PORT-AU-PRINCE, jeudi 10 avril 2025 (RHINEWS) — La situation sécuritaire en Haïti connaît une nouvelle escalade inquiétante avec la multiplication d’attaques ciblées contre les journalistes, victimes collatérales d’une spirale de violence dominée par les gangs armés, notamment le redouté groupe “Viv Ansanm”. Alors que les forces de l’ordre semblent débordées, le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) tire la sonnette d’alarme.
Le dernier incident en date s’est produit à Mirebalais, une ville du centre du pays, tombée le 31 mars sous le contrôle partiel de Viv Ansanm, une coalition de gangs ayant émergé en 2023. Des centaines de prisonniers y ont été libérés de force, plusieurs civils tués, et des milliers de personnes, dont de nombreux journalistes, ont fui la zone.
Parmi les victimes figure Roger Claudy Israël, propriétaire de la station locale RC FM, enlevé avec son frère par des membres du gang. Dans une vidéo diffusée le 4 avril, les ravisseurs menacent d’exécuter les deux hommes.
« Nous appelons les ravisseurs de Roger Claudy Israël à les libérer sans délai », a déclaré Katherine Jacobsen, coordinatrice du programme pour les États-Unis, le Canada et les Caraïbes au CPJ. « Les autorités haïtiennes doivent rétablir l’ordre afin que les journalistes et les citoyens puissent vivre sans peur. Cette violence insensée doit cesser. »
Le bilan ne cesse de s’alourdir. Jean Christophe Collègue, ancien correspondant de Voice of America, est porté disparu après l’incendie de son domicile à Mirebalais. Dans la capitale, Port-au-Prince, deux journalistes ont été violemment agressés le 2 avril lors d’une manifestation anti-gouvernementale dans le quartier de Canapé Vert. L’un d’eux, qui a requis l’anonymat par crainte de représailles, témoigne :
« Les journalistes sont des cibles en ce moment. La police, les gangs, la population… tout le monde est contre nous. » Il souffre de blessures à la tête, à la clavicule et à la cheville.
Juan Martínez d’Aubuisson, journaliste salvadorien reconnu pour ses reportages en zones de conflit, a lui aussi failli perdre la vie à Port-au-Prince le 19 mars. Pris à partie par une foule armée de machettes criant « Nous ne voulons pas de journalistes ni d’étrangers », il n’a dû son salut qu’à l’intervention d’un manifestant qui lui a permis de fuir à moto.
« Je n’ai jamais vu une telle haine », confie-t-il. « Un seul faux pas et on vous transforme en cendres. »
Le CPJ rappelle qu’Haïti est en tête de son Global Impunity Index 2024, qui classe les pays où les assassins de journalistes ont le plus de chances de rester impunis.
Depuis 2018, selon les données compilées par le CPJ, au moins 11 journalistes ont été tuésen Haïti en raison de leur travail, et plus de 30 ont été enlevés ou agressés, la plupart sans que justice soit rendue. Le climat d’impunité, combiné à l’effondrement des institutions étatiques, crée un terrain fertile pour la persécution de la presse.
Dans un pays où l’information indépendante devient une denrée rare, chaque voix journalistique muselée est une lumière qui s’éteint dans l’obscurité croissante de la violence.