HAÏTI-Trafic d’armes : « Il faut faire plus » pour stopper l’afflux d’armes à feu qui inondent Haïti, alerte un expert des Nations Unies…

William O'Neil, expert independant de l'ONU pour Haiti...

PORT-AU-PRINCE, lundi 21 avril 2025 (RHINEWS)— Alors que les gangs armés dominent près de 85 % de la capitale haïtienne, la prolifération d’armes à feu dans le pays atteint un seuil critique, alimentant une spirale de violence incontrôlée. William O’Neill, expert indépendant des Nations Unies sur la situation des droits humains en Haïti, tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme et appelle à des mesures immédiates pour enrayer le flux d’armes qui traversent les frontières haïtiennes.

« Les gangs ont accès à un nombre croissant d’armes de gros calibre et à des réserves de munitions apparemment inépuisables », déclare l’expert à ONU Info à la suite d’une récente mission sur le terrain. Selon lui, certaines armes utilisées par les groupes armés en Haïti sont capables de transpercer les blindages, ce qui compromet directement la sécurité des unités déployées, y compris la Police nationale haïtienne (PNH) et la Mission multinationale d’appui dirigée par le Kenya. « C’est très dangereux, car la police et les contingents étrangers dépendent de leurs véhicules blindés pour se protéger », insiste-t-il, évoquant des cas récents de policiers haïtiens et kenyans blessés malgré l’usage de véhicules sécurisés.

La situation, jugée « catastrophique », est aggravée par la qualité et la quantité des armes aux mains des gangs, qui s’équipent désormais de fusils automatiques capables de tirer en rafale, de fusils de précision maniés par des membres formés, et de munitions en abondance. « Les personnes que j’ai rencontrées disent que c’est absolument terrifiant », affirme William O’Neill, soulignant que ces armes ne sont pas utilisées uniquement contre les forces de l’ordre, mais également pour asseoir un contrôle brutal sur la population, annexer des territoires, repousser des gangs rivaux, et commettre des exactions quotidiennes. « Les gens sont menacés de mort s’ils ne se soumettent pas aux gangs. »

Haïti ne produisant ni armes ni munitions, la source du problème est clairement identifiée : les armes arrivent principalement des États-Unis, avec des itinéraires qui passent par la Floride, la République dominicaine ou encore la Colombie. « Certaines armes arrivent directement à bord de petits navires depuis la Floride. D’autres traversent la frontière terrestre depuis la République dominicaine, mais ont toujours pour origine les États-Unis », explique O’Neill, précisant que des fusils provenant de groupes armés colombiens, notamment les FARC, ont également été retrouvés récemment en Haïti.

Pour l’expert, la clé réside dans l’interruption du flux de munitions : « Si les gangs venaient à manquer de munitions, le type d’armes qu’ils possèdent n’aurait plus d’importance. Ils seraient anéantis, faute de soutien populaire. » Il déplore cependant un manque criant de ressources du côté haïtien, citant un effectif de seulement 350 agents pour sécuriser une frontière de 400 kilomètres, un unique drone, des véhicules en nombre insuffisant et l’absence totale de scanners dans les ports. « Un grand scanner à métaux pourrait vérifier ce qui arrive dans les conteneurs. Aujourd’hui, il n’y en a pas un seul. »

Outre le manque de moyens, O’Neill pointe aussi la corruption locale et le manque de coopération systématique du côté américain. « Du côté haïtien, on constate un manque de ressources et une certaine corruption. Du côté américain, il y a un manque constant d’engagement en matière d’inspection des cargaisons sortantes. »

Il appelle Washington à intensifier ses efforts, à renforcer les contrôles et à poursuivre les réseaux impliqués dans le trafic. Il cite le cas récent d’un ancien chef de gang haïtien extradé aux États-Unis dont le témoignage a permis l’arrestation de plusieurs complices sur le territoire américain. « De lourdes peines seraient très dissuasives », estime-t-il.

Pour William O’Neill, la sécurité d’Haïti est aussi dans l’intérêt des pays voisins. Il juge que les États-Unis ont pris conscience que la stabilisation d’Haïti réduirait les flux migratoires et permettrait au pays de se reconstruire économiquement. Il voit également un changement d’attitude de la République dominicaine, qu’il dit voir « redoubler d’efforts pour mettre fin au trafic illégal d’armes et de munitions vers Haïti ».

Enfin, il rappelle que l’embargo sur les armes décrété par le Conseil de sécurité de l’ONU reste en vigueur et que tous les États ont l’obligation légale de le respecter. « Tous les pays doivent prendre des mesures pour garantir que leurs obligations extraterritoriales en matière de droits humains incluent l’application de cet embargo », conclut-il.