PORT-AU-PRINCE, lundi 17 octobre 2022– L’argument ‘‘urgence humanitaire’’ lié à la brusque réapparition du cholera est sur toutes les lèvres aux Nations-Unies pour justifier une intervention militaire étrangère en Haïti.
Lundi, l’intervention de la cheffe du bureau intégré des Nations-Unies en Haïti (BINUH), Helen La Lime au conseil de sécurité de l’ONU, a été largement dominée par la situation humanitaire due notamment a la résurgence des cas de choléra, aux crises économique, sécuritaire et politique.
Selon La Lime, ‘‘en quelques semaines, des dizaines de cas supplémentaires ont été confirmés, dont plus de la moitié ont entraîné la mort, et des centaines d’autres suspects dans les départements de l’Ouest et du Centre. Vingt-cinq de ces décès se sont produits dans la seule prison de Port-au-Prince. Des cas sont également suspectés à la prison de la Croix-de-Bouquet’’, a-t-elle précisé.
Elle a souligné qu’alors que des cas de choléra non-documentés sévissent dans certaines parties de Port-au-Prince, en particulier à Cité Soleil, les gangs continuent de bloquer le terminal de Varreux où la majeure partie du carburant du pays est stockée.
La diplomate a déclaré que ‘‘les conséquences pour les infrastructures de base d’Haïti ont été graves, perturbant les opérations des hôpitaux et des fournisseurs d’eau du pays, impactant la réponse au choléra. Sans carburant, les déchets ne sont pas évacués des quartiers, tandis que les pluies torrentielles favorisent les inondations, qui se mélangent aux ordures pour créer des conditions insalubres propices à la propagation des maladies’’, a-t-elle soutenu.
« Ni le travail ‘‘héroïque’’ de la police – qui manque cruellement de personnel et de ressources – ni les efforts politiques n’ont réussi à apaiser la situation. Comme toujours, ce sont les citoyens les plus pauvres et les plus vulnérables d’Haïti qui sont les plus touchés », a déclaré La Lime.
Mme La Lime estime que, ‘‘la réalité est que sans la libre circulation du carburant, Haïti ne sera pas en mesure de devancer la crise actuelle.’’
Elle a ajouté que,’’ malgré toutes les réalisations de la police nationale dans la réouverture des routes et des quartiers, le port où le carburant est stocké reste un défi. De plus, la pénurie de carburant a maintenant un impact sur la mobilité et l’intervention de la police. Les appels lancés par le corps diplomatique et d’autres, y compris l’ONU, pour la création d’un corridor humanitaire sont restés lettre morte’’
Contrairement au ministre haiitiens des affaires étrangères, Jean Victor Généus qui avait déclaré que « la situation est globalement sous contrôle », devant le conseil de sécurité de l’ONU, La Lime a admis que la situation générale n’est pas meilleure.
Selon elle, « près d’un millier d’enlèvements ont été signalés rien qu’en 2022, et l’insécurité générale continue d’empêcher des millions d’enfants d’aller en classe, isole des quartiers entiers et laisse des familles extorquées et brûlées dans leurs propres maisons. Il faut espérer que les arrivées ce week-end à Port-au-Prince d’importants équipements tactiques achetés par des Haïtiens, livrés par le Canada et les États-Unis, aideront la police à reprendre le contrôle de la situation », a déclaré La Lime.
Sur le plan politique, elle a fait état de ses efforts pour réunir les différents acteurs autour d’une table en vue d’un consensus, mais a déploré que les pourparlers aient échoué, ajoutant que ‘‘l’esprit de compromis s’est estompé et, dans un triste cas de déjà-vu, des intérêts particuliers ont commencé à rediriger le récit.’’
Soulignant que les pourparlers se poursuivent entre les représentants de la société civile en vue de renouer avec un large consensus, elle a ajouté que ‘‘les bons offices des Nations Unies restent de plus en plus essentiels pour offrir aux Haïtiens des opportunités de se rassembler et de s’entendre sur la voie de la stabilité pour le pays.’’
Elle a indiqué que, les acteurs du secteur privé qui se sont montrés disposés à soutenir la réforme devraient continuer à apporter leur aide à cet égard, reconnaissant qu’ils ont un rôle important à jouer.
Rappelant que le 7 octobre, le Conseil des ministres a autorisé le Premier ministre à solliciter l’appui d’une force armée internationale spécialisée, pour l’aider à faire face à la crise humanitaire, La Lime a déclaré : « Je ne peux que réitérer l’appel du Secrétaire général aux partenaires d’Haïti pour qu’ils considèrent cette demande de toute urgence pour le secours immédiat des personnes déjà les plus vulnérables ».
‘‘Alors que les manifestations réclamant la démission du Premier ministre et de son gouvernement se poursuivent, certains y voient un autre rappel du rôle des intérêts économiques et politiques enracinés dans la résistance aux efforts du gouvernement visant à réformer les recettes publiques et les douanes au profit du Trésor et la population en général’’, selon le constat de La Lime.
Elle a également souligné que ‘‘les Haïtiens expriment sur les réseaux sociaux leur soutien à de sérieuses sanctions ciblées contre ceux qui conduisent la violence afin d’empêcher les changements qui menacent des schémas de corruption de longue date.’’
Elle a rappelé que les gangs continuent de blesser, kidnapper, violer et tuer., ajoutant que le rapport des droits de l’homme sur les violences sexuelles commises par les gangs publié vendredi souligne à quel point les femmes et les jeunes sont particulièrement touchés.
« Le viol est systématiquement utilisé comme arme de contrôle et de terreur », a-t-elle déclaré.
Selon Helen La Lime, ‘‘tout soutien renforcé en matière de sécurité à la police nationale devrait également s’accompagner d’un soutien au système judiciaire : à la fois pour garantir une responsabilisation appropriée, mais aussi pour renforcer les initiatives menées au niveau national, telles que les unités judiciaires proposées spécialisées dans le jugement des crimes commis par les gangs, ainsi que des délits financiers.
Elle a réitéré que toute résolution globale nécessite une solution politique dirigée par les Haïtiens. Mais, a-t-elle poursuivi, une solution politique reste insaisissable et ne suffit plus à elle seule à résoudre la crise actuelle.
Elle déclaré également que, ‘‘Pour soutenir les institutions haïtiennes dans leur quête d’ordre civique et de responsabilité – et pour sauver des milliers de vies qui seraient autrement perdues – les membres de ce Conseil doivent agir, et de manière décisive, pour aider à lutter contre les fléaux persistants de l’insécurité et de la corruption en Haïti.’’
De nombreuses organisations de la société civiles, des partis politiques et des personnalités haïtiennes continuent d’appeler les instances internationales, dont l’ONU et l’OEA a ne pas donner suite a la demande du gouvernement Henry relative à une intervention militaire étrangère en Haïti-demande qui, selon elles, viole la constitution du pays.