La Conférence des Pasteurs Haïtiens tacle à nouveau la Fédération Protestante d’Haïti sur la formation du Conseil Électoral Provisoire et appelle le CPT à rejeter ces pratiques anti-démocratiques…

Logo de la Conference des Pasteurs Haitiens (COPAH)...

PORT-AU-PRINCE, mardi 17 septembre 2024– Dans une lettre ouverte adressée au Conseil Présidentiel de Transition (CPT) le 16 septembre 2024, la Conférence des Pasteurs Haïtiens (COPAH) exprime son indignation face à ce qu’elle considère comme une tentative de mainmise unilatérale de la Fédération Protestante d’Haïti (FPH) sur la désignation du représentant des cultes réformés au sein du Conseil Électoral Provisoire (CEP). Cette correspondance s’inscrit dans le cadre d’une série de contestations au sein du secteur protestant, exacerbées par les récentes démarches de la FPH visant à imposer son secrétaire général, le pasteur Peterson Pierre Louis, sans consultation des autres organisations représentatives du secteur.

La COPAH, qui rappelle son rôle de promotion de l’Évangile et de défense des droits humains depuis près de trois décennies, dénonce vigoureusement cette approche unilatérale, qualifiée de manœuvre délibérée et antidémocratique. Elle souligne que la FPH, forte de seulement « 308 missions, églises, organisations et ligues de pasteurs », ne saurait représenter l’ensemble du secteur protestant en Haïti, qui compte près de 10 000 entités reconnues par le ministère des cultes. La tentative d’imposer un choix sans consensus est jugée non seulement illégitime mais aussi contraire à l’esprit de pluralisme qui caractérise le protestantisme en Haïti.

Le mécontentement de la COPAH découle notamment du fait que cette désignation s’est faite sans consultation des autres principales organisations religieuses, telles que le Conseil National Spirituel des Églises d’Haïti (CONASPEH) et la Fédération des Pasteurs Haïtiens (FEPAH), traditionnellement impliquées dans ce processus. « Comment un regroupement de 308 entités peut-il prétendre représenter une communauté aussi vaste sans en avoir reçu un mandat express pour le faire ? » s’interroge la COPAH dans sa lettre, tout en réaffirmant que les organisations indigènes et missions locales ont tout autant voix au chapitre.

Cette crise s’inscrit dans une longue série de controverses au sein du secteur protestant en Haïti. La COPAH rappelle qu’en 2016, lors des célébrations du bicentenaire du protestantisme, un protocole d’accord avait été proposé pour la création de la Conférence Protestante d’Haïti (CPH), dans le but de renforcer la collaboration et la représentativité des différentes entités religieuses. Cependant, selon la COPAH, cet effort a été torpillé par les manœuvres politiques de l’ancien président de la FPH, le révérend Dr Sylvain Exantus, qui aurait trompé les autorités en signant une convention en se présentant comme l’unique représentant du secteur protestant. Cette convention, invoquée à plusieurs reprises par la FPH pour justifier sa position dominante, est qualifiée d’illégale par la COPAH, qui souligne qu’elle enfreint les lois haïtiennes régissant le fonctionnement des cultes réformés ainsi que plusieurs articles de la Constitution, notamment ceux garantissant la liberté de culte et d’association.

La Conférence des Pasteurs Haïtiens va plus loin en dénonçant la création, par cette convention, d’une « Papauté Protestante » qui conférerait des pouvoirs excessifs au président de la FPH. Une telle concentration de pouvoir est jugée « inconcevable » dans un secteur aussi diversifié, où les églises et missions sont autonomes et doctrinalement variées. Pour la COPAH, cette crise dépasse la question d’une simple nomination au CEP et soulève une problématique plus large : la lutte contre une tentative d’hégémonie sur l’ensemble du secteur protestant.

La COPAH appelle donc le CPT à rejeter sans équivoque la désignation unilatérale de la FPH, qui, selon elle, outrepasse ses prérogatives et agit dans un esprit de division au mépris des règles démocratiques. Elle souligne que la FPH a refusé à plusieurs reprises de participer aux réunions organisées par le CPT pour dégager un consensus, ce qui, selon la COPAH, montre une volonté claire de mépriser l’autorité de la transition.

En réponse à une lettre ouverte de la FPH datée du 14 septembre 2024, la COPAH conteste fermement les affirmations selon lesquelles la FPH aurait toujours été la seule entité à désigner un représentant des cultes réformés au CEP. En citant les nominations passées, dont celle du révérend Dr Frinel Joseph en 2016, la COPAH affirme que ces désignations avaient fait l’objet de consultations avec plusieurs organisations, dont le CONASPEH et la FEPAH. Elle accuse la FPH de falsifier l’histoire et de présenter une version tronquée des faits pour renforcer son emprise sur le secteur.

La COPAH souligne également que le processus de mise en place du CEP doit respecter l’accord du 3 avril 2024, qui avait permis la formation du CPT et du gouvernement de transition. Cet accord repose sur le principe fondamental du consensus, principe que la FPH viole en imposant son choix. La COPAH appelle donc les membres du CPT à jouer pleinement leur rôle d’arbitre et à ne pas céder à la pression d’un groupe qu’elle décrit comme réfractaire à l’inclusion et à la démocratie.

Cette lettre ouverte s’inscrit dans un contexte plus large de tensions autour de la formation du CEP, avec des contestations non seulement au sein du secteur protestant mais aussi parmi d’autres groupes de la société civile. En effet, plusieurs voix se sont élevées ces derniers mois pour dénoncer des tentatives d’accaparement de pouvoir dans le processus de désignation des membres du CEP. Une pétition signée par plus de 250 organisations féministes a récemment été publiée pour contester les manœuvres de Pédrica St Jean et Marie Denise Claude dans le cadre du choix de la représentante des organisations de femmes au CEP, dénonçant un manque de transparence et d’inclusion.

La formation du CEP, organe clé dans l’organisation des futures élections en Haïti, est un enjeu majeur pour le processus de transition en cours. Les membres du CPT sont donc appelés à arbitrer ces débats internes pour garantir que ce processus crucial ne soit pas entaché par des intérêts partisans ou des manœuvres opaques.

Dans sa conclusion, la COPAH en appelle à l’intégrité du CPT, l’exhortant à défendre la démocratie et à montrer au peuple haïtien qu’il est possible de construire un avenir basé sur l’inclusion et le respect des principes constitutionnels. En rejetant le choix unilatéral de la FPH, les membres du CPT pourraient démontrer leur engagement en faveur d’un véritable dialogue et d’un consensus national, essentiel à la réussite de cette période de transition.