Haïti : le Parc Industriel de Caracol, symbole brisé d’une économie en crise…

Par Jude Martinez Claircidor

CARACOL,(Nord-Est), mercredi 19 février 2025– La crise sociopolitique qui frappe Haïti depuis plusieurs années a engendré des conséquences économiques profondes, affectant notamment le Parc Industriel de Caracol (PIC), l’un des projets les plus ambitieux et symboliques mis en œuvre après le séisme dévastateur du 12 janvier 2010. Situé dans la commune de Caracol, à 45 km à l’est du Cap-Haïtien et à 45 km de la ville frontalière de Ouanaminthe, le PIC était devenu un pilier économique pour les communautés du Nord, générant des milliers d’emplois pour les travailleurs de Cap-Haïtien, Quartier-Morin, Limonade, Trou-du-Nord, Terrier-Rouge et Fort-Liberté.

Cependant, la dégradation persistante des conditions sécuritaires et politiques a précipité le départ de plusieurs entreprises clés opérant au sein du parc. Parmi elles, la compagnie srilankaise Mass Akansyel, la compagnietaïwanaise Everest Apparel Haiti S.A., ainsi que les entreprises haïtiennes Sisalco et Peinture Caraïbes. Ces départs ont conduit à la relocalisation de plusieurs de ces acteurs économiques en République dominicaine, où ils ont trouvé un environnement plus stable et propice aux investissements. La plus grande entreprise du parc, la société sud-coréenne S & H Global, qui employait près de 9 000 travailleurs, a drastiquement réduit ses effectifs à seulement 3 000 employés. Au total, ces départs ont entraîné la perte de près de 12 000 emplois directs, soit une réduction de 80 % de la main-d’œuvre du PIC, passant de 15 000 à environ 3 000 employés.

Des milliers d’emplois indirects ont disparu, illustrant l’effet domino des départs du Parc de Caracol. Petits marchands de restauration, chauffeurs de transport, vendeurs de vêtements et chaussures d’occasion… tous subissent de plein fouet les départs des entreprises du parc. Ces défections fragilisent également l’administration du parc, qui perd progressivement son autonomie financière grâce aux revenus générés par les loyers des locataires.

Cette situation représente un revers majeur pour l’État haïtien, qui, à travers l’Unité d’Exécution du Ministère de l’Économie et des Finances, en collaboration avec la Banque Interaméricaine de Développement (BID), avait entrepris un projet d’extension du parc. Financé par un don de la BID, ce projet visait à répondre à une demande croissante et à créer plus de 20 000 emplois directs. Toutefois, les retards accumulés en raison de la crise ont éloigné Haïti de ses objectifs économiques. De même, un projet stratégique d’installation de deux centrales solaires, d’une capacité respective de 8 MW et 4 MW, a été fortement compromis par l’instabilité persistante.

Malgré ces défis, de nouveaux locataires ont intégré le parc, notamment Alliance Distribution, ADRA et Century Group. Cependant, leur présence ne suffit pas à compenser les départs massifs et les pertes d’emplois engendrées. La relance du PIC exige des mesures urgentes pour rétablir la sécurité et restaurer la confiance des investisseurs. Une stratégie de communication proactive, visant à redorer l’image du pays et à promouvoir un climat des affaires favorable, est essentielle pour attirer de nouveaux capitaux étrangers et rassurer les acteurs économiques déjà présents.

Le Parc Industriel de Caracol, conçu comme un moteur de développement économique et social, demeure un symbole d’espoir pour Haïti. Toutefois, sans une résolution rapide de la crise sociopolitique et une amélioration significative du climat des affaires, ce projet risque de perdre davantage de son élan. Il est impératif que l’État haïtien prenne des mesures concrètes pour mettre fin à l’insécurité généralisée et créer un environnement propice à l’investissement. Le PIC, autrefois un succès, peut redevenir un levier de croissance, mais seulement si les conditions nécessaires à son épanouissement sont réunies.