PORT-AU-PRINCE, jeudi 11 avril 2024– Au cours du premier trimestre de l’année 2024, la situation des droits humains en Haïti est demeurée très préoccupante, selon le dernier rapport du Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH).
Des actes attentatoires aux vies et aux biens, ainsi que des actes de violence, ont été perpétrés à l’encontre de la population civile, laissée à la merci des bandits armés malgré les efforts des autorités étatiques. Plus particulièrement, le département de l’Ouest a sombré dans le chaos à la fin du mois de février 2024 et continue de peiner à se relever, souligne le document mettant en évidence la nécessité de l’adoption de mesures immédiates et adéquates pour remédier à cette situation alarmante.
Se référant au contexte politique, le RNDDH rappelle que le 21 décembre 2022, le Premier ministre Ariel Henry, constatant l’échec de l’accord de septembre 2021, signe un nouvel accord lui procurant davantage de pouvoirs et créant un Haut Conseil de Transition (HCT) composé de trois membres.
Malgré les promesses de s’attaquer aux défis majeurs du pays, notamment l’insécurité et la détérioration des conditions sociales et économiques, aucune amélioration significative n’a été observée en 2023.
L’organisation note que la situation sécuritaire s’est considérablement détériorée dans le département de l’Ouest, ainsi que dans d’autres régions telles que l’Artibonite, le Centre et la Grand-Anse.
Le RNDDH rapporte l’assassinat d’au moins 1 047 personnes, dont 43 policiers, ainsi que la perpétration d’au moins 10 massacres et de 14 attaques armées sporadiques. De plus, au moins 13 postes de police ont été attaqués, et plus de 1 169 femmes et filles ont été victimes de violences sexuelles.
‘‘Malgré les pourparlers entre les partis politiques et la société civile pour trouver une solution à la crise, les élections promises en 2023 n’ont pas eu lieu, alimentant le mécontentement de la population’’, écrit le RNDDH.
Le rapport du RNDDH révèle une série d’actes violents ayant entraîné la mort de nombreuses personnes au cours du premier trimestre 2024. Parmi ces actes, on compte l’assassinat de passagers à bord d’un voilier près de Mariani, la découverte de cadavres calcinés à Delmas 19, ou encore la décapitation de commerçants à Bassin-Bleu.
L’escalade de la violence a conduit à des affrontements entre forces de l’ordre et groupes armés, causant la mort de plusieurs personnes, dont des agents de la Brigade de Sécurité des Aires Protégées (BSAP) et des civils innocents. Des incidents tragiques, tels que l’assassinat de journalistes et de membres de la société civile, ont également été signalés, témoignant de l’ampleur de la crise sécuritaire en Haïti.
Au cours du mois de janvier 2024, poursuit le RNDDH, a Beudet, dans la commune de Croix-des-Bouquets, a été le théâtre d’une violence inouïe alors que des bandits ont pénétré les foyers des citoyens, assassinant au moins dix (10) personnes et commettant des actes odieux de viol à l’encontre de femmes et de filles innocentes.
Les 16, 17 et 18 janvier 2024 resteront gravés dans les mémoires alors que plusieurs quartiers de la capitale, dont Corridor Bastia, Solino, et Ruelle Bergeau, ont été ensanglantés par des bandits armés. Au moins douze (12) personnes ont perdu la vie au cours de ces journées cauchemardesques, marquées par des incendies criminels et des actes de violence brutale.
Selon le RNDDH, la guerre des gangs a également fait des ravages, avec plus de trente (30) morts lors d’affrontements entre groupes rivaux à Jérémie et La Saline à la fin du mois de janvier.
Ces attaques n’ont épargné aucune région, touchant même des localités telles que Pernier, où quatre (4) personnes ont été tuées lors d’une nouvelle incursion de bandits armés le 30 janvier 2024.
Le 8 mars 2024, le gang des 400 Mawozo a ajouté une nouvelle tragédie à cette spirale de violence en attaquant la population de Ganthier, entraînant la mort d’au moins onze (11) personnes innocentes.
L’organisation précise que non seulement la population civile est victime de ces attaques, mais les forces de l’ordre payent également un lourd tribut. Entre janvier et mars 2024, au moins treize (13) agents de la Police Nationale d’Haïti (PNH) ont été tués dans des circonstances choquantes. Parmi eux, des membres du SWAT TEAM, de l’Unité Départementale de Maintien d’Ordre (UDMO), et du Corps d’Intervention et de Maintien de l’Ordre (CIMO), témoignant de la vulnérabilité des forces de sécurité face à cette vague de violence.
En outre, les violences sexuelles à l’encontre des femmes et des filles ont également connu une hausse alarmante, avec soixante-quatre (64) victimes de viols enregistrées pendant cette période, souvent perpétrés lors des attaques armées.
La population haïtienne est également confrontée à un nombre croissant de blessures par balles, avec au moins cent-cinquante-huit (158) personnes touchées, dont des journalistes et des civils innocents. Ces victimes sont prises en charge dans des centres médicaux débordés, illustrant l’ampleur du drame humanitaire en cours.
En parallèle, les enlèvements à des fins de rançon se multiplient, avec quarante-huit (48) cas recensés, notamment celui du maire de Bassin Bleu, de religieuses, de journalistes et de simples citoyens pris en otage par des bandits sans scrupules.
La répression brutale des manifestations antigouvernementales a également fait des victimes, avec au moins quatre (4) manifestants tués et quinze (15) blessés, dont des journalistes pris pour cible par les forces de sécurité.
Le rapport du RNDDH met également en évidence une série d’actes de vandalisme et d’incendie dans plusieurs régions d’Haïti. Au cours du mois de janviers à mars, au moins quatre-vingt-trois infrastructures, comprenant des institutions publiques et privées ainsi que des infrastructures médicales et judiciaires, ont été la cible de bandits armés.
Entre autres incidents notables, le rapport révèle que des bandits armés ont attaqué et pillé l’église épiscopale de la Sainte Trinité, emportant tout le matériel de l’école de musique. De plus, des manifestations à Petit-Goâve ont conduit à l’incendie des bureaux de la DINEPA et de véhicules appartenant à cet organisme.
Les actes de violence se sont également étendus aux institutions médicales et éducatives. À plusieurs reprises, des bandits armés ont vandalisé des écoles pour enfants spéciaux, des facultés d’agronomie et de médecine vétérinaire, ainsi que des hôpitaux, pillant et incendiant des établissements vitaux pour la communauté.
Parallèlement, les postes de police ont été visés à dix-neuf reprises, accentuant l’insécurité dans le pays. Le rapport met également en lumière des événements tragiques impliquant des journalistes, avec onze d’entre eux touchés par l’insécurité, certains étant blessés ou enlevés, et un décédé.
Le RNDDH signale également la mise en place de treize postes de péage par des bandits armés, accentuant les pressions économiques sur la population haïtienne déjà éprouvée. De plus, des évasions de prison et des tentatives d’évasion ont été enregistrées, aggravant la situation sécuritaire.
En ce qui concerne le fonctionnement des tribunaux, des grèves et des attaques ont entravé leur activité dans plusieurs juridictions, compliquant encore davantage la situation judiciaire déjà précaire.
Le rapport fait une série de recommandations au Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) : Il est recommandé de trouver rapidement une entente en vue de mettre fin à la grève illimitée des greffiers et des huissiers, pour une reprise immédiate des activités dans les Cours et Tribunaux du pays.
Au Conseil Présidentiel de Transition (CPT), le RNDDH recommande d’opérer des changements, dès son entrée en fonction, dans la chaine de sécurité en Haïti.
Il est suggéré de limoger le directeur général de la PNH, Frantz ELBE, pour incompétence caractérisée.
Il est également recommandé de rétablir les conditions adéquates de sécurité en vue de permettre aux déplacés de l’insécurité de retourner chez eux.
Le RNDDH préconise la mise en œuvre de programmes psycho-socio-économiques en faveur des victimes de l’insécurité.
Il est recommandé de gérer les ressources de l’Etat de manière à ce qu’elles ne continuent plus à alimenter les gangs armés, comme cela est remarqué depuis l’avènement du premier ministre de facto Ariel HENRY au pouvoir.
Le RNDDH recommande de s’engager à lutter contre la corruption et exiger des audits financiers pour la période allant de juillet 2021 à 2024, notamment du Palais national et de la Primature, du Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales, du Ministère de la Planification et de la Coopération Externe, du Ministère des Travaux Publics et de la Communication, ainsi que de l’Office National d’Assurance Vieillesse (ONA), de l’Autorité Aéroportuaire Nationale (AAN) et de l’Office National de l’Aviation Civile (OFNAC).
RapM- Situation DH – janv-mars 2024