NEW-YORK, mercredi 20 novembre 2024 – Lors d’une réunion du Conseil de sécurité des Nations Unies ce mercredi, la possibilité de transformer la Mission de soutien à la sécurité (MSS), déployée en Haïti pour appuyer la police face à l’escalade des violences des gangs, en une mission officielle de maintien de la paix a été débattue. Si de nombreux États ont exprimé leur soutien ou une ouverture à cette transformation, la Russie et la Chine ont de nouveau manifesté leur ferme opposition.
La crise sécuritaire en Haïti a atteint un point critique ce mois-ci. Les gangs armés ont attaqué des avions commerciaux, entraînant la suspension des vols internationaux vers le pays, tandis que des quartiers jusque-là épargnés par les violences ont été pris pour cible. Ces événements, couplés au remplacement du Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé, ont exacerbé les tensions politiques, soulignant l’urgence d’une intervention internationale plus structurée.
Les dirigeants haïtiens, confrontés à une situation de plus en plus désespérée, plaident depuis des mois pour que la MSS, actuellement sous-financée et déployée de manière limitée depuis juin, soit convertie en mission de maintien de la paix. Cette transformation permettrait de débloquer des ressources financières et logistiques accrues. Toutefois, cette proposition, introduite en septembre dernier dans un projet de résolution porté par les États-Unis et l’Équateur, a été écartée du texte final en raison du veto potentiel de la Russie et de la Chine, membres permanents du Conseil de sécurité.
Pour la Russie et la Chine, la situation actuelle en Haïti ne justifie pas encore une telle mission. Les deux pays estiment qu’un préalable indispensable serait l’instauration d’une stabilité politique minimale dans le pays. Ils pointent également du doigt la légitimité contestée du gouvernement haïtien, non élu et affaibli par des divisions internes persistantes. Selon eux, il serait plus pertinent de concentrer les efforts internationaux sur le renforcement de la MSS existante, tout en honorant les engagements déjà pris par les pays contributeurs.
« La MSS en Haïti, bien que soutenue par de bonnes intentions, fait face à des défis énormes », a déclaré l’ambassadeur haïtien auprès des Nations Unies, Antonio Rodrigue. « Les ressources financières, humaines et logistiques disponibles sont totalement insuffisantes pour répondre à l’ampleur de la menace. »
La MSS, approuvée en octobre 2023, dispose actuellement d’environ 400 soldats, principalement kenyans, un nombre largement en deçà des 3 100 soldats promis par plusieurs pays. De plus, son financement plafonne à moins de 100 millions de dollars, un montant dérisoire au regard des besoins sur le terrain.
Rodrigue a également souligné la nécessité de tirer les leçons des interventions internationales passées en Haïti, marquées par des abus des droits humains et une épidémie de choléra introduite par des Casques bleus.
Lors de la réunion, l’ambassadrice américaine Dorothy Shea a plaidé avec insistance pour une transition de la MSS vers une opération de maintien de la paix sous l’égide des Nations Unies. Elle a rappelé les appels pressants des autorités haïtiennes, dont celui du président du Conseil présidentiel de transition, Edgard Leblanc, lors de l’Assemblée générale de septembre dernier, et réitéré dans une lettre officielle datée du 21 octobre par la présidente actuelle, Mme Voltaire.
« Cette demande n’est pas simplement une question de nécessité, mais d’urgence », a affirmé Mme Shea. Elle a également salué les efforts courageux des forces kenyanes, jamaïcaines, béliziennes et bahamiennes opérant sous la MSS, tout en reconnaissant que ces efforts restent insuffisants face à l’ampleur de la crise.
La région a également manifesté son soutien à cette initiative. Le 13 novembre, le Conseil permanent de l’Organisation des États américains (OEA) a adopté une résolution en faveur de la demande d’Haïti pour une mission de maintien de la paix. Les États-Unis et l’Équateur se sont dits prêts à demander au Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, de formuler des recommandations sur cette transition.
Malgré les profondes divisions au sein du Conseil de sécurité, Mme Shea a souligné les progrès réalisés en 2024, notamment l’adoption unanime de résolutions sur le renouvellement du mandat du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), celui de la MSS, et l’élargissement de l’embargo sur les armes. Elle a exhorté les membres à poursuivre sur cette lancée en répondant aux appels des autorités haïtiennes.
Mme Shea a conclu en insistant sur l’importance d’une solution dirigée par les Haïtiens eux-mêmes, incluant la tenue d’élections libres et équitables. « Notre unité enverra un message fort au peuple haïtien : le monde entier est à vos côtés », a-t-elle affirmé.
Pendant ce temps, la violence des gangs continue de plonger Haïti dans une crise humanitaire et sécuritaire sans précédent.