PORT-AU-PRINCE, samedi 4 janvier 2025– L’année 2024 s’est achevée sur une accumulation de crises qui ont marqué de manière indélébile le quotidien des Haïtiens. Les indicateurs économiques, sociaux et sécuritaires témoignent d’une dégradation profonde, plongeant le pays dans une situation critique. “Haïti est au bord du gouffre, mais il n’est pas trop tard pour inverser la tendance si nous avons le courage de briser le statu quo”, affirme Me Renan Hédouville, ancien Protecteur du citoyen.
Après plus de trente-deux mois de gouvernance du Dr Ariel Henry, imposée à la suite de l’assassinat du président Jovenel Moïse en juillet 2021, les espoirs d’une sortie de crise semblent s’être évanouis. Le Conseil Présidentiel de Transition (CPT), mis en place en avril 2024 dans le cadre de l’accord du 3 avril, a été incapable de répondre aux attentes de la population. “Le CPT n’a été qu’une façade pour masquer l’absence de volonté réelle des dirigeants de répondre aux besoins de la nation”, critique Me Hédouville.
Les tensions internes au sein de cette structure bicéphale, composée de neuf membres et dirigée par un Premier ministre controversé, se sont rapidement transformées en une crise politique majeure. La destitution du Premier ministre Garry Conille et son remplacement par Alix Didier Fils Aimé, jugé proche de certains partis politiques influents, n’a fait qu’aggraver les défis auxquels le pays est confronté.
“Les dirigeants actuels n’ont aucune vision pour le pays”, déplore Me Hédouville. “Ils continuent de se concentrer sur leurs intérêts personnels au détriment du bien-être collectif, tandis que le peuple est livré à lui-même face à une insécurité galopante.”
En effet, sur le plan sécuritaire, l’année 2024 a été marquée par une violence endémique. Les gangs armés, qui contrôlent près de 90 % de Port-au-Prince, ont commis des actes de barbarie sans précédent. Parmi les événements les plus tragiques figurent le massacre de 300 personnes au Wharf de Jérémie en décembre et la fusillade survenue à l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti lors de sa réouverture.
“Ces actes de violence extrême montrent l’inefficacité de l’État à garantir la sécurité de ses citoyens”, souligne Me Hédouville. “Pire encore, l’État semble être complice de cette violence en abandonnant les populations les plus vulnérables à leur sort.”
Les conséquences sociales et économiques de cette situation sont tout aussi alarmantes. La pauvreté extrême s’est intensifiée, touchant des millions de familles, tandis que près d’un million de déplacés internes survivent dans des conditions inhumaines. “La communauté internationale regarde, mais elle ne fait que maintenir un statu quo intenable, où les classes moyennes sont décimées et où l’impunité règne en maître”, affirme l’ex-Protecteur du citoyen.
À cela s’ajoutent des dynamiques externes qui compliquent davantage la situation. Les discriminations subies par les Haïtiens en République dominicaine, couplées à une dépendance accrue vis-à-vis des États étrangers, témoignent de la perte de souveraineté d’Haïti. “C’est une humiliation pour notre pays, qui fut la première République noire libre”, déclare Me Hédouville.
Face à ces défis, la population haïtienne entame l’année 2025 dans l’incertitude et l’inquiétude. Bien que des élections aient été promises, peu d’Haïtiens croient à leur tenue dans un climat aussi instable. Pour Me Hédouville, “ces promesses électorales sont une nouvelle manœuvre pour gagner du temps et détourner l’attention des vrais problèmes”.
Cependant, il reste optimiste quant à la capacité des Haïtiens à changer leur destin. “Nous devons prendre notre avenir en main, car personne ne le fera pour nous”, exhorte-t-il. Selon lui, la solution passe par une mobilisation citoyenne massive impliquant les partis politiques responsables, les associations de la société civile, les syndicats, les confessions religieuses et les jeunes.
“Il est temps de rejeter la peur, l’ignorance et la trahison. Nous devons œuvrer ensemble pour bâtir une société démocratique et respectueuse des droits humains”, conclut-il. Pour Me Hédouville, la clé réside dans l’unité, le courage et la détermination de tous les Haïtiens, afin de transformer l’année 2025 en un tournant décisif pour le pays.