“La décision d’inculper Raoul Pierre-Louis et d’émettre un mandat d’amener à son encontre : une remise en question de la lutte contre la corruption en Haïti,”- Sonet Saint-Louis…

Raoul Pierre-Louis, expresident de la BNC...

PORT-AU-PRINCE, jeudi 9 janvier 2025-Dans, un courrier de l’avocat de Raoul Pierre-Louis, adressé à Me Benjamin Félismé, Le Sonet Saint-Louis, exprime une contestation concernant la décision d’inculper son client. Cette décision fait suite à la dénonciation par M. Pierre-Louis de pratiques de corruption impliquant des membres du Conseil présidentiel de transition (CPT), un acte qui n’a pas manqué de soulever de nombreuses interrogations sur la lutte contre la corruption en Haïti et sur la protection des dénonciateurs.

Dans cette lettre, l’avocat dénonce la procédure en cours et remet en question l’inculpation de son client, soulignant le fait qu’il a été contraint de quitter le pays en raison des menaces qui pèsent sur sa sécurité. “Mon client a fait face à une situation extrêmement dangereuse. Il est victime de menaces de mort en raison de ses dénonciations, mais cela ne devrait pas justifier une décision d’inculpation”, déclare Me Félismé dans sa lettre. L’avocat rappelle que la dénonciation de la corruption est un acte citoyen et que la loi haïtienne, ainsi que les conventions internationales, protègent ceux qui choisissent de s’engager contre les pratiques illégales.

Les accusations qui pèsent sur M. Pierre-Louis se basent sur sa supposée absence aux convocations de la Chambre d’instruction, bien que des raisons de sécurité aient été invoquées pour justifier son absence. “Le gouvernement haïtien doit comprendre que M. Pierre-Louis est en danger, et ce danger est lié à son rôle en tant que dénonciateur”, insiste Me Félismé. Selon lui, l’État haïtien porte une part de responsabilité dans la sécurité de ceux qui choisissent de dévoiler des faits de corruption.

Il n’est pas sans rappeler que la loi haïtienne, notamment la loi du 12 mars 2014, reconnaît et protège les dénonciateurs, mais la réalité sur le terrain montre une tout autre dynamique. L’Unité de Lutte contre la Corruption (ULCC) qui est censée assurer le suivi des affaires de corruption, semble inefficace, voire absente dans certains cas. Me Félismé fait remarquer que l’ULCC doit jouer un rôle clé dans ce type d’affaires, mais qu’elle n’apporte pas le soutien nécessaire aux personnes courageuses qui choisissent de parler.

La situation de M. Pierre-Louis soulève également des questions sur l’indépendance et l’efficacité de la justice haïtienne. “Le rôle du juge doit être de qualifier les faits en toute impartialité, et non de se laisser influencer par des considérations politiques”, explique Me Félismé. Pour lui, la décision d’inculper un dénonciateur remet en question la crédibilité du système judiciaire haïtien, particulièrement en matière de lutte contre la corruption. “Il est inacceptable qu’un citoyen qui dénonce un acte criminel se retrouve traité comme un criminel”, affirme-t-il.

Le processus judiciaire actuel dans le pays suscite une inquiétude croissante sur la manière dont les affaires de corruption sont traitées. Me Félismé critique les pratiques judiciaires actuelles, qualifiant l’inculpation de M. Pierre-Louis d’acte d’intimidation visant à étouffer la vérité. “Nous sommes dans une situation où les victimes de la corruption, comme M. Pierre-Louis, risquent d’être davantage punies que les véritables coupables”, déplore-t-il. En effet, le rôle d’un dénonciateur est crucial pour faire avancer la justice, et non pour être accusé d’une fuite imaginaire dans un pays où l’insécurité règne.

Me Saint-Louis, tout en soulignant l’inefficacité de l’État à protéger les citoyens, met en avant la responsabilité de l’État haïtien de garantir la sécurité des témoins et des dénonciateurs. “La communauté internationale a ses attentes par rapport à la lutte contre la corruption. Si Haïti ne protège pas ses dénonciateurs, comment peut-il prétendre respecter ses engagements internationaux?” interroge l’avocat.

L’avocat propose également une alternative pour garantir la sécurité de son client : une enquête menée par les autorités américaines, à la suite des nombreuses menaces dont Raoul Pierre-Louis fait l’objet. “Si l’État haïtien n’est pas capable d’assurer la sécurité de son citoyen, il est de son devoir d’accepter que ce dernier soit protégé par un autre pays”, soutient Me Félismé. Cela soulève une question importante sur le manque de garanties pour les citoyens qui s’opposent à la corruption dans le pays.

La situation de Raoul Pierre-Louis n’est que la partie émergée de l’iceberg. D’autres dénonciateurs risquent de subir le même sort, et le système judiciaire haïtien se trouve à un tournant. Si des mesures concrètes ne sont pas prises pour protéger les témoins et les dénonciateurs, Haïti risque de voir une érosion de la confiance de ses citoyens dans les institutions judiciaires. Il est impératif de réformer le système de lutte contre la corruption et d’assurer une véritable indépendance du pouvoir judiciaire, afin de garantir un avenir où la justice est rendue de manière équitable et transparente.

Dans le cadre de l’enquête judiciaire concernant le scandale des 100 millions de gourdes de la Banque Nationale de Crédit (BNC) impliquant plusieurs individus dont trois conseillers-presidents, membres du conseil présidentiel de transition (CPT), le juge d’instruction en charge du dossier, Benjamin Félismé a décerné des mandats d’amener à l’encontre de Pascal Raoul Pierre-Louis, ex-président du conseil d’administration de la banque et Lornick Léandre, également inculpé dans cette affaire. Ces deux individus, inculpés dans ce scandale financier, sont recherchés pour répondre aux accusations portées contre eux.

Selon les pièces de la procédure, les faits incriminés relèvent de détournement de fonds et d’abus de confiance, des infractions prévues et réprimées par le Code pénal haïtien. Le mandat ordonne aux forces de l’ordre d’interpeller les inculpés et de les conduire devant le cabinet du juge d’instruction pour être interrogés sur ces faits.

Le document rappelle également que les accusés ont le droit d’être assistés par un avocat tout au long de la procédure, comme le garantit l’article 24-3 de la Constitution haïtienne.

En octobre 2024, un rapport accablant de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) a révélé des échanges incriminants entre Pascal Raoul Pierre-Louis et Louis Gérald Gilles, indiquant qu’une somme de 100 millions de gourdes aurait été exigée pour garantir le maintien de Pierre-Louis à la tête de la BNC. Les preuves incluent des conversations WhatsApp entre les deux hommes, mettant en lumière des négociations sur des avantages financiers, notamment l’octroi de cartes de crédit.

Un événement central dans cette affaire est une réunion tenue dans la chambre 408 de l’hôtel Royal Oasis, organisée par Louis Gérald Gilles avec la participation de Lonick Léandre. Selon les investigations, les conseillers-présidents auraient demandé 100 millions de gourdes à Pascal Raoul Pierre-Louis pour soutenir sa reconduction à son poste.

Un procès-verbal rédigé par le juge de paix Fritz Veus, ainsi qu’une lettre datée du 24 juillet 2024 adressée par Pierre-Louis au Premier ministre Gary Conille, constituent des pièces maîtresses du dossier. Dans cette lettre, Pierre-Louis détaille les exigences financières des conseillers-présidents et accuse formellement ces derniers d’extorsion. Une analyse des communications téléphoniques a également révélé des échanges fréquents entre Pascal Pierre-Louis, Lonick Léandre et Louis Gérald Gilles.

L’enquête a par ailleurs mis en évidence l’utilisation présumée de fonds d’intelligence de la Présidence pour couvrir ces transactions, soulevant de sérieuses interrogations sur la gestion opaque des finances publiques.

Après la publication du rapport de l’ULCC, Pascal Pierre-Louis a été démis de ses fonctions et s’est réfugié à l’étranger, refusant de répondre aux convocations du juge d’instruction. Invoquant des raisons de sécurité, il a demandé, via son avocat, d’être entendu par visioconférence. Son absence répétée a conduit à l’émission d’un mandat international à son encontre.

Dans cette affaire, des mandats d’amener pourraient également être émis sous peu contre Louis Gérald Gilles et Smith Augustin, accusés d’abus de fonction et de corruption passive.

Selon le rapport de l’ULCC, Pascal Pierre-Louis est, quant à lui, poursuivi pour corruption active et complicité. Des cartes de crédit préapprouvées d’une valeur totale de 20 000 USD pour les trois membres du CPT et de 13 500 USD pour Lonick Léandre auraient été émises par la BNC à leur demande. Ces cartes ont été activement utilisées jusqu’à l’ouverture de l’enquête.

Les accusés rejettent ces accusations, affirmant qu’il s’agit d’un complot politique visant à nuire à leur réputation. Louis Gérald Gilles, dans un communiqué, a déclaré : « Ces accusations ne sont qu’une machination politique. Nous sommes innocents. » Gilles a également récusé les magistrats du Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince, tandis que Vertilaire a interjeté appel, invoquant une juridiction spéciale en raison de leur statut de conseillers-présidents. Cette démarche a suscité de vives critiques de la société civile et de certains acteurs politiques, qui dénoncent une tentative de blocage de l’instruction. Plusieurs organisations ont d’ailleurs exigé leur suspension du CPT pour garantir un procès équitable.

Par ailleurs, le magistrat instructeur Benjamin Félismé a déjà auditionné Fritz William Michel, ancien Premier ministre désigné, Éric Smarki Charles, Jonas Coffy, ex-ministre du commerce et Marie Myrtho Midy Louis, directrice des opérations de cartes de crédit à la BNC en tant que témoins. Ces auditions visent à établir les responsabilités dans ce scandale qui secoue le Conseil Présidentiel de Transition.