Haïti : « la situation sécuritaire reste très fragile et la situation humanitaire est désastreuse », selon la cheffe du BINUH…

Maria Isabel Salvador, cheffe du BINUH...

NEW-YIK, mardi 22 octobre 2024-L’envoyée de l’ONU en Haïti a expliqué mardi aux membres du Conseil de sécurité que la situation dans ce pays s’est aggravée au cours des derniers mois, malgré le début du déploiement de la Mission multinationale d’appui à la sécurité, dirigée par le Kenya.

« On compte plus de 700.000 personnes déplacées à l’intérieur du pays, ce qui représente une augmentation de 22% au cours des trois derniers mois. Le processus politique, malgré les avancées initiales dont j’ai fait état en juillet, est désormais confronté à des défis considérables, transformant l’espoir en profonde inquiétude », a dit María Isabel Salvador, Représentante spéciale du Secrétaire général pour Haïti et Cheffe du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), lors d’une réunion du Conseil de sécurité.

Elle a noté que la situation sécuritaire reste « extrêmement fragile », alors que les activités des gangs criminels s’intensifient et s’étendent au-delà de la capitale Port-au-Prince. Elle a cité l’attaque sanglante le 3 octobre par des gangs contre la ville de Port Sondé, dans le département de l’Artibonite, qui a fait 115 morts et des dizaines de blessés parmi les civils. Elle a indiqué que les gangs attaquent également en mer, de petites embarcations transportant des civils de la capitale vers d’autres régions d’Haïti ayant été attaquées.

Elle a également souligné l’impact dévastateur de cette violence sur la population haïtienne, des femmes, des hommes, et surtout des enfants, subissant de plein fouet les atrocités commises par les gangs, qui se traduisent par des meurtres, des enlèvements, et des violences sexuelles. « Les gangs utilisent exclusivement la violence sexuelle comme arme de terreur et de soumission, infligeant des souffrances indicibles aux femmes et aux filles, ainsi qu’à d’autres groupes vulnérables », a-t-elle dénoncé.

Mission multinationale d’appui à la sécurité

Depuis le premier déploiement en juin d’un contingent kenyan de la Mission multinationale d’appui à la sécurité, d’autres policiers des Bahamas, du Belize et de la Jamaïque ont été déployés, la Mission comptant actuellement environ 430 personnes. Mais Mme Salvador a estimé que c’était « loin d’être suffisant » et elle s’est félicitée de l’annonce faite par le Président Ruto du Kenya concernant le déploiement, dans les semaines à venir, d’un contingent supplémentaire pour compléter les forces déjà déployées. En outre, la Mission multinationale reste sous-financée, ce qui pourrait avoir un impact sur le déploiement et l’empêcher de mener à bien ses tâches en soutien à la Police nationale haïtienne, a-t-elle ajouté.

Divergences croissantes au sein de l’exécutif

S’agissant du processus politique mené par Haïti, elle a déploré que les « progrès limités » réalisés par les autorités nationales dans la mise en œuvre des arrangements de gouvernance transitoire convenus ont été sérieusement éclipsés par des divergences croissantes au sein de l’exécutif bicéphale. « En conséquence, la frustration de l’opinion publique face à la dynamique conflictuelle affectant le travail des autorités de transition s’est accrue et érode la confiance dans le système politique actuel », a-t-elle observé, soulignant que le bureau qu’elle dirige s’efforce de renforcer la collaboration au sein de l’exécutif haïtien les exhortant à mettre de côté les divergences et à se concentrer sur la lutte contre l’insécurité, les réformes de la gouvernance et les préparatifs électoraux.

Une situation humanitaire désastreuse

Ces tensions politiques interviennent alors que la situation humanitaire est désastreuse en Haïti. L’insécurité alimentaire touche près de la moitié de la population et le contrôle des gangs sur les principales routes d’accès perturbe gravement la distribution des biens et services essentiels. Les prix ont augmenté et de nombreuses communautés sont au bord de l’effondrement en raison des pénuries alimentaires et de la violence continue qui a rendu improductives de vastes étendues de terres agricoles, a-t-elle noté. « Cette combinaison d’insécurité et d’instabilité économique a conduit à des déplacements massifs », a-t-elle souligné.

Seuls 20% des établissements de santé sont opérationnels à Port-au-Prince, et 40% à l’échelle nationale. 45% de la population n’a pas accès à l’eau potable. L’accès à l’éducation est gravement entravé, avec 1.000 écoles fermées en raison de l’insécurité.

L’envoyée de l’ONU a estimé que les nouvelles modalités de gouvernance de la transition, le déploiement attendu de la Mission multinationale et la perspective de la tenue d’élections avant la fin de 2025 ont offert une lueur d’espoir. « Néanmoins, le temps presse. Pour garantir des élections inclusives, crédibles et participatives, y compris un référendum et des élections générales, un engagement indéfectible de toutes les parties prenantes à revitaliser le consensus national et à placer les intérêts nationaux au-dessus des leurs est essentiel », a-t-elle dit.

« Des efforts supplémentaires sont nécessaires pour rétablir la confiance du public et garantir la légitimité du processus politique », a-t-elle ajouté, estimant également que le soutien à l’appareil de sécurité haïtien et le financement de la Mission multinationale sont fondamentaux. « La résilience et la force du peuple haïtien sont extraordinaires et méritent notre soutien indéfectible sur tous les fronts. Nous devons rester déterminés à aider Haïti dans son chemin vers la sécurité, la stabilité et la prospérité », a-t-elle conclu.