MIAMI, dimanche 4 août 2024– Trois mois se sont écoulés depuis l’instauration du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) en Haïti, conformément à l’accord du 3 avril 2024 signé sous l’égide de la Communauté des Caraïbes (CARICOM). Cet accord, fruit d’une collaboration entre divers secteurs politiques et la société civile, prévoit la création de structures essentielles comme le Conseil National de Sécurité (CNS) et l’Organe de Contrôle de l’Action Gouvernementale (OCAG). Pourtant, à ce jour, ces entités cruciales n’ont toujours pas été mises en place, et l’accord n’a pas été publié dans le journal officiel Le Moniteur. Cette inertie suscite de vives inquiétudes sur la volonté politique des autorités de mener une transition réellement axée sur la rupture avec les pratiques antérieures.
Le Dr Roger Biamby souligne que « la transparence, essentielle pour instaurer la confiance entre les gouvernés et les gouvernants, fait cruellement défaut ». En effet, le silence des autorités face à ces retards alimente les soupçons et compromet leur crédibilité. Ce manque de communication laisse planer le doute sur leur véritable engagement à respecter les termes de l’accord du 3 avril.
Les autorités de la transition ont une feuille de route précise : la mise en place du Conseil Électoral Provisoire (CEP), la révision constitutionnelle, la tenue de la Conférence Nationale, et l’organisation des élections générales. Elles se sont engagées à remettre le pouvoir en février 2026 aux dirigeants légitimes élus, et toute défaillance dans le respect de cette échéance serait inexcusable. Selon Dr Biamby, « la lenteur dans l’instauration des entités prévues par cet accord et le manque de transparence dans leur gestion hypothèquent gravement la réussite de la transition ».
Le Conseil Présidentiel de Transition et le gouvernement de transition doivent, chacun dans son domaine, guider le pays vers une démocratie stable. Leur légitimité dépend de leur capacité à respecter les engagements pris et à instaurer une gouvernance transparente. Dr Biamby met en garde contre les retards et omissions qui sont perçus comme des signes de dysfonctionnement et de mauvaise foi dans un contexte de méfiance institutionnelle profonde.
La transition politique en Haïti est à un tournant décisif. Le succès ou l’échec de cette transition reposera largement sur la capacité des autorités à instaurer la transparence et à honorer leurs engagements. Le pays doit éviter les erreurs du passé et travailler à une gouvernance plus responsable et participative pour garantir un avenir meilleur.
Alors que les Haïtiens attendent impatiemment des actions robustes contre les bandes criminelles qui assiègent la capitale et une grande partie du département de l’Artibonite, la situation sécuritaire reste extrêmement préoccupante. Malgré une mobilisation apparente de la Police Nationale d’Haïti (PNH) et le déploiement des forces kenyanes, ces initiatives n’ont pas réussi à dissuader les criminels, qui continuent de terroriser la population en toute impunité. Dr Roger Biamby note que « les faiblesses des forces de sécurité nationales et internationales sont exposées au grand jour. » Les forces kenyanes, tout comme la PNH, sont sous-équipées, ce qui limite leur efficacité sur le terrain. Les équipements usagés fournis par les États-Unis à la PNH tombent en panne en pleine opération, mettant ainsi les agents de l’ordre en situation de vulnérabilité face aux gangs.
Ces derniers, véritables « monstres sanguinaires », disposent d’armes de gros calibre et de munitions en grande quantité. Ils n’hésitent pas à tirer sur n’importe qui et à détruire des biens publics et privés. Un incident majeur, survenu à l’hôpital général le 29 juillet dernier, a vu le Premier ministre Garry Conille fuir précipitamment, illustrant l’ampleur de la détérioration de la situation sécuritaire. « Si les plus hautes autorités sont menacées par les gangs, que dire de l’ensemble de la population, particulièrement des masses défavorisées, livrées à elles-mêmes sans secours ni défense dans les quartiers difficiles ? », s’interroge Dr Biamby.
Cette situation met en lumière la nécessité pour les Haïtiens de prendre en main leur propre destin. Dr Biamby argue que « les Haïtiens doivent se débarrasser des entraves de la tutelle internationale et construire des forces nationales de sécurité solides, incluant l’armée, la police et les services de renseignement. » Il souligne également l’urgence de demander aux États-Unis, qui influencent considérablement les gouvernements haïtiens et déterminent la stratégie politique, économique et sécuritaire du pays, de cesser leurs interférences intempestives. Selon lui, « leur mission est jugée accomplie avec la faillite totale de l’État haïtien. »
L’insécurité chronique a des répercussions profondes sur la société haïtienne. Les activités économiques sont paralysées, les entrepreneurs hésitant à investir dans un climat aussi incertain. Les écoles, souvent fermées par crainte d’attaques, laissent des milliers d’enfants sans accès à l’éducation. Les services de santé sont également perturbés, les hôpitaux étant régulièrement ciblés par des actes de violence, privant ainsi la population de soins essentiels. Dr Biamby souligne que « le climat de peur constant pousse de nombreux Haïtiens à fuir leur pays, cherchant refuge ailleurs, ce qui entraîne une perte de capital humain précieux. »
De plus, l’insécurité compromet les efforts de développement à long terme, les ressources devant être détournées pour répondre à des besoins de sécurité immédiats. Pour améliorer cette situation, il est fondamental de renforcer les institutions nationales, de promouvoir la bonne gouvernance et de garantir l’État de droit, afin de créer un environnement stable et propice à la croissance et au développement durables. Dr Biamby affirme que « seules des réformes profondes et une réelle autonomie nationale permettront de surmonter les défis sécuritaires actuels et d’ouvrir la voie à un avenir meilleur pour Haïti. »
Un autre élément compromettant la transition en Haïti est le récent scandale de corruption impliquant trois conseillers-présidents membres du Conseil pour la Transition (CPT). Bien que ces conseillers bénéficient de la présomption d’innocence, leur défense semble fragile. Dr Roger Biamby insiste sur la nécessité pour ces individus de se retirer temporairement afin de ne pas entraver les enquêtes en cours. Il déclare : « Il est impératif qu’ils fournissent des preuves de leur innocence. La situation actuelle ne sert ni la transition ni le CPT. Étant donné que l’intérêt du pays doit primer, ils ne doivent pas se bercer d’illusions en invoquant désespérément leur possible jugement par la Haute Cour de justice pour tenter d’échapper à la justice pénale. »
Bien que la Haute Cour de justice soit mentionnée en lien avec la Constitution haïtienne, Dr Biamby note que ces conseillers ne sont ni présidents de la République ni légitimes dans leurs fonctions actuelles. À ce stade, il est crucial que les secteurs qu’ils représentent au sein du CPT agissent rapidement pour les remplacer afin de ne pas être perçus eux-mêmes comme complices des actes en question. « Les autres membres du CPT ne doivent pas rester silencieux en espérant qu’une nouvelle actualité viendra rapidement effacer cette affaire gravissime de la mémoire populaire. Ils doivent se comporter en véritables hommes et femmes d’État, conscients que leur réputation, ainsi que l’avenir du CPT et de la transition, sont en jeu », affirme Dr Biamby.
Les scandales de corruption ont un impact dévastateur sur la crédibilité des dirigeants politiques. Lorsqu’un dirigeant est impliqué dans de telles affaires, la confiance de la population dans sa capacité à gouverner de manière éthique et efficace est gravement érodée. Dr Biamby explique que « cette perte de confiance peut conduire à un affaiblissement de l’autorité du gouvernement, rendant difficile la mise en œuvre de politiques et de réformes essentielles. » De plus, la perception d’impunité et de corruption généralisée peut exacerber le mécontentement populaire, alimentant l’instabilité politique et sociale.
Dans un contexte où la légitimité des institutions est déjà fragile en Haïti, ces scandales peuvent paralyser les efforts de transition et compromettre la possibilité d’un avenir politique stable et prospère. « Jusqu’à présent, les signaux envoyés à la population sont peu clairs et peu convaincants. Les dirigeants doivent corriger la situation et prendre toutes les mesures nécessaires pour répondre aux attentes légitimes du peuple haïtien, qui ne peut plus souffrir davantage », affirme Dr Biamby.
Pour garantir un traitement équitable de cette affaire, les enquêtes doivent également examiner le rôle du premier ministre Garry Conille, ainsi que de Jean-Charles Moïse et Claude Joseph, qui avaient rencontré les conseillers impliqués avant l’éclatement du scandale. « Cela démontrerait que personne n’est au-dessus de la loi et qu’il existe, au plus haut niveau de l’État, une volonté de rompre avec les pratiques antérieures », selon Dr Biamby.
Le succès de la transition en Haïti repose sur la capacité des autorités à démontrer leur engagement en faveur du changement et à agir de manière transparente et efficace. « La transition ne peut réussir que si elle est soutenue par une volonté politique forte et une gestion rigoureuse et transparente des réformes promises. Le peuple haïtien attend des actions concrètes et des résultats tangibles, sans lesquels la transition risque de s’enliser, aggravant ainsi la crise de confiance qui mine le pays depuis des années », conclut Dr Biamby.