HAÏTI : L’ONU alerte sur un “point de non-retour” dans la crise haïtienne…

photo: ONU: Maria Isabel Salvador, Cheffe du BINUH...

NEW-YORK, lundi 21 avril 2025 (RHINEWS)– L’Organisation des Nations Unies a lancé lundi une mise en garde solennelle contre l’escalade de la violence en Haïti, évoquant la proximité d’un « point de non-retour » dans une crise sécuritaire qui continue de s’aggraver, malgré les efforts conjoints des autorités locales et de la communauté internationale.

Devant le Conseil de sécurité réuni à New York, María Isabel Salvador, représentante spéciale du Secrétaire général de l’ONU en Haïti et cheffe du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), a dressé un constat alarmant de la situation. Elle a appelé à un examen urgent des recommandations formulées par António Guterres, Secrétaire général des Nations Unies, en vue de renforcer l’appui international à la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) dirigée par le Kenya.

« Nous approchons d’un point de non-retour dans la crise haïtienne », a-t-elle déclaré. Malgré le renforcement des effectifs de la Police nationale d’Haïti et l’arrivée progressive des contingents étrangers, les groupes criminels continuent de progresser, menaçant désormais les dernières zones de Port-au-Prince qui échappaient encore à leur emprise, notamment Kenscoff. Le centre-ville et Pétion-Ville sont également pris pour cibles, tandis que les départements de l’Ouest, du Centre et de l’Artibonite enregistrent une intensification des attaques.

Mme Salvador a dénoncé une stratégie délibérée des gangs visant à affaiblir les institutions haïtiennes, citant l’exemple de l’attaque de la prison de Mirebalais, qui a permis l’évasion de plus de 500 détenus – la cinquième en moins d’un an.

Les chiffres rendus publics par les Nations Unies illustrent l’ampleur de la crise : entre février et mars, 1.086 personnes ont été tuées, 383 blessées, et plus de 60.000 déplacées, venant s’ajouter au million déjà recensé fin 2024. « L’échelle de la violence a semé la panique parmi les Haïtiens, qui craignent l’effondrement total de l’État », a averti Mme Salvador.

Elle a reconnu les efforts du gouvernement haïtien, notamment l’adoption récente d’un budget révisé pour soutenir les forces de sécurité. Mais elle a affirmé avec gravité : « Les efforts du gouvernement haïtien ne suffiront pas pour réduire significativement l’intensité et la violence des groupes criminels ».

Appelant la communauté internationale à renforcer son engagement, elle a salué le rôle moteur du Kenya mais jugé indispensable que « tous les États membres accroissent leur soutien aux forces de sécurité haïtiennes ». Les Nations Unies, elles-mêmes confrontées à des contraintes opérationnelles majeures, peinent à maintenir leur présence sur le terrain en raison des blocages routiers et de la suspension des vols commerciaux depuis novembre 2024. « Sans ce soutien vital, les opérations des Nations Unies risquent d’être encore réduites, au moment où le pays a le plus besoin de nous », a-t-elle averti.

Dans un courrier daté du 24 février, António Guterres a proposé la création d’une structure onusienne dédiée au soutien logistique et opérationnel de la MMAS, financée par le budget du maintien de la paix. Mme Salvador a exhorté les membres du Conseil à examiner ces propositions « de toute urgence ».

Sur le plan politique, elle a reconnu l’engagement du Conseil présidentiel de transition, dirigé par Fritz Jean, à organiser des élections d’ici février 2026 et à réviser la Constitution. Mais les conditions sécuritaires compromettent fortement la mise en œuvre de ce calendrier. Le BINUH, selon elle, doit désormais concentrer ses efforts « là où ils peuvent être les plus efficaces, durables et crédibles ».

Elle a également mis en avant les initiatives nationales contre l’impunité, dont la création d’unités spécialisées dans la lutte contre les crimes financiers et odieux, ainsi que les mesures de contrôle des armes. Toutefois, elle a souligné que « la justice est un système ; son fonctionnement requiert l’intervention de tous ses acteurs ».

Le tableau humanitaire est tout aussi sombre : 39 établissements de santé et plus de 900 écoles ont fermé leurs portes dans la capitale, tandis que le choléra et les violences sexistes se propagent, notamment dans les camps de déplacés. Mme Salvador a plaidé pour un financement urgent du plan de réponse humanitaire 2025, lançant cet avertissement final : « Haïti pourrait être confrontée à un chaos total et tout retard dans votre soutien pourrait être la cause directe d’une telle détérioration ».