PORT-AU-PRINCE, vendredi 10 juin 2022– Dans son rapport d’audit sur la gestion des fonds allouees au ministère de la sante publique et de la population (MSPP), la cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSCCA), souligne que ‘‘la reddition des comptes du MSPP dans le cadre de la lutte contre la pandémie de Covid-19 s’avère, à divers égards, problématique.’’
‘‘ La Cour n’a donc pas pu se prononcer sur les réalisations du MSPP dans le cadre de son intervention malgré le fait qu’il ait pris part, par le biais de ses représentants, aux débats contradictoires sur le rapport préliminaire après avoir fait parvenir par écrit ses réactions’’, lit-on dans le rapport de la CSCCA.
La CSCCA précise que le document de projet qui lui a été transmis est sans aucun lien direct avec son cadre d’intervention initiale.
La Cour affirme avoir constaté un certain nombre d’anomalies dans le cadre de l’exécution des dépenses faites par le MSPP. Selon le rapport de la Cour, l’impact financier des anomalies décelées traduit les montants en jeu dans les transactions y relatives. « Si elles ne sont pas les plus fréquentes, les dépenses non justifiées concernent les transactions financièrement les plus importantes » indique le document de la Cour.
La CSCCA relève l’absence du visa du contrôleur financier. Le visa du contrôleur financier a été constaté manquant sur plusieurs bordereaux, selon la Cour qui fait état de dépenses non autorisées sur plusieurs bordereaux.
La Cour déclare que le MSPP a effectué des dépenses non-autorisées. Le MSPP a décaissé sur les fonds alloués pour lutter contre la pandémie de Covid-19 près de 8 955 700 G à titre d’allocations en faveur des boursiers, en septembre 2020. ‘‘Cette dépense n’était pas prévue au budget’’, précise la CSCCA.
La CSCCA note également que le MSPP a exécuté plusieurs contrats qui avaient été retournés par la Cour en vue des corrections appropriées.
Toujours selon la CSCCA, le MSPP prélève sur les contrats en exécution un acompte de 2% calculé sur le montant du contrat diminué de la TCA. A cela s’ajoutent des pièces justificatives insuffisantes, selon la Cour, soulignant que dans plusieurs cas, par exemple, l’attestation de service fait est absente, ou à plusieurs reprises le MSPP a exécuté des paiements pour les personnes mises en quarantaine sur la seule base des factures émises par les centres.
Il y a aussi des justifications irrégulières, selon rapport de la CSCCA, précisant qu’à plusieurs reprises, le Directeur administratif signe les attestations de service fait. Il ne pouvait le faire que par délégation de l’ordonnateur, souligne le document qui relate plusieurs dépenses qui ne sont appuyées par aucune pièce justificative.
La Cour indique que des dépenses présentées dans le rapport du ministère de l’économie et des finances (MEF) pour le compte du MSPP, les dépenses justifiées donnent lieu à un écart correspondant au montant des anomalies relatives aux dépenses non justifiées.
Par exemple, un montant de 5 321 550 070,27 gourdes, a été alloué au MSPP. Le MEF a confirmé que le MSPP, a effectué des dépenses de l’ordre de 5 280 437 721,77. Cependant, la Cour relève que le MSPP a justifié des dépenses qui s’élèvent a 3 313 320 178.42 gourdes. La CSCCA note un écart de 1 967 117 542.35 gourdes.
Selon la Cour, des fonds de l’ordre de 5.3 milliards de gourdes avaient été alloués par le MEF au MSPP dans le cadre de ses objectifs pour combattre la pandémie.
‘‘Il en résultait par rapport au budget initial du projet présenté un écart positif de plus de 1.6 milliard de gourde représentant 44.48%. Les justificatifs à l’appui du financement en-dessus du budget initial n’est pas inclus dans la documentation de projet. Il en est de même des fonds budgétisés à titre d’imprévus de l’ordre de 394 895 248.80 de gourdes’’, précise la CSCCA.
La Cour confirme que le MSPP lui a transmis 32 contrats au total en vue de répondre aux exigences constitutionnelles relatives à la conclusion des contrats publics. ‘‘Par ces contrats, qui portaient sur l’acquisition de fournitures (masques), d’équipement de protection individuelle et des instruments ou matériels médicaux et sur la réalisation de certains travaux, le MSPP entendait s’engager sur un montant total de $US 30 093 875.26 et sur un montant de 17 219 400.00 G’’, souligne la CSCCA.
Cependant, la Cour précise que seulement 18 contrats sur les 32, avaient obtenu son avis favorable pour prendre leur plein effet. Ces contrats, dont l’objet est l’acquisition de fournitures (achat de masques), portaient sur un montant total de sept millions $US 7 752,385.00.
La Cour dit constater que la quasi-totalité des marchés publics passés par le MSPP ont été libellés en dollar américain.
« Cette décision, qui s’oppose clairement à la politique gouvernementale, contrevient à l’article premier de l’arrêté du 9 octobre 2018 sur la double circulation monétaire. Cet article dispose : « Le présent arrêté porte obligation de libeller et d’afficher les prix des biens et services sur le territoire dans la monnaie nationale », souligne la Cour qui souligne, toutefois, que la loi sur l’état d’urgence prévoit que le Gouvernement peut accorder les autorisations ou les dérogations pour le temps qu’il juge nécessaires.
Il est recommandé au Gouvernement d’instruire la Commission Nationale de Passation des Marchés Publics en vue d’engager, dans un souci d’harmonisation de la procédure, une réflexion sur l’opportunité de publier un manuel décrivant les lignes directrices pour la passation des marchés de fournitures et de services sous état d’urgence déclaré.
L MSPP a accepté la recommandation de la Cour qui a encore de nombreuses questions pendantes a propos de la gestion faite par le MSPP de la pandémie de Covi-19.
L’audit visait à déterminer si le MSPP avait pris, au début et pendant la pandémie de COVID‑19, les dispositions appropriées pour contenir la propagation du coronavirus et répondre aux besoins de la population sur tout le territoire national.
Jusqu’au 13 avril dernier, Haïti a recensé officiellement 30,703 cas de personnes testées positives au Covid-19 et un nombre de 835 décès.