PORT-AU-PRINCE, jeudi 7 septembre 2023- La ministre intérimaire de la justice et de la sécurité publique, Emmelie Prophète, tente de dédouaner le gouvernement de ses responsabilités face au climat de de chaos et de terreur entretenu par les gangs armés.
Dans une interview jeudi au quotidien français, “Le Point”, Mme Prophète déclare: « Le gouvernement actuel n’a pas créé cette situation. Il essaie de réparer des dégâts qui ont été causés par le radicalisme des uns et des autres, radicalisme qui persiste d’ailleurs et se manifeste par un refus de s’asseoir autour de la même table pour trouver une solution à la crise. »
“En Haïti, hélas, nous pouvons tout détruire, ensemble en un jour ; mais ensemble nous ne réussissons à rien construire. Depuis 1804, quand l’armée indigène a chassé l’Armée française, nous ne nous sommes plus mis ensemble pour faire d’autres conquêtes”, ajoute-t-elle. Concernant l’inefficacité de la police nationale et le peu de moyens dont elle dispose pour affronter les gangs, elle affirme que “la police nationale, quand elle a été créée, il y a vingt-huit ans, n’a pas été pensée pour faire face à des situations comme celles que nous vivons aujourd’hui. Nous faisons face à des guérillas urbaines”, soutient la ministre.
Emmelie Prophète fait également référence au programme de protection de statut temporaire (TPS) et Humanitarian Parole initié cette année par le président Biden, qui auraient affecté la PNH sur le plan des effectifs.
« Nos administrations ont été décimées. Certaines ont perdu plus de 15 % de leur personnel, comme la télévision publique. La police a perdu beaucoup de membres. Le gouvernement a vu venir le problème et a demandé, en octobre dernier, une aide pour la police. Ce que certains ont appelé « une intervention étrangère ». Cette aide permettrait à la police de se professionnaliser pour devenir le corps approprié aux nouvelles formes de criminalité. Il s’avère, hélas, et cela fait partie des problèmes majeurs que nous avons, qu’il y a des porosités entre les policiers et les gangs », déclare-y-elles.
Selon Mme Prophète, “Il y a beaucoup d’efforts qui ont été faits pour contrôler l’arrivée d’armes et de munitions sur le territoire. Notamment au niveau de la douane de Port-au-Prince. Les armes viennent des États-Unis et envahissent le marché caribéen. Le sujet est récurrent dans les réunions de la Communauté caribéenne (Caricom).”
Dans cette interview, elle déplore que l’armée remonilisée par l’ex-président Jovenel Moïse depuis 2017, ne dispose ni d’armes ni de matériel.
“Dieu seul sait que nous aurions voulu qu’elle soit opérationnelle”, déclare Mme Prophète.
Elle se réjouit, cependant que la police, “elle, depuis son existence, n’a jamais disposé d’autant de moyens qu’aujourd’hui. Elle a eu 18 gros véhicules blindés ces 9 derniers mois, 30 véhicules blindés légers, 40 véhicules de patrouilles offerts par les États-Unis, 500 armes automatiques.”
Elle affirme qu’ « à Carrefour-Feuilles, les gangs ont principalement brûlé les maisons des policiers. C’est une situation terrible. Si le gouvernement partait aujourd’hui, celui qui serait installé à sa place subirait le même sort. Nous sommes comme cela », ajoute la ministre Prophète.
De nombreuses organisations politiques et de la société civile, ont appelé, ces derniers temps, à la démission du gouvernement en place.
Elles l’accusent de passivité et de complicité avec les gangs armés qui terrorisent la population.