Par Jude Martinez Claircidor
PORT-AU-PRINCE, jeudi 15 février 2024-Le professeur et sociologue Antoine Augustin, intervenant récemment dans l’émission “Le Point” de Radio Télé Métropole, souligne une préoccupante montée de ce qu’il qualifie « d’esthétique de la mort » au sein de la société haïtienne. Selon lui, cette tendance dangereuse se caractérise par une banalisation de la violence, alimentée principalement par l’influence des gangs qui sévissent à travers le pays. La mort devient insignifiante, reléguée au rang de fait banal.
Au-delà de l’emprise des gangs, le professeur Augustin pointe du doigt les carences de l’État dans l’exercice de ses fonctions régaliennes.
Les pratiques actuelles de l’État ne parviennent pas à assurer la paix sociale pour l’ensemble des groupes sociaux, de la classe populaire à la bourgeoisie, en passant par la classe moyenne. Cette situation découle, selon lui, de la destitutionnalisation du pays, marquée par le manque d’institutions fonctionnelles.
Le constat est alarmant : la Présidence est vacante, le Parlement est inexistant, et les collectivités locales manquent de légitimité populaire en raison de l’absence d’élections depuis deux ans. Des institutions clés, comme la Cour supérieure des comptes et la Cour de cassation, connaissent des dysfonctionnements dus à la fin des mandats de certains juges. Le professeur Augustin insiste sur la nécessité de renouveler ces mandats conformément aux principes de la loi haïtienne pour restaurer la légitimité.
Il met en lumière le déséquilibre des pouvoirs, inexistant dans le pays, violant ainsi le principe fondamental de la séparation des pouvoirs. L’anarchie règne, et le désordre s’installe dans l’absence d’un équilibre entre les pouvoirs exécutif et législatif.
En parallèle à cette crise institutionnelle, le sociologue souligne la déshumanisation du pays. Les actes de violence, les meurtres, les viols perpétrés par des bandits désensibilisent la population, créant un climat de terreur généralisé. Les déplacements forcés de plus de 300 000 personnes, les massacres à répétition sans réponse des autorités, témoignent d’une situation d’urgence nécessitant une action immédiate.
Le professeur Augustin conclut en appelant à une prise de conscience collective. Il déplore le manque de conscience sociale chez certains et appelle à la formation d’un mouvement patriotique visant à sauver la nation haïtienne. Face à un système politique et économique en fin de parcours, la reconstruction sociale et institutionnelle apparaît comme la seule voie possible pour redonner espoir à la population haïtienne et rétablir l’ordre dans le pays.