PORT-AU-PRINCE, vendredi 1er novembre 2024– La crise en Haïti est aujourd’hui à son comble. La violence des gangs armés étouffe la capitale, Port-au-Prince, et laisse des traces sur l’ensemble du pays. Avec environ 1,6 million de personnes souffrant d’insécurité alimentaire grave, des milliers de morts et plus de 700 000 déplacés internes depuis le début de l’année, les Haïtiens vivent dans une situation de survie quotidienne. Cette crise humanitaire et sécuritaire aiguë a conduit le Conseil de sécurité des Nations Unies à approuver l’envoi d’une mission multinationale, dirigée par le Kenya, pour soutenir la Police nationale haïtienne. Cependant, malgré ce soutien international, l’impact sur le terrain reste limité.
Dans une interview donnée à ONU Info, Ulrika Richardson, Coordinatrice résidente et humanitaire de l’ONU en Haïti, a décrit la situation actuelle en termes clairs et poignants. Selon elle, la capitale vit dans une terreur quotidienne sous l’emprise des gangs qui occupent et contrôlent des quartiers entiers, y imposant une violence extrême. Des balles perdues tuent, des attaques et viols collectifs ciblent femmes et enfants, et les groupes armés n’hésitent pas à recruter de force les plus jeunes pour renforcer leurs rangs. « Beaucoup de quartiers sont complètement sous le contrôle des gangs qui imposent une violence très brutale », souligne Mme Richardson, estimant que la situation est « extrêmement critique ».
Au-delà de Port-au-Prince, le reste du pays reste relativement épargné par l’omniprésence des gangs, mais il accueille un nombre croissant de déplacés qui fuient la violence de la capitale. Dans ce contexte désespéré, les attentes des Haïtiens sont simples et universelles. « Les Haïtiens réclament ce que vous et moi voulons : ils veulent pouvoir vivre, pas seulement survivre », rappelle Mme Richardson. Les jeunes rêvent d’avenir et d’opportunités, tandis que les parents espèrent un quotidien où leurs enfants peuvent aller à l’école en sécurité. Malheureusement, la rentrée des classes, en octobre dernier, s’est déroulée dans des conditions extrêmement précaires, avec de nombreux enfants incapables de retourner sur les bancs de l’école.
Pour répondre à cette situation de détresse, la mission multinationale appuyée par le Kenya tente de renforcer la sécurité dans le pays. Mais comme l’indique Mme Richardson, cette intervention, bien que nécessaire, demeure insuffisante face à la violence endémique. « Il faut beaucoup plus d’investissements dans cette mission multinationale », affirme-t-elle, invitant les États membres de l’ONU à apporter des moyens supplémentaires pour que la mission puisse vraiment soutenir les efforts de la police nationale haïtienne, qui fait face à des défis immenses sur le terrain.
Un autre enjeu majeur réside dans le contrôle des armes. Les appels se multiplient pour stopper l’approvisionnement des gangs en armes de guerre. Les mesures de sanctions sont en place, mais, comme le rappelle Mme Richardson, la criminalité organisée trouve encore des voies pour soutenir les groupes armés, alimentées par la corruption et un système d’impunité enraciné. Couper cette chaîne d’approvisionnement est impératif pour désamorcer la violence.
Les jeunes Haïtiens, pris au piège de cette spirale de violence, sont souvent enrôlés de force par les gangs. Pour répondre à cette problématique, une action coordonnée entre différentes agences onusiennes est en cours, incluant notamment l’UNICEF et le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH). L’objectif est de mettre en place des programmes adaptés aux enfants et aux jeunes touchés par la violence des gangs, offrant une scolarisation et des activités de réinsertion pour leur permettre de construire un avenir loin de l’influence des groupes armés. « Nous voulons leur donner cette chance de pouvoir rêver d’un demain meilleur, en menant des activités nobles et dans la dignité », conclut Mme Richardson.
Les Haïtiens aspirent à vivre dans un pays en paix, où ils pourraient enfin mener une vie normale, loin de la peur quotidienne et des horreurs qui marquent leur quotidien.