Himmler Rébu dénonce l’approche adoptée pour le Conseil National de Sécurité et appelle à une réforme stratégique et institutionnelle de la sécurité nationale…

Himmler Rébu, Dirigeant du GREH

PORT-AU-PRINCE, samedi 4 janvier 2025 Dans une lettre ouverte adressée à Leslie Voltaire, coordonnateur du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), au Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé, ainsi qu’aux ministres du gouvernement haïtien, lex-colonel des Forces Armées d’Haiti,  Himmler Rébu, ancien secrétaire d’État à la sécurité publique et expert en stratégies militaires, expose une critique minutieuse de l’arrêté spécial No 67 publié le 20 décembre 2024, qui établit le Conseil National de Sécurité (CNS). Sa lettre constitue une réflexion sur la vision actuelle de la sécurité nationale en Haïti, qu’il estime inadaptée à la complexité des enjeux stratégiques et institutionnels du pays.

Himmler Rébu commence par souligner une ambiguïté fondamentale dans le message prononcé par l’architecte Leslie Voltaire lors du 221ᵉ anniversaire de l’indépendance haïtienne. Selon lui, attribuer simultanément la conduite de la “guerre” contre les gangs au CNS et au Conseil Supérieur de la Police Nationale (CSPN) crée une confusion institutionnelle. Cette déclaration a incité le lieutenant-colonel à examiner attentivement l’arrêté spécial instaurant le CNS, en particulier son article 4, qui définit la composition de cette instance comme un assemblage d’experts nationaux, de professionnels de la diaspora et d’autres personnalités compétentes.

Rébu dénonce fermement cette approche, qu’il qualifie de « grave erreur conceptuelle ». Selon lui, « le Conseil National de Sécurité d’un pays n’est pas un assemblage d’experts ni de techniciens indépendants, mais une instance hautement stratégique, politique et confidentielle, gardienne des secrets les plus sensibles de la République. » Il compare le modèle haïtien proposé à celui des grandes puissances comme les États-Unis, où le Conseil National de Sécurité dépend directement du président et regroupe des personnalités clés telles que le vice-président, le secrétaire d’État, le ministre de la Défense et le conseiller à la sécurité nationale. En France, un modèle similaire existe avec le Conseil de Défense et de Sécurité Nationale, présidé par le président de la République et réservé à un cercle restreint de responsables stratégiques.

Le lieutenant-colonel insiste sur la nécessité d’un CNS structuré autour des institutions régaliennes de l’État. Il estime que les ministres de l’Intérieur et de la Défense, par exemple, doivent jouer un rôle central dans la gestion des dossiers de sécurité intérieure, des forces armées, et des services de renseignement. « Ce sont ces institutions qui, par leurs services, couvrent l’ensemble des activités allant de l’espionnage commercial, scientifique et militaire jusqu’aux opérations spéciales. » Rébu affirme que limiter l’accès au CNS à des acteurs institutionnels est crucial pour préserver son efficacité et sa confidentialité.

Dans son analyse, Himmler Rébu met également en lumière ce qu’il perçoit comme une confusion entre la gestion technique de l’insécurité actuelle et les enjeux stratégiques de la sécurité nationale. Il regrette que l’insécurité, qui découle principalement de la désorganisation institutionnelle de l’État haïtien, ait conduit à une approche ponctuelle et improvisée. « La sécurité nationale ne peut être réduite à une réponse immédiate aux crises urbaines », prévient-il. Selon lui, la conception d’un CNS comme un simple collège technique d’experts démontre une méconnaissance des véritables fonctions de cette instance.

L’article 6 de l’arrêté, qui prévoit la création d’un secrétariat pour assister le CNS, est également critiqué par le lieutenant-colonel. Bien qu’il admette que ce secrétariat pourrait inclure des experts, il insiste sur le fait que ces derniers doivent obligatoirement provenir des institutions républicaines, telles que le renseignement, la police nationale, les forces armées, et d’autres services spéciaux. Pour Rébu, « le CNS ne doit pas être un fourre-tout de techniciens et d’experts volants de tous horizons. »

Le lieutenant-colonel va plus loin en proposant une révision complète de l’organisation actuelle de la sécurité en Haïti. Il estime qu’un CNS correctement structuré rendrait le CSPN obsolète, qualifiant ce dernier de « simple aménagement politique circonstanciel » et d’« instrument inefficace ». Il critique également la tutelle de la Police Nationale d’Haïti (PNH) par le ministère de la Justice, un modèle qu’il considère comme inapproprié pour répondre aux défis actuels.

Malgré ses critiques, Himmler Rébu se dit prêt à collaborer pour améliorer la conception du CNS et partager ses idées avec les techniciens à l’origine de l’arrêté. Il rappelle que le GREH (Groupe de Réflexion et d’Action pour une Haïti Nouvelle), dont il fait partie, dispose d’un document élaboré depuis quatre ans sur les questions de sécurité nationale, prenant en compte les particularités haïtiennes. Il conclut sa lettre en réaffirmant son engagement envers la nation, déclarant : « Toujours au service de la Nation. »

Cette lettre ouverte, rédigée avec rigueur et profondeur, constitue un plaidoyer pour une approche plus stratégique et institutionnelle de la sécurité nationale en Haïti. À travers son analyse, Himmler Rébu appelle à repenser les bases mêmes de la sécurité en plaçant les institutions régaliennes au cœur de la gouvernance sécuritaire, tout en rejetant toute improvisation ou politisation des enjeux. Ce message, empreint d’une grande clarté, est une invitation à prioriser une vision de long terme pour une Haïti stable et souveraine.