Port-au-Prince, mardi 20 août 2024 – Le Groupe des Éminentes Personnes (GEP) de la CARICOM a exprimé ses profondes préoccupations concernant les retards dans l’exécution de l’Accord du 3 avril 2024 en Haïti, lors de sa visite dans le pays du 11 au 16 août 2024. Cette visite faisait suite à une invitation du Président du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) et aux appels lancés par divers acteurs impliqués dans le processus de transition. Le GEP a jugé nécessaire de se rendre en Haïti pour évaluer l’état d’avancement du processus de transition et pouvoir en faire rapport aux Chefs de Gouvernement de la CARICOM.
Selon un communiqué de l’organisation régionale, ‘‘au cours de cette mission, le GEP a rencontré un large éventail de représentants de la société haïtienne, notamment l’exécutif bicéphale, le Directeur général de la Police nationale d’Haïti, la Ministre chargée des affaires féminines, les leaders des secteurs ayant proposé des membres au Conseil, ainsi que les dirigeants de partis politiques non représentés au CPT ni au gouvernement.’’
Le GEP a également échangé avec des représentants de la société civile, y compris des associations de femmes et des droits humains, des secteurs religieux et privés, des syndicats, ainsi qu’une délégation de la diaspora en visite. Des rencontres ont également eu lieu avec les partenaires internationaux majeurs d’Haïti (Canada, France, États-Unis), ainsi que les représentants de l’ONU, de l’OEA, et le Commandant de la Mission Multinationale de Soutien à la Sécurité (MSSM).
Le GEP a été informé des activités, des plans, mais aussi des inquiétudes du Conseil Présidentiel de Transition et du Premier Ministre. Selon les membres du GEP, bien que le CPT semble faire des efforts pour surmonter les retards dans la mise en place des institutions et entités clés prévues par l’Accord du 3 avril, comme le Conseil Électoral Provisoire (CEP), l’Organe de Contrôle de l’Action Gouvernementale (OCAG), le Conseil National de Sécurité, et la Conférence Nationale, plusieurs problèmes persistent. L’éloignement de certains secteurs de leurs représentants au Conseil, ainsi que la friction résultante, ont été évoqués.
De plus, le GEP a discuté du malaise croissant parmi les acteurs impliqués, en raison de la non-publication de l’Accord d’avril, de l’absence des institutions critiques prévues, de l’inaction du Conseil, et de l’impact négatif des allégations de corruption contre trois de ses membres.
Les institutions de gouvernance, ainsi que le GEP, ont exprimé une vive inquiétude quant aux difficultés rencontrées par la police haïtienne et les forces kényanes dans la gestion de l’insécurité, une question qui reste la principale préoccupation du peuple haïtien. Selon les informations recueillies, les forces kényanes sont sous-équipées et en sous-effectif, ce qui limite leur capacité à maintenir le contrôle sur les territoires repris. Le besoin urgent de financement adéquat pour la MSSM, ainsi que pour la police haïtienne, a été souligné.
Le Premier Ministre a, de son côté, reconnu que la fenêtre d’opportunité ne resterait pas ouverte longtemps et que la population attendait des résultats concrets. Il a cependant précisé que le manque de ressources et l’effondrement des institutions de l’État représentaient des obstacles majeurs, mais que des efforts étaient en cours pour répondre aux enjeux socio-économiques et humanitaires critiques auxquels la population fait face. Le Premier Ministre a également souligné que sans une résolution de la crise sécuritaire, les progrès dans d’autres domaines clés de l’action gouvernementale seraient fortement compromis.
Les représentants de la société civile et des partis politiques non représentés au CPT et au gouvernement ont exprimé un besoin commun de réinitialisation et de reconfiguration du Conseil Présidentiel de Transition. Ils ont exprimé des préoccupations similaires : l’incapacité de l’État à améliorer la sécurité, la déception quant au manque d’impact des forces kényanes, l’érosion de la confiance publique dans le CPT exacerbée par le scandale de corruption, et la crainte que le processus de transition ne respecte pas son échéance de février 2026 pour l’installation d’un président élu.
Les partis politiques non représentés au CPT ont dénoncé la nature non inclusive du Conseil des ministres et les avantages financiers et autres susceptibles d’être accordés aux partis politiques représentés au Conseil via leurs ministres désignés.
Les retards dans la mise en place des institutions critiques, la nécessité d’une plus grande efficacité pour atteindre les objectifs majeurs dans le temps imparti, ainsi que l’impact corrosif des allégations de corruption ont contribué à la fragilité du processus de transition. Les accusations de corruption, survenant à un moment critique, nécessiteront une résolution rapide pour préserver l’intégrité de l’institution et la confiance du public dans le processus de transition. À cet égard, l’enquête de l’agence d’investigation anti-corruption sera d’une importance cruciale. Il est nécessaire de revenir aux principes de l’accord de la Jamaïque du 11 mars 2024, basé sur l’inclusivité, le consensus et la responsabilité.