Haïti en proie à la terreur des gangs : Le groupe d’experts de l’ONU préconise le rétablissement de l’autorité de l’Etat et le désarmement des gangs…

Vitelhomme Innocent, chef du gang Kraze Barye, Jimmy Barbecue Cherizier , chef de la federation des gangs G-an Fanmi e Alye, Izo du gang 5 seconde de Village de Dieu, Jeff, chef de gang de Canaan, Lanmo San Jou, chef du gang 400 Mawozo….

NEW-YORK, vendredi 25 octobre 2024– Le groupe d’experts des Nations-Unies qui a enquêtée sur la criminalité en Haïti souligne dans son récent rapport qu’entre novembre 2023 et août 2024, la situation sécuritaire et politique en Haïti a connu une détérioration sans précédent. Ce climat d’insécurité extrême, alimenté par les coalitions de gangs comme le G9 et le G-Pèp, a plongé le pays dans un chaos alarmant. Selon le dernier rapport du Groupe d’experts de l’ONU, en février 2024, ces deux groupes rivaux ont créé une alliance stratégique, Viv Ansanm, qui a entraîné une vague d’attaques coordonnées à travers la capitale, Port-au-Prince. Ce rapport met en lumière la gravité de la situation et dresse un tableau sombre d’une nation prise en otage par la violence et les troubles politiques.

Depuis la création de cette alliance, les gangs ont intensifié leurs opérations violentes. En mars, le rapport de l’ONU souligne que “plus de 4 600 détenus se sont échappés de deux grandes prisons du pays” lors d’attaques coordonnées, certains rejoignant les rangs des organisations criminelles. Cette violence a eu des conséquences désastreuses pour la population haïtienne, causant la mort de nombreux innocents, forçant des milliers de familles à fuir, et exacerbant la crise humanitaire. Selon le rapport, “les attaques répétées contre des infrastructures vitales, notamment les ports maritimes, les aéroports et les commissariats de police, ont paralysé le pays, aggravant une crise économique déjà fragile.”

Face à cette escalade de violence, le Premier ministre Ariel Henry a annoncé sa démission le 11 mars lors d’une réunion de la Communauté des Caraïbes (CARICOM). Cette décision a marqué le début d’un nouveau plan d’action pour la transition politique. Depuis lors, plusieurs mesures ont été prises pour tenter de restaurer une certaine stabilité. Parmi elles, la formation du Conseil présidentiel de transition et la nomination de Garry Conille, ancien Premier ministre et haut fonctionnaire des Nations Unies, comme Premier ministre intérimaire le 29 mai. Cependant, malgré ces efforts, la violence des gangs continue d’entraver toute tentative de retour à la normalité.

Le rapport de l’ONU précise que “près de 85 % de l’agglomération de Port-au-Prince est actuellement sous le contrôle des gangs.” Ces derniers, qui voient dans le processus de transition une menace à leur pouvoir, ne cessent de cibler les institutions de l’État, les forces de l’ordre, et les infrastructures essentielles. Les commissariats de police, les tribunaux et les centres administratifs sont pris pour cible afin de maintenir l’autorité des gangs et de dissuader toute tentative de rétablissement de l’ordre.

Face à cette situation, des groupes d’autodéfense ont vu le jour, entraînant une recrudescence des exécutions extrajudiciaires et des lynchages collectifs. Le rapport souligne que “la population, exaspérée par l’absence de protection de l’État, se tourne de plus en plus vers ces groupes pour défendre leur sécurité.” Cependant, cette réponse populaire à la violence des gangs a conduit à une escalade des affrontements, aggravant encore la situation sécuritaire dans le pays.

Malgré l’annonce d’une mission multinationale d’appui à la sécurité en juin, destinée à soutenir les forces haïtiennes pour reprendre le contrôle de la situation, les gangs n’ont pas relâché leur emprise. Le rapport indique que “l’alliance Viv Ansanm, malgré quelques tensions internes, reste unie et continue d’étendre son influence à de nouveaux territoires pour augmenter ses revenus issus de l’extorsion, des enlèvements, et du trafic de stupéfiants.” En réponse à cette menace, les groupes criminels ont intensifié leurs campagnes de recrutement, y compris auprès des enfants, et renforcent la sécurité de leurs bastions. Le rapport de l’ONU souligne que “les gangs accumulent des armes et des munitions, compliquant davantage la tâche des forces de l’ordre et de la mission internationale.”

Le trafic d’armes en Haïti demeure un problème crucial malgré les sanctions et l’embargo international. Les gangs, loin d’être affaiblis, se procurent désormais des armes de gros calibre, rendant la violence armée plus dévastatrice et la tâche des forces de sécurité encore plus difficile. Le rapport de l’ONU révèle également que “des entreprises privées et des unités spéciales continuent de se procurer illégalement des armes, alimentant ainsi un cycle de violence sans fin.”

Le rapport des Nations Unies met également en lumière la gravité de la crise humanitaire causée par cette violence incessante. Plus de 600 000 personnes sont déplacées à l’intérieur du pays, vivant dans des conditions précaires, tandis que des centaines de milliers ont fui à l’étranger, souvent à travers des réseaux de passeurs affiliés à des organisations criminelles régionales. “La situation est particulièrement préoccupante pour les enfants,” indique le rapport, “dont beaucoup sont forcés de rejoindre les rangs des gangs, victimes de violences sexuelles ou souffrant de malnutrition et privés d’accès à l’éducation et aux soins de santé.”

Les violations des droits humains continuent de se multiplier, avec des attaques systématiques contre la population civile, incluant des meurtres, des viols, des tortures et des enlèvements. Le rapport indique que “les femmes et les filles sont particulièrement vulnérables dans ce contexte, risquant de devenir victimes d’exploitation et de violence sexuelle, tandis que les jeunes générations haïtiennes sont privées de toute perspective d’avenir.”

Le rapport des experts de l’ONU pointe également les liens troubles entre les gangs, certaines figures politiques et économiques influentes, et des membres du secteur de la sécurité. Ces connexions permettent aux réseaux de trafic transfrontalier de prospérer, facilitant la contrebande de marchandises, d’armes, et de drogues. “L’État haïtien est ainsi privé de revenus cruciaux issus des taxes à l’importation,” soulignent les experts, “aggravant les difficultés économiques du pays.” Selon eux, “plusieurs personnalités économiques haïtiennes continuent de financer les gangs, renforçant leur pouvoir et leur capacité à défier l’autorité de l’État.”

Pour les acteurs haïtiens impliqués dans la transition politique, la mise en place de sanctions ciblées contre ceux qui soutiennent les gangs est une priorité absolue. Les interlocuteurs haïtiens considèrent que ces sanctions, associées à la mission de soutien international, constituent un outil indispensable pour stabiliser la situation. Cependant, ces efforts se heurtent à une résistance acharnée des gangs, qui continuent de défier ouvertement l’autorité étatique.

Alors que la mission multinationale commence à prendre forme, l’avenir d’Haïti reste incertain. Les groupes armés, malgré des appels au dialogue et des tentatives pour négocier des amnisties, montrent peu de signes de renoncement. “La violence endémique menace de faire dérailler la transition politique,” conclut le rapport, “tandis que la population haïtienne continue de souffrir des conséquences d’une crise qui semble sans fin.”

Pour le Groupe d’experts de l’ONU, la priorité est claire : rétablir l’autorité de l’État, désarmer les gangs, et mettre fin à l’impunité qui règne en Haïti depuis trop longtemps. Cela nécessite une collaboration étroite avec la communauté internationale, un soutien logistique et financier accru, ainsi qu’une volonté politique forte de la part des dirigeants haïtiens pour faire face à cette crise multidimensionnelle.