NEW-YORK, lundi 20 mai 2024 – La mise en place d’une mission de soutien à la sécurité multinationale pour Haïti se rapproche alors que la nation caribéenne continue de faire face à une crise de violence et d’insécurité causée par une activité criminelle gangrenée.
Pourquoi une mission de sécurité internationale est-elle nécessaire ?
Haïti est en proie à une violence qui a atteint des niveaux sans précédent. Lors d’une adresse au Conseil de sécurité de l’ONU le 22 avril, la Représentante spéciale du Secrétaire général pour Haïti, Maria Isabel Salvador, a déclaré qu’il était impossible de surestimer l’augmentation de l’activité des gangs à Port-au-Prince et au-delà, la détérioration de la situation des droits de l’homme et l’aggravation de la crise humanitaire. Elle a insisté sur la nécessité impérieuse de rétablir les conditions de sécurité.
En mars 2024, des gangs ont monté des attaques coordonnées ciblant des infrastructures clés de l’État, y compris plusieurs postes de police, deux des principales prisons de Port-au-Prince ainsi que des établissements éducatifs, sanitaires et des sites religieux. Selon Mme Salvador, ces attaques ont affaibli encore plus les institutions étatiques et accru les défis déjà critiques pour le rétablissement de l’état de droit.
Au cours des trois premiers mois de l’année, l’ONU a signalé que 2 500 personnes, dont au moins 82 enfants, ont été tuées ou blessées à la suite de violences des gangs. Près de la moitié des victimes ont été touchées par des balles lors d’attaques violentes contre leurs quartiers ou de confrontations entre gangs et police. En outre, 438 personnes ont été enlevées contre rançon au cours de la même période. L’ONU a également indiqué qu’environ 362 000 personnes – dont la moitié sont des enfants – ont été forcées de fuir leurs foyers à cause de l’insécurité. La violence sexuelle et les abus contre les femmes et les filles sont en hausse, et des dizaines de milliers d’enfants sont incapables d’aller à l’école.
Qui soutient l’assistance sécuritaire ?
La Police Nationale d’Haïti (PNH) ne peut contenir seule l’explosion de violence, et l’armée haïtienne est petite et faiblement équipée. Un soutien de la communauté internationale est jugé nécessaire pour aider la PNH à stabiliser la situation et permettre aux Haïtiens de mener leur vie quotidienne sans craindre d’être victimes de la violence des gangs.
Depuis octobre 2022, le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a répondu à une demande de l’ancien Premier ministre haïtien Ariel Henry, exhortant les nations à intervenir. Les Bahamas, le Bangladesh, la Barbade, le Belize, le Bénin, le Tchad, la Jamaïque et le Kenya ont officiellement notifié leur intention de contribuer du personnel à la mission de soutien. D’autres pays ont exprimé leur intérêt, mais l’ONU n’a pas encore reçu de notifications officielles à cet effet.
Pourquoi a-t-il fallu autant de temps pour établir la mission ?
Un des principaux obstacles était de trouver quel pays prendrait la tête de cette mission compliquée et risquée. Des rapports suggèrent que les gangs contrôlent environ 80 % de la capitale. Un récent accord entre les gangs pour former un front uni contre la mission a encore compliqué la situation. Le Kenya dirigera la mission. Des responsables kényans ont visité Haïti pour discuter avec les dirigeants haïtiens et régionaux, entre autres, du mandat et de la portée de la mission. Le président kényan, William Ruto, a déclaré à l’Assemblée générale de l’ONU en septembre 2023 que les Haïtiens souffraient immensément de l’héritage amer de l’esclavage, du colonialisme, du sabotage et de la négligence, ajoutant que gérer cette situation était le test ultime de la solidarité internationale et de l’action collective.
Quel type d’opération sera menée ?
Il est important de noter que cette mission de sécurité ne sera pas une opération de l’ONU. Cependant, le Conseil de sécurité a autorisé la mission et demandé au Secrétaire général de créer un fonds fiduciaire pour canaliser les contributions volontaires à l’opération. Fin avril, le porte-parole de l’ONU a confirmé que 18 millions de dollars avaient été déposés dans le fonds par le Canada, la France et les États-Unis.
Que se passera-t-il ensuite et quel est le rôle de l’ONU ?
En approuvant la mission, le Conseil de sécurité a agi en vertu du Chapitre VII de la Charte de l’ONU, qui autorise l’usage de la force après épuisement de toutes les autres mesures pour maintenir la paix et la sécurité internationales. Pendant ce temps, l’ONU continue de soutenir Haïti sur plusieurs fronts. Une mission politique, connue sous son acronyme français BINUH et dirigée par Mme Salvador, continue de soutenir les efforts du gouvernement pour renforcer la stabilité politique et la bonne gouvernance, y compris l’état de droit. Les agences de l’ONU fournissent une aide humanitaire aux Haïtiens affectés par la violence et l’insécurité, mais aussi par des catastrophes naturelles comme le tremblement de terre d’août 2021. Le Service aérien humanitaire de l’ONU (UNHAS) transporte actuellement des travailleurs humanitaires, des équipements critiques et de l’aide vitale en Haïti et à travers le pays. En parallèle, l’ONU continue de soutenir les autorités pour renforcer le développement socio-économique.