Haïti : ”Liberté d’expression et ses limites : Lucner ‘‘Louko’’ Désir et Radio Télé Éclair poursuivis pour diffamation, propos outrageants et injure publique’’…

Lucner ‘‘Louko’’ Désir , Animateur de l'emission Matin Debat...

PORT-AU-PRINCE, dimanche 26 mai 2024– Ives Marie Chanel, journaliste et entrepreneur, et Edwine Paraison, ex-ministre haïtien, ont déposé une plainte contre l’animateur de l’émission ‘‘Matin Débat’’, Lucner Désir, connu sous le nom de Louko Désir, et la radio Télé Éclair. La plainte concerne des déclarations faites par M. Désir, selon lesquelles Ives Marie Chanel et Edwine Paraison seraient à l’origine de la décision du président dominicain Luis Abinader de lui interdire l’entrée en République Dominicaine.

Selon Me Samuel Madistin, l’avocat des deux hommes, « Le droit à la liberté d’expression ne s’oppose pas au droit à la protection de la réputation d’autrui, au droit au respect de la vie privée. »

Il a affirmé lors d’une interview au Réseau Haïtien de l’Information (RHINEWS) que la liberté d’expression est une conquête durement acquise en Haïti. Des générations ont sacrifié leur vie, subi des arrestations, des bastonnades, des tortures, des viols, des humiliations et même l’exil pour que ce droit soit reconnu et protégé. Toutefois, l’abus de ce droit peut rapidement se transformer en un outil de destruction’’, a-t-il souligné.

« Il est impératif de tenir ceux qui abusent de la liberté d’expression pour responsables de leurs actes. L’ignorance, la négligence, la quête de notoriété ou une folie des grandeurs ne doivent pas être des excuses pour porter atteinte à la liberté d’expression. Ceux qui croient que cette liberté est sans limite deviennent des ennemis de cette même liberté qu’ils prétendent défendre », a déclaré Me Madistin.

‘‘Les injures, les attaques gratuites contre des personnalités respectables, et la diffusion de fausses informations ne relèvent pas de la liberté d’expression, mais constituent des infractions pénales. Des propos grivois, autrefois réservés aux veillées funèbres ou aux périodes carnavalesques, sont désormais diffusés en continu, atteignant les auditeurs, les téléspectateurs et les internautes. Cette dérive médiatique sacrifie la véracité et l’intégrité des informations au profit du sensationnalisme’’, a déploré Madistin.

‘‘Dans ce contexte, les citoyens ont le droit de vivre dans une société régie par des lois qui protègent la réputation et la vie privée de chacun. La poursuite engagée par Ives Marie Chanel et Edwine Paraison contre Louko Désir et la radio Télé Éclair vise à rappeler cette réalité. La leçon qu’ils souhaitent donner est claire : la liberté d’expression ne doit jamais servir de bouclier pour les atteintes à la réputation et à la vie privée’’, a déclaré l’avocat.

Me Madistin a confirmé que la poursuite porte sur des accusations de diffamation, propos outrageants et injure publique. “Il s’agit d’une poursuite pour diffamation, propos outrageants et injure publique”, a-t-il précisé.

Il a expliqué que ses clients cherchent à obtenir des réparations pour les graves préjudices moraux et matériels subis.

“Pour engager ce procès, les requérants ont dû consentir d’importantes dépenses pour se payer les services d’un cabinet d’avocats, supporter les frais de justice et les tracasseries d’un procès”, a-t-il expliqué. Il a souligné que la responsabilité incombe également au gérant de la station, qui devait veiller à la bonne utilisation de la fréquence mise à sa disposition par l’État.

Ce procès vise également à envoyer un message fort à la société haïtienne. “Ce procès a un aspect pédagogique. Il vise essentiellement à protéger le droit à la liberté d’expression et à enseigner au public, par la sanction, les notions d’abus du droit à la liberté d’expression, de respect de la réputation d’autrui, de respect de la vie privée d’autrui et de citoyenneté numérique”, a-t-il déclaré. Il a insisté sur le besoin urgent d’un usage responsable des réseaux sociaux en Haïti, soulignant l’importance du droit à l’oubli numérique.

Me Madistin a souligné que le droit à l’oubli numérique, également connu sous le nom de droit à l’oubli sur internet, est un concept nouveau en Haïti, qui consiste à supprimer les informations malveillantes publiées en ligne et portant atteinte à une personne. Me Madistin a évoqué un précédent en la matière, citant l’affaire Nancy Roc contre Vladimir Désir et Marjorie Michel. “En ordonnant de supprimer sur le site de Radio Télé Éclair les informations publiées contre les requérants ou même la fermeture pure et simple du site de la station, la justice aura affirmé le droit à la citoyenneté numérique”, a-t-il affirmé, soulignant que le pays a grandement besoin de cette affirmation.

Cette affaire, qui oppose Louko Désir et Radio Télé Éclair à Ives Marie Chanel et Edwin Paraison, illustre les défis de l’exercice de la liberté d’expression en Haïti. Elle soulève des questions cruciales sur la responsabilité des médias et la protection de la réputation des individus dans une société démocratique. Le verdict attendu pourrait bien établir un précédent significatif pour l’avenir de la liberté d’expression et du droit à la réputation dans le pays.