiative n’a jamais été concrétisée. Il a soutenu que l’exclusion de la diaspora repose sur une restriction légale qui pourrait être levée par une réforme constitutionnelle et législative garantissant l’intégrité du processus électoral à l’étranger.

Il a également abordé les défis techniques liés à l’organisation du vote des Haïtiens de l’étranger. Si l’élection présidentielle ne présente pas de difficultés majeures, les élections législatives et locales nécessiteraient une adaptation du mode de scrutin pour assurer une représentation équitable. Selon lui, « les scrutins plurinominaux ou proportionnels aux législatives sont des options à considérer dans le cadre d’un amendement constitutionnel ».

S’exprimant sur la reconstruction d’Haïti, il a insisté sur le fait que le droit de vote de la diaspora n’est pas une faveur, mais une nécessité démocratique. Il a pris l’exemple des athlètes d’origine haïtienne qui choisissent de représenter Haïti sur la scène internationale, malgré la possibilité de concourir pour d’autres nations. « Haïti ne peut plus être réduite à ses 27 750 km² », a-t-il déclaré, soulignant le rôle fondamental de la diaspora dans les décisions politiques et économiques du pays.

Me Madistin a conclu en affirmant que la reconstruction d’Haïti passe nécessairement par un renforcement de l’État de droit, et que l’intégration politique de la diaspora est une condition sine qua non pour y parvenir. Il a insisté sur le fait que « la participation massive de la diaspora aux élections renforcerait la légitimité des dirigeants et favoriserait la stabilité politique », appelant à une réforme immédiate du cadre légal.

Intervenant à son tour, Me Peter H. Bernard a réitéré l’importance du droit de vote de la diaspora dans le processus de reconstruction nationale. Il a rappelé que les Haïtiens vivant à l’étranger contribuent significativement à l’économie du pays, mais restent exclus des processus décisionnels. « La diaspora est une force vive de la nation. Elle ne peut plus être réduite à un simple rôle économique. Il est impératif qu’elle puisse participer aux décisions politiques qui engagent l’avenir du pays », a-t-il affirmé devant un auditoire composé de membres influents de la diaspora et de représentants d’organisations engagées dans le développement du pays.

Selon lui, l’intégration de la diaspora dans le processus électoral renforcerait la démocratie, favoriserait la transparence et encouragerait les investissements directs en Haïti. Il a cité l’exemple de plusieurs pays africains ayant intégré leurs expatriés dans la gouvernance nationale, ce qui a contribué à la stabilité institutionnelle et à la croissance économique. « Haïti doit suivre cette voie et cesser d’exclure une partie de sa population qui a pourtant prouvé son attachement indéfectible à la nation », a-t-il soutenu.

Me Bernard a ensuite souligné les principaux obstacles à cette réforme, notamment l’absence d’un cadre légal clair et les résistances politiques internes. « La question n’est pas de savoir si la diaspora doit voter, mais quand et comment nous allons mettre en place les mécanismes nécessaires pour garantir ce droit fondamental », a-t-il insisté. Il a affirmé que l’intégration politique de la diaspora permettrait de renforcer la responsabilité des gouvernants et d’instaurer une gouvernance plus transparente et efficace.

Son intervention a suscité de nombreuses réactions parmi les participants, qui ont unanimement reconnu la nécessité d’une réforme électorale permettant à la diaspora de voter. Me Frandley D. Julien a, quant à lui, plaidé pour que les Haïtiens vivant à l’étranger puissent non seulement voter, mais aussi être candidats aux élections haïtiennes. Il a soutenu que le droit à la citoyenneté externe doit être reconnu, car un changement de résidence ne signifie pas une renonciation à la citoyenneté. « Haïti a tout à gagner en permettant à sa diaspora de voter et d’élire ses représentants directement », a-t-il conclu.

Intervenant par Zoom, Ricardo Augustin, ancien conseiller électoral (CEP 2015), a mis en avant l’urgence de faciliter la participation électorale des Haïtiens de l’étranger. S’il a reconnu les défis techniques et logistiques que cela implique, il a plaidé pour le vote électronique comme solution viable.

Le dirigeant politique Victor Benoît a salué cette initiative ayant rassemblé des Haïtiens venus de plusieurs États américains. Il a souligné que, malgré les difficultés, la relève est assurée et que l’inclusion des expatriés dans la vie politique est essentielle au développement du pays. Selon lui, la diaspora haïtienne a un rôle déterminant à jouer dans la transformation de la société et doit également s’impliquer dans le lobbying en faveur d’Haïti et de ses communautés.

La Haitian Diaspora Convention Association (HDCA) est une organisation à but non lucratif dédiée au bien-être social, à l’éducation et à des actions caritatives. Sa vision est de mobiliser les organisations de la diaspora haïtienne et d’autres parties prenantes pour agir collectivement en Haïti et à l’étranger. La mission de la HDCA consiste à autonomiser les Haïtiens afin qu’ils investissent ensemble dans le développement d’entités durables, visant à améliorer la société et à élever la qualité de vie de leurs communautés.

 

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