PORT-AU-PRINCE, dimanche 3 décembre 2023– D’après une source judiciaire, au cours de son interrogatoire, Joseph Félix Badio a livré des déclarations importantes sur les circonstances entourant l’assassinat du Président Jovenel Moïse.
Il a notamment évoqué avoir été informé par un certain Siméon, un journaliste en ligne, que le président serait arrêté à son retour de Turquie le 14 juin 2021. Cette information aurait été relayée par l’ex-sénateur John Joël Joseph par le biais de Georges Dhere.
Selon les dires de Badio, le Département d’État américain aurait confié à John Joël Joseph la mission de mettre en marche un processus visant la destitution du président Moïse.
Il a aussi mentionné une rencontre avec la Juge Wendelle Coq Thélot, organisée en prévision de l’arrestation du président Moïse, ainsi que des contacts avec d’autres individus impliqués tels que James Solages, Vincent Joseph, et trois ressortissants colombiens.
Badio a confié que cette rencontre tenue en date du 04 juillet 2021 visait à inviter la Juge Wendelle Coq Thélot à assurer l’intérim après l’arrestation du président Jovenel Moïse. Et, il a confié que la Juge s’était adhérée à la proposition, précise la source.
La source souligne que Joseph Félix Badio a affirmé avoir informé le ministre de la justice d’alors, Rockefeller Vincent, du plan d’arrestation du président Moïse.
Il a également décrit une réunion au domicile de Reynaldo Corvington avec plusieurs complices, indiquant que Corvington n’avait pas accepté le plan d’arrestation en raison d’un mandat jugé faux. Il a prétendu avoir averti l’ex-sénateur Hector Jean Anacacis du plan d’arrestation.
La source indique que Badio a déclaré avoir été en contact par téléphone, dans la nuit du mardi 06 au mercredi 07 juillet 2021, avec les nommés Roodolph Jaar et James Solages, Marie Jude Gilbert Dragon, Premier Ministre nommé Ariel Henry alors qu’il était au domicile de son amie Marie Dilienne Louis Jean sis à Pèlerin 5, lequel domicile a été loué en son nom.
D’après la source, au cours de sa conversation avec les personnes mentionnées, Badio a fait savoir que le nommé Marie Jude Gilbert Dragon lui a confirmé que les assaillants étaient en train d’attaquer la résidence présidentielle.
‘‘Quant aux nommés Roodolph Jaar et James Solages il a déclaré que ces derniers lui ont demandé d’appeler par téléphone le Directeur Général de la PNH le sieur Léon Charles, afin d’instruire les policiers de débloquer la route pour qu’ils puissent aller récupérer le Christian Emmanuel Sanon en vue de l’emmener au Palais National’’, indique la source.
Devant les enquêteurs, poursuit la source, ‘‘il prétendait qu’au moment du déroulement des événements, il se trouvait dans une maison qui a été louée en son nom à l’entrée de Pèlerin 5, en train d’observer les véhicules dans lesquels se trouvaient les assaillants qui défilaient.’’
Concernant sa communication téléphonique avec le Dr Ariel Henry, alors Premier Ministre nommé, Joseph Félix Badio a relaté que le soir de l’événement, il l’avait appelé par téléphone afin de s’enquérir de ses nouvelles aux environs de quatre heures du matin (4h00 AM). Et l’intéressé lui a répondu avoir été en lieu sûr, mais son interlocuteur lui disait avoir eu un seul souci, c’était qu’il se trouvait avec une seule policière attachée à sa sécurité, car aux environs de minuit, le Premier ministre en fonction Dr. Claude Joseph, a ordonné de retirer les policiers qui étaient attachés à sa sécurité, ainsi que tous les véhicules de l’Etat qui étaient à sa disposition.
Il ajoutait, que ‘‘le Premier Ministre nommé lui avait demandé si le Président Jovenel était réellement mort ? Alors, il confiait lui avoir promis qu’il allait se renseigner à ce sujet. Ensuite, le mis en cause continuait pour dire, qu’après avoir reçu le message vocal d’un des colombiens en espagnole et en anglais, déclarant que le président de la république, a été tué, il a appelé à nouveau le Premier Ministre nommé Ariel Henry pour lui confirmer la nouvelle. Et, ce dernier a exprimé une marque d’étonnement a-t-il précisé. Cependant, il a précisé que depuis lors ils ne s’étaient plus entretenus.’’
La source confie également que, Joseph Félix Badio a souligné avoir quitté la maison précitée dans laquelle habitait son amie Marie Dilienne Louis-Jean, en date du 8 juillet, et y revenait en date du 11 juillet 2021, pour ne plus jamais y retourner. Par ailleurs, requis de fournir les numéros de téléphone portable des nommés Marie Jude Gilbert Dragon, John Joël Joseph, Roodolph Jaar, James Solages, Vincent Joseph, Reynald Corvington, Dominique Cauvin, Wendelle coq Thélot, Edwin coq, Georges Derhe et Siméon ainsi connu, il n’en a communiquer aucun.
Dans le cadre de la collaboration avec les enquêteurs, Joseph Félix Badio a fourni des détails sur ses relations avec d’autres suspects, notamment sa collaboration initiale avec John Joël Joseph, Roodolph Jaar, James Solages, Vincent Joseph, Yves Saint-Hubert, et d’autres. Il a également mentionné sa location de véhicules pour les assaillants, soulignant sa participation au plan d’arrestation plutôt qu’à l’assassinat du président Moïse.
‘‘Lors de l’interrogatoire, Badio a évoqué ses démarches pour infiltrer le groupe avant de collaborer avec eux. Il a admis avoir facilité le mandat d’arrêt contre le président Moïse en louant des véhicules aux assaillants. Il a nié avoir reçu de l’argent pour son implication mais a accusé Vincent Joseph d’avoir tenté de corrompre les policiers avec 80 000 dollars américains pour rester passifs lors de l’attaque’’, d’après la source.
Selon la source, Joseph Félix Badio a répondu aux questions des enquêteurs concernant son domicile, expliquant qu’il résidait à Fermathe, dans une maison qu’il avait louée avec ses propres fonds. Il a également mentionné avoir travaillé dans un cabinet d’avocats pendant sa cavale, mais a refusé de divulguer le nom du cabinet.
Concernant les documents trouvés sur son ordinateur liés à l’assassinat de Jovenel Moïse, Badio a affirmé les avoir reçus de Yves André Paul, qui les aurait obtenus grâce à son fils travaillant à la DCPJ.
Badio a admis avoir infiltré certains individus, dont John Joël Joseph, Roodolph Jaar, James Solages, Vincent Joseph et Yves Saint-Hubert, initialement pour les surveiller. Cependant, il aurait finalement collaboré avec eux, facilitant la location de véhicules pour l’exécution du mandat contre le président Moïse.
Il a mentionné avoir loué une voiture Nissan Patrol à la compagnie Avis, conduite par James Solages et brûlée à Pétion-Ville. Il a nié avoir reçu de l’argent pour son implication mais a reconnu avoir loué des véhicules aux assaillants.
En ce qui concerne le mobile de l’assassinat, Badio a prétendu que l’idée était d’arrêter le président et de l’emmener à Miami, niant avoir eu connaissance du plan réel. Il a accusé Vincent Joseph d’avoir soudoyé les policiers avec 80 000 dollars et a impliqué Alexis Cinéus dans le financement du coup.
Interrogé sur les acolytes nationaux en fuite, Badio a mentionné Windelle Coq Thélot et Francis Alexis Cinéus. Il a également identifié les propriétaires de certains numéros de téléphone codés, dont Rosemila Petit- Frère.
Suite à l’arrestation de Joseph Félix Badio le 19 octobre 2023, des interrogatoires approfondis ont été menés, et des informations préliminaires suggèrent que le suspect pourrait avoir des liens avec des individus impliqués dans la planification et l’exécution de l’attaque.
Les enquêteurs du Bureau des Affaires Criminelles (BAC) et de la Brigade de Recherche et d’Intervention (BRI) ont mis en lumière des éléments troublants lors de l’analyse des dispositifs électroniques saisis lors de la perquisition au domicile de Joseph Félix Badio.
Les clés USB, le laptop, le desktop, les iPads et les documents écrits semblent contenir des informations cruciales liées à l’assassinat du président. La copie du premier rapport d’enquête partielle de la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) a également été identifiée parmi les documents saisis.
La Juge Florence Nicolas, qui supervise l’affaire, a indiqué que ces découvertes pourraient constituer des éléments clés dans la progression de l’enquête. Les autorités restent discrètes quant aux détails spécifiques contenus dans les documents saisis, mais elles affirment que cela renforce la nécessité de mener des interrogatoires approfondis avec le suspect Badio pour obtenir des informations cruciales.
La défense de Joseph Félix Badio a demandé un accès immédiat aux preuves et a insisté sur le respect des droits de son client.
Le Juge de Paix a confirmé que toutes les procédures légales ont été suivies lors de la perquisition et de la saisie des objets, soulignant l’importance de garantir un processus équitable tout au long de l’enquête.
L’interrogatoire de Joseph Félix Badio a permis de recueillir des informations cruciales sur les circonstances entourant l’assassinat du président Jovenel Moïse. Cependant, l’enquête se poursuit, et des démarches supplémentaires, sont envisagées pour élucider davantage cette affaire complexe.
Un ex-officier militaire colombien à la retraite, German Rivera, a été condamné le 27 octobre 2023 à Miami à la réclusion criminelle à perpétuité pour son rôle dans l’assassinat en 2021 à Port-au-Prince de l’ancien président d’Haïti Jovenel Moïse.
Rivera, considéré comme un des meneurs du groupe de mercenaires qui a tué par balles l’ex-président le 7 juillet 2021, avait plaidé coupable de trois chefs d’accusation en septembre devant un tribunal fédéral de Miami, Etat de la Floride, aux Etats-Unis.
Rodolphe Jaar, un chilien- haïtien qui a été reconnu coupable par la justice américaine pour son rôle dans cette affaire, a été condamne également à la prison à vie.
Le 8 novembre dernier, Joseph Vincent américain d’origine haïtienne, ex-informateur de la DEA, a plaidé coupable dans le cadre de l’assassinat de Jovenel Moïse.
Le 10 octobre 2023, John Joël Joseph, 52 ans, ex-sénateur haïtien a plaidé coupable devant un tribunal fédéral de Miami pour son rôle dans l’assassinat du président Jovenel Moise.
Jovenel Moïse, 58e président d’Haïti, a été assassiné dans sa résidence à Pèlerin 5, dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021 par un commando de de mercenaires colombiens et d’américains originaires d’Haïti.
Il a admis avoir aidé à obtenir des véhicules et tenté d’obtenir des armes à feu pour l’opération des co-conspirateurs visant le dirigeant haïtien, lors d’une déclaration sous serment. L’objectif de Joseph était de devenir Premier ministre sous le successeur de Moïse après la destitution de ce dernier.
En Haïti où le crime a été perpétré, aucun procès ne s’est encore tenu. De nombreux suspects dans cette affaire n’ont toujours pas été arrêtés alors que certains témoins refusent de comparaitre devant le juge d’instruction.
Plus de deux ans se sont déjà écoulés, au moins cinq juges d’instruction se sont succédé dans le cadre du traitement de ce dossier d’assassinat pour lequel la DCPJ peine encore à remonter les sources de financement.