PORT-AU-PRINCE, jeudi 16 janvier 2025– La crise en Haïti a atteint des niveaux catastrophiques, avec des groupes criminels qui intensifient leurs attaques coordonnées à grande échelle contre la population et les infrastructures clés de l’État, causant la quasi-paralysie du pays et aggravant la situation déjà désastreuse des droits humains et la crise humanitaire, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch dans son Rapport mondial 2025.
Dans la 35e édition de son Rapport mondial, qui comprend 546 pages, Human Rights Watch analyse les pratiques relatives aux droits humains dans près de cent pays. Dans une grande partie du monde, écrit la directrice exécutive Tirana Hassan dans son essai introductif, les gouvernements ont réprimé, arrêté et emprisonné à tort des opposants politiques, des activistes et des journalistes. Des groupes armés et des forces étatiques ont illégalement tué des civils, forcé beaucoup d’entre eux à quitter leur foyer et les ont empêchés d’accéder à l’aide humanitaire. Dans de nombreux cas parmi plus de 70 élections nationales tenues en 2024, des dirigeants autoritaires ont gagné du terrain sur la base de rhétoriques et de programmes politiques discriminatoires.
« Tout au long de l’année 2024, des groupes criminels ont tué, pratiqué des enlèvements et recouru à la violence sexuelle pour contrôler la population d’Haïti, déjà accablée par la montée de la pauvreté, de la faim et du manque d’accès aux services essentiels », a déclaré Nathalye Cotrino, chercheuse senior auprès de la division Amériques à Human Rights Watch. « La nomination d’un gouvernement de transition et le déploiement d’une Mission multidimensionnelle d’appui à la sécurité autorisée par l’ONU pour soutenir la Police nationale d’Haïti n’ont pas encore permis d’améliorer la sécurité ni de rétablir l’état de droit. »
Fin février, les principaux groupes criminels, réunis au sein de la coalition Viv Ansam (« Vivre ensemble », en créole), ont lancé des attaques coordonnées contre les principales prisons, les commissariats de police, les bureaux gouvernementaux et les infrastructures clés telles que les centres de soins et les établissements scolaires de la capitale haïtienne, Port-au-Prince. Des attaques qui ont pratiquement paralysé le pays et l’acheminement de l’aide humanitaire vitale pendant près de trois mois.
Les groupes criminels ont accru leur recrutement d’enfants, profitant de la faim et de la pauvreté généralisées. En octobre, au moins 30 % des membres des groupes criminels étaient des enfants. Ils ont participé à des actes d’extorsion, des pillages et des actes de violence graves, notamment des meurtres et des enlèvements, mais ont également été victimes eux-mêmes d’abus au sein de ces gangs. Le gouvernement de transition d’Haïti n’a pas de stratégie ni de ressources pour garantir la protection de tous les enfants, notamment en leur offrant un accès à l’éducation et à la justice, ni des recours juridiques pour les soustraire à ces groupes criminels.
Le recours à la violence sexuelle par les groupes criminels est désormais généralisé. Entre janvier et octobre, près de 4 000 filles et femmes ont signalé des violences sexuelles, notamment des viols collectifs, principalement commises par des membres des groupes criminels. Les survivantes ont un accès restreint aux services de protection et de soins en raison des ressources institutionnelles limitées et de la perturbation des services essentiels par la violence, en particulier les soins de santé.
En juin, la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) autorisée par l’ONU, dirigée par le Kenya, a entamé ses opérations en Haïti avec environ 400 officiers, bien en deçà des 2 500 prévus. Bien que la MMAS ait soutenu les opérations de lutte contre la criminalité menées par la Police nationale d’Haïti (PNH) et mis en place des garanties essentielles en matière de droits humains, elle est confrontée à d’importants défis financiers et logistiques.
Les groupes criminels ont intensifié leurs attaques coordonnées en octobre et contrôlent désormais environ 85 % de Port-au-Prince et de sa zone métropolitaine, et ont étendu leur emprise aux départements de l’Ouest et de l’Artibonite. En 2024, ils ont tué au moins 5 601 personnes, selon l’ONU. La moitié de la population a du mal à se nourrir, ce qui fait de Haïti l’un des pays les plus touchés par l’insécurité alimentaire, et plus de 700 000 Haïtiens – dont 25 % d’enfants – sont déplacés dans le pays.
La communauté internationale devrait soutenir d’urgence une réponse globale et fondée sur les droits à la crise haïtienne ; cette réponse devrait être axée sur le rétablissement de la sécurité, le maintien de l’état de droit et le retour du pays à la démocratie, tout en répondant aux besoins immédiats de la population. À la suite de la demande du gouvernement de transition de transformer la MMAS en une mission de l’ONU, le Conseil de sécurité devrait autoriser de toute urgence le déploiement rapide d’une opération à part entière en Haïti. Celle-ci devrait faire partie d’une stratégie plus large qui comprenne des garanties en matière de droits humains, des mécanismes de surveillance et des mesures de reddition de comptes pour prévenir les préjudices commis par le passé et remédier aux séquelles des interventions précédentes.