Port-au-Prince, samedi 19 février- Alors que le conseil de sécurité des Nations-Unies met la pression pour que des élections aient lieu d’ici la fin de l’année en Haïti, la cheffe du bureau intégré des Nations-Unies en Haïti (BINUH), Helen La Lime a admis vendredi que ‘‘la situation reste tendue et fortement polarisée malgré quelques signes de progrès.’’
Intervenant au conseil de sécurité dans le cadre de l’évaluation du mandat du BINUH en Haïti, Helen La Lime a souligné que ‘‘la violence des gangs continue de plonger les grands centres urbains dans l’anarchie et le chagrin.’’
‘‘Les groupes armés criminels ont une forte emprise sur la vie économique et sociale de millions d’enfants, de femmes et d’hommes. Leur recours aveugle aux enlèvements, aux meurtres ainsi qu’aux violences sexuelles et sexistes comme moyen de terroriser les populations locales dans la lutte pour étendre leur contrôle territorial est particulièrement odieux,’’ a déclaré la cheffe du BINUH.
Selon Mme La Lime, ‘‘pour endiguer cette vague croissante de crimes violents, la Police nationale d’Haïti a cherché, dans ses capacités limitées, à améliorer l’efficacité de ses opérations anti-gang, à adopter une approche plus équilibrée entre prévention et répression, et à s’appuyer sur une présence policière accrue dans les zones sensibles, une approche qui a donné des résultats temporaires modestes dans des zones telles que la Croix-des-Bouquets dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince.’’
Elle a indiqué, cependant, qu’une force de police dépassée, en sous-effectif et en manque de ressources ne peut à elle seule freiner la montée alarmante de l’insécurité générée par les gangs.
‘‘Pour lui apporter les secours dont il a tant besoin, le Gouvernement, les partenaires internationaux d’Haïti et les Nations Unies ont conjointement décidé de renforcer le soutien international et la coordination de l’assistance à l’institution, en vue d’assurer son développement efficace et structuré à long terme,’’ a souligné Helen La Lime.
‘‘ Afin de combler les lacunes qui affectent la police, a-t-elle poursuivi, ce nouvel élan, incarné par la création imminente d’un fonds commun multi donateurs, doit maintenant se traduire par un financement gouvernemental accru pour la force ainsi qu’un soutien financier et technique international supplémentaire.’’
Mme La Lime a déclaré que le phénomène des gangs ne peut être réglé uniquement par le maintien de l’ordre.
Elle a indiqué qu’une approche d’application de la loi, qui intègre un contrôle accru des flux illégaux d’armes, doit être complétée par des projets socio-économiques et des activités de réinsertion visant à générer des emplois et des revenus dans les quartiers les plus touchés par le fléau de la violence des gangs.
‘‘Les autorités haïtiennes ont adopté une stratégie nationale de réduction de la violence communautaire fondée sur une telle approche holistique, et nous saluons leurs efforts pour veiller à ce qu’elle soit mise en œuvre rapidement et efficacement,’’ a-t-elle souligné.
A part le problème de l’insécurité et de la violence des gangs armés, Helen La Lime a également abordé la question de l’impunité.
Selon la cheffe du BINUH, l’impunité représente un autre phénomène insoluble auquel Haïti doit s’attaquer de toute urgence.
‘‘À ce jour, a-t-elle indiqué, aucun progrès n’a été accompli dans l’établissement des responsabilités pour l’assassinat de Monferrier Dorval en 2020, le massacre de La Saline en 2018 ou ceux survenus à Bel Air en 2019 et 2020.’’
Elle a noté que, ‘‘quelque sept mois après l’assassinat épouvantable du président Moïse, l’enquête nationale sur son meurtre est au point mort, une situation qui alimente les rumeurs et exacerbe à la fois les soupçons et la méfiance à l’intérieur du pays.’’
‘‘Le système judiciaire haïtien souffre de graves faiblesses structurelles, comme en témoignent les graves difficultés rencontrées pour renouveler à temps les mandats des juges. Cela paralyse la capacité des tribunaux à enquêter, traiter et juger les affaires,’’ a-t-elle précisé.
Selon La Lime, de modestes signes de progrès ont été faits, tels que l’augmentation récente du nombre d’audiences tenues, sont encourageants et doivent être soutenus.
Néanmoins, a-t-elle déclaré, des mesures supplémentaires sont nécessaires pour préparer l’entrée en vigueur des nouveaux codes pénal et de procédure pénale et pour garantir que la réforme du système judiciaire puisse être soutenue à plus long terme.