MIAMI, lundi 1er janvier 2024– En ce 220ème anniversaire de l’indépendance de la mère de la véritable liberté, de l’égalité et de la fraternité, chaque digne fils et fille d’Haïti doit revêtir le courage nécessaire pour offrir à nos ancêtres, les « va nus pieds » de Saint-Domingue, un bouquet de fleurs d’honneur en reconnaissance de leur vaillance et de leur détermination à casser un système esclavagiste déshumanisant. Ils ont redéfini l’ordre économique mondial qui reposait sur l’exploitation des Noirs. Dans un environnement hostile à leur humanité, traditions culturelles et spirituelles, ils ont, par la force de leur détermination à mourir en hommes et femmes libres plutôt que de vivre en bêtes de somme, consolidé le lien d’unité lors du congrès de Bois Caïman. Cela les a guidés vers l’émancipation des Noirs et l’établissement de la première république noire de l’hémisphère américain, 13 ans plus tard.
Aux yeux des oppresseurs esclavagistes « la connaissance et la mémoire de nos ancêtres, ainsi que celles des autochtones, avec leurs traditions et émotions, étaient considérées comme dénuées de sens ». Seule leur « contribution économique » au bien-être de la métropole était prise en compte. Les conditions inhumaines dans lesquelles vivaient ces individus n’étaient pas perçues par eux comme une fatalité. Refusant de subir éternellement cette dure réalité, ils avaient employé plusieurs stratégies, dont des révoltes sporadiques ou en utilisant le « suicide » comme méthode de résistance. Face à la volonté systématique des prétendus civilisés d’empêcher les esclaves arrachés d’Afrique de communiquer entre eux, et donc de disperser ceux des mêmes tribus à travers différentes régions ou colonies, les esclaves de Saint-Domingue ont réussi à créer leur propre langue, le Créole, pour faire progresser leur mouvement antiesclavagiste.
Deux cent vingt ans plus tard, en contemplant les répercussions de cet événement, un effet domino qui a ouvert la voie à la liberté et à la dignité dans toute la région et au-delà, causant l’ abolition de l’esclavage aux États-Unis et conduisant à l’ascension dans un premier temps de Barack Obama à la présidence et Kamala Harris dans un second temps à la vice-présidence de ce pays, il est impératif de rendre hommage aux héros et héroïnes d’Haïti.
Nos ancêtres méritent ce bouquet de fleurs en reconnaissance de leur persévérance inébranlable à maintenir la flamme du flambeau de la souveraineté nationale allumée, malgré les assauts répétés de leurs anciens oppresseurs. Ces derniers, de concert avec certains pays de la communauté internationale, ont déployé tous leurs efforts pour faire échouer le rêve de placer le « bien-être » des Haïtiens au cœur des débats. Cependant, ils n’ont pas réussi, car la détermination inébranlable du peuple haïtien à prendre en charge son destin, « une entreprise humaine essentielle », était indomptable. Pendant plus d’un siècle, les héros de l’indépendance et de nombreux autres, issus de la classe politique et de l’élite intellectuelle, tels qu’Anténor Firmin et Edmond Paul, ont ardemment défendu cette conquête de la dignité de la race noire.
En tant que digne fils des fondateurs et mères fondatrices d’Haïti, il est de mon devoir de déposer une rose d’honneur sur leurs tombes. Il est également de mon devoir de lancer une condamnation aux fossoyeurs de la patrie, quel que soit leur secteur, pour avoir trahi l’idéal noble de « Liberté ou la mort ». Je condamne tous ceux qui ont créé et continuent de créer les conditions facilitant l’intervention des forces étrangères en Haïti.
Ces traîtres à la patrie s’associent aux pays esclavagistes en traînant dans la boue l’épopée de 1804, en demandant le déploiement d’une nouvelle Mission Multinationale de Sécurité (MMS), dirigée par le Kenya.
Certes, de nombreux membres des élites politiques, religieuses, économiques et intellectuelles prêtent allégeance aux ennemis de la patrie. Aujourd’hui, certains d’entre eux cherchent à se présenter comme les sauveurs d’Haïti, exploitant le vide de leadership qui règne dans le pays. Cependant, il est impératif que nous restions vigilants et que nous ne réhabilitions pas ces individus peu scrupuleux qui, tout récemment, avaient conclu des accords avec les ennemis d’Haïti pour entraver la célébration du bicentenaire de l’indépendance en 2004. Ces mercenaires avaient alors obtenu de l’argent des pays hostiles à Haïti, et il est inconcevable qu’ils puissent soudainement se prétendre les défenseurs de la dignité nationale. Leur trahison a entaché l’image de ce peuple exceptionnel, et en participant au trafic de la drogue ainsi qu’à des actes de corruption, ils ont non seulement terni l’image de la nation, mais ont également privé l’État de ressources financières qu’il aurait pu utiliser pour promouvoir le bien-être politique et socio-économique du peuple haïtien.
Je suis persuadé que malgré cette triste réalité, il existe encore un « faible reste », les véritables héritiers de Cécile Fatima, de Boukman, de Dessalines, de Christophe, etc… qui n’ont pas trahi et ne trahiront jamais Haïti. En témoignage de respect envers ce groupe déterminé à préserver la dignité et l’autodétermination du peuple haïtien, un engagement hérité de nos valeureux héros et héroïnes, et à restaurer la grandeur d’Haïti, je souhaite rendre hommage à la mémoire de tous ceux qui se sont sacrifiés pour ces idéaux. Honneur à vous et à nos ancêtres, et honte aux traîtres d’Haïti, manman liberté. Oui, nos héros et héroïnes méritent d’être honorés. Par égard envers eux et envers elles, nous devons aujourd’hui plus que jamais manifester une détermination inébranlable pour prévenir toute résurgence de l’influence néfaste des traîtres. À l’instar de nos ancêtres qui ont triomphé de tous les obstacles semés sur leur chemin, nous devons nous aussi mobiliser tous nos efforts pour contrecarrer les ennemis étrangers d’Haïti, ainsi que leurs suppôts locaux. Cela constituerait notre plus noble hommage, une « offrande » florale « agréable » déposée avec respect sur la tombe de nos héros et héroïnes.
Dr. Ernst Pierre Vincent
Théologien, spécialiste en leadership organisationnelle et des conflits internationaux
Directeur Exécutif de International Center for Leadership and Conflict Studies (ICLCS)