PORT-AU-PRINCE, vendredi 20 décembre 2024– Selon un rapport publié cette semaine par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR), les Amériques comptaient à mi-2024 plus de 20,3 millions de personnes déplacées de force ou apatrides. Parmi elles, 8 135 302 étaient des déplacés internes répartis entre la Colombie, le Salvador, Haïti, le Honduras et le Mexique, soit une augmentation de 500 000 par rapport à 2023. Ces chiffres alarmants révèlent une escalade continue de déplacements forcés due à des causes profondes telles que l’insécurité, les conflits, la violence, les inégalités et les violations des droits humains, exacerbées par les effets néfastes des changements climatiques et des catastrophes naturelles.
Haïti, particulièrement touchée, comptait 578 074 déplacés internes à juin 2024, avec une augmentation de 200 000 personnes depuis cette date. Cette crise est marquée par une intensification des violences perpétrées par des gangs armés, entraînant des violations massives des droits humains. Près de la moitié des 11,9 millions d’habitants du pays sont désormais en situation d’insécurité alimentaire et dépendent de l’aide humanitaire. Les enfants, représentant une part disproportionnée des victimes, vivent dans des quartiers contrôlés par des groupes armés, où ils sont exposés à la violence et à un risque accru de recrutement forcé. On estime qu’entre un tiers et la moitié des membres des gangs sont des mineurs de moins de 18 ans. Par ailleurs, plus de 300 000 enfants ont été privés d’accès à l’éducation, les écoles servant souvent de refuges temporaires pour les milliers de personnes déplacées. Les femmes et les filles subissent également des impacts disproportionnés, avec une hausse alarmante des violences basées sur le genre. Entre janvier et mai 2024, 3 949 incidents de ce type ont été signalés, dont 72 % impliquaient des violences sexuelles.
Face à cette crise humanitaire, le HCR travaille en étroite collaboration avec les agences de l’ONU, le gouvernement haïtien et les partenaires locaux pour renforcer les capacités de protection, en mettant l’accent sur la durabilité et la responsabilisation. Une priorité est donnée à la délivrance et au remplacement des documents d’état civil pour les personnes déplacées, afin de réduire leur vulnérabilité. Cette initiative s’inscrit dans une stratégie globale visant à améliorer la résilience des communautés et à répondre aux besoins urgents des déplacés internes.
En Colombie, le HCR a enregistré 6 976 227 déplacés internes à mi-2024, ce qui fait du pays le quatrième au monde en termes de population déplacée interne. Depuis la signature de l’accord de paix de 2016, plus de 1,4 million de nouveaux déplacements ont été enregistrés, avec une moyenne annuelle de 180 000. En 2023, ce chiffre a dépassé les 200 800. Les six premiers mois de 2024 ont vu la situation se détériorer encore davantage, avec plus de 95 000 personnes nouvellement déplacées en raison des violences et des affrontements entre groupes armés non étatiques. Les populations indigènes et afro-colombiennes, ainsi que les femmes, les enfants et les personnes LGBTQI+, figurent parmi les plus touchées. Le HCR collabore avec les autorités locales pour améliorer les réponses humanitaires et favoriser des solutions durables, notamment par la légalisation des colonies urbaines informelles et la facilitation des retours volontaires.
Au Honduras, les déplacements internes concernent plus de 247 090 personnes, une crise alimentée par la faiblesse de l’État de droit, les violences des gangs, la pauvreté et les inégalités structurelles. Les catastrophes naturelles, comme les 21 tempêtes tropicales et glissements de terrain survenus en 2024, aggravent ces défis. Depuis l’adoption en 2022 de la loi sur la prévention et la protection des déplacés internes, le HCR soutient les autorités dans l’élaboration des réglementations nécessaires à sa mise en œuvre. Des campagnes d’information sur l’enregistrement des biens visent également à protéger les droits fonciers des personnes déplacées.
Au Salvador, environ 71 500 personnes étaient déplacées internes en 2018, principalement des jeunes familles vulnérables. Depuis l’adoption en 2020 de la loi spéciale sur la protection des victimes de violence, le HCR soutient les efforts du gouvernement pour inclure ces populations dans les programmes nationaux. L’amélioration de l’accès humanitaire dans les communautés autrefois sous contrôle de gangs ouvre des opportunités pour des solutions durables. Des initiatives de réaménagement urbain visent à promouvoir la cohésion sociale dans des zones comme La Campanera.
Au Mexique, les violences liées aux groupes criminels et les conflits fonciers ont entraîné le déplacement de 262 411 personnes, principalement dans les États de Chiapas, Michoacán et Oaxaca. Selon l’Institut national des statistiques et de géographie (INEGI), plus de 320 000 ménages ont changé de résidence en 2023 pour échapper à l’insécurité, une augmentation de 40 % par rapport aux années précédentes. Le HCR plaide pour une meilleure reconnaissance de l’ampleur réelle du problème et soutient les initiatives locales visant à protéger les populations affectées.
Face à cette crise régionale, le HCR a publié en septembre 2024 un plan stratégique pour la période 2024-2030, visant à apporter des réponses prévisibles et prioritaires aux déplacements internes. Ce plan s’inscrit dans les orientations stratégiques du HCR pour 2022-2026, qui identifient la situation des déplacés internes comme une priorité nécessitant des actions accélérées. Le HCR s’engage à renforcer les capacités des États pour collecter et analyser des données sur les déplacés internes, prévenir les déplacements futurs et offrir des solutions durables à ces populations vulnérables.