”La crise en Haïti peut être résolue,” affirme le chef des droits de l’homme de l’ONU…

Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk...

NEW-YORKK, mardi 8 octobre 2024– Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a exprimé mardi sa conviction que la crise multidimensionnelle en Haïti, marquée par une insécurité croissante, l’effondrement de l’État de droit et une crise de gouvernance, peut être surmontée. Lors de son intervention au Conseil des droits de l’homme à Genève, il a souligné que la petite superficie d’Haïti, d’environ 28 000 kilomètres carrés, rend cette tâche faisable, tant sur le plan stratégique que financier. Pour lui, la résolution de cette crise n’est pas un défi insurmontable, même si elle exige un engagement international ferme et coordonné.

Selon M. Türk, il est essentiel de reconnaître que la situation actuelle n’est pas le résultat d’un mal inhérent ou d’un destin inexorable pour le peuple haïtien, mais bien le fruit de crises multiples qui se chevauchent et qui, avec une volonté politique et des ressources adéquates, peuvent être résolues. En effet, la situation en Haïti résulte d’une dégradation progressive de l’État, d’une pauvreté endémique, et d’une montée en puissance des gangs criminels qui ont pris le contrôle d’importantes parties du pays.

Une partie importante de la solution réside, selon lui, dans l’application stricte de l’embargo sur les armes imposé par le Conseil de sécurité de l’ONU. Cet embargo, adopté en octobre 2023, vise à empêcher les groupes armés non étatiques de se procurer des armes et des munitions, qui alimentent la violence dans le pays. Volker Türk a souligné l’urgence de cette question, indiquant que le renouvellement de cet embargo, prévu pour le 18 octobre, sera un test crucial de la volonté de la communauté internationale de s’engager activement dans la résolution du conflit haïtien.

La mise en œuvre de cet embargo est d’autant plus cruciale que les armes qui ravagent Haïti ne sont pas produites localement. Elles proviennent d’entreprises opérant à l’étranger, ce qui signifie que la responsabilité de contrôler et de limiter ces flux incombe aux États exportateurs. M. Türk a exhorté ces derniers à intensifier leurs efforts pour surveiller et freiner les exportations d’armes qui se retrouvent entre les mains de criminels en Haïti, générant un cycle incessant de violence qui a des répercussions dévastatrices sur la population civile.

Outre les armes, les conséquences humanitaires de la crise sont terribles. Les gangs criminels se livrent à des assassinats ciblés, des enlèvements et des violences sexuelles. Les enfants sont particulièrement vulnérables, victimes d’enrôlement forcé ou de traite. La population déplacée à l’intérieur du pays a augmenté de 95 % en quelques mois, portant le nombre de déplacés internes à 703 000 personnes, soit près de 6 % de la population. Ces déplacements massifs désorganisent les familles, exacerbent la précarité et rendent difficile l’accès aux services de base comme la santé, l’éducation et la sécurité alimentaire.

Cette situation est d’autant plus alarmante que 4,9 millions de personnes, soit plus d’un tiers de la population, souffrent d’insécurité alimentaire aiguë, un phénomène qui se traduit par une malnutrition sévère. Les enfants sont les premiers à en souffrir, et la famine menace directement plusieurs régions du pays. Cette crise alimentaire a des racines profondes, liées à la dégradation de l’économie haïtienne, aux perturbations causées par la violence des gangs, et à l’effondrement des infrastructures, notamment les routes, les ports et les hôpitaux. Les attaques contre ces infrastructures essentielles par des groupes armés perturbent gravement l’accès à l’aide humanitaire.

Pour faire face à cette crise, la communauté internationale a récemment renouvelé le mandat de la Mission multinationale d’appui à la sécurité, dirigée par le Kenya. Volker Türk a salué cette décision tout en insistant sur l’importance de fournir à cette mission les ressources nécessaires pour accomplir son travail efficacement. Selon lui, il est crucial que les opérations de sécurité menées par la mission, en collaboration avec la police haïtienne, respectent pleinement les normes internationales en matière de droits de l’homme. Son bureau soutient l’élaboration d’un mécanisme de conformité afin de garantir la transparence et la responsabilité dans les actions entreprises.

Enfin, Volker Türk s’est dit profondément préoccupé par le traitement des Haïtiens dans certains pays de la région. Les vagues de déportations massives, souvent accompagnées de mauvais traitements et de discours haineux à caractère raciste, sont des signes inquiétants d’un manque de solidarité régionale. Il a rappelé que les Haïtiens, comme tous les autres peuples, ont le droit de vivre sans violence et sans peur, et qu’il est impératif de respecter leur dignité et leurs droits, tant dans leur propre pays qu’à l’étranger.