Haïti – Diplomatie : Un inculpé dans le scandale de corruption à la BNC nommé ministre conseiller a l’ambassade d’Haïti aux Bahamas…

Lornick Léandre...

PORT-AU-PRINCE, mercredi 12 mars 2025 (RHINEWS)– Lornick Léandre, inculpé dans le scandale de corruption impliquant la Banque Nationale de Crédit (BNC), a été nommé Ministre Conseiller à l’Ambassade d’Haïti aux Bahamas.

L’annonce officielle est signée par le ministre des Affaires étrangères, Victor Harvel Jean-Baptiste, et approuvée par le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé, et souligne que cette décision est « effective à partir de la date de la présente » et encourage M. Léandre à faire preuve de « discipline, dévouement et application au travail » pour justifier la confiance placée en lui.

Cette nomination intervient alors que M. Léandre est toujours sous le coup d’une inculpation pour corruption présumée dans l’affaire qui avait éclaboussé la Banque Nationale de Crédit (BNC), une institution financière publique. Ce scandale a révélé un vaste réseau de détournements de fonds et de malversations financières impliquant plusieurs personnalités influentes dont trois conseillers-présidents: Louis Gérald Gilles, Emmanuel Vertilaire et Smith Augustin.

Lornick Léandre est impliqué dans une affaire de corruption liée à la BNC. Selon un rapport publié le 2 octobre 2024 par l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC), il est accusé d’avoir joué un rôle central dans une tentative de versement de pots-de-vin visant à maintenir Pascal Raoul Pierre-Louis à la tête de la banque.

Le rapport révèle que trois conseillers présidentiels, Smith Augustin, Emmanuel Vertilaire et Louis Gérald Gilles, auraient exigé 100 millions de gourdes de Pascal Pierre-Louis en échange de son maintien à la présidence de la BNC. Lornick Léandre, alors consul d’Haïti à Santiago de Los Caballeros en République Dominicaine, est accusé d’avoir orchestré cette tentative de corruption, une infraction réprimée par l’article 5.6 de la loi du 12 mars 2014 sur la prévention et la répression de la corruption.

Face à ces accusations, le juge d’instruction Félismé Benjamin a émis, le 24 décembre 2024, des mandats d’amener contre Pascal Raoul Pierre-Louis et Lornick Léandre, les sommant de comparaître pour répondre aux charges de détournement de fonds et d’abus de confiance. Leur refus de se présenter devant la justice a conduit les autorités à ordonner leur interpellation, qui n’a jamais eu lieu.

Dans le cadre de cette affaire, Jonas Coffy, ancien ministre du Commerce et de l’Industrie, a été convoqué comme témoin. Il a affirmé que Smith Augustin aurait confié l’existence de négociations financières entre Pascal Pierre-Louis et des conseillers-présidents pour assurer le maintien de ce dernier à son poste.

L’enquête de l’ULCC a également révélé des échanges WhatsApp entre Pascal Pierre-Louis et Louis Gérald Gilles, confirmant les tractations financières autour de cette affaire. Un événement clé de ce scandale est une réunion tenue dans la chambre 408 de l’hôtel Royal Oasis, où les conseillers-présidents auraient officialisé leur demande de 100 millions de gourdes à Pascal Pierre-Louis en échange de son maintien à la tête de la BNC.

Après la publication du rapport de l’ULCC, Pascal Pierre-Louis a été démis de ses fonctions et s’est réfugié à l’étranger, refusant de répondre aux convocations du juge d’instruction. Il a sollicité une audition par visioconférence, invoquant des raisons de sécurité, mais son absence répétée a conduit à l’émission d’un mandat internationalcontre lui.

Le rapport révèle également l’émission de cartes de crédit préapprouvées par la BNC, attribuées aux trois conseillers présidentiels ainsi qu’à Lornick Léandre. Ces cartes, d’une valeur totale de 20 000 USD pour le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) et de 13 500 USD pour Léandre, ont été utilisées jusqu’à l’ouverture de l’enquête.

Les personnes impliquées dans cette affaire rejettent en bloc ces accusations. Louis Gérald Gilles a déclaré à RHINEWS:« Ces accusations ne sont qu’une machination politique. Nous sommes innocents. »

En parallèle, Gilles a récusé les magistrats du Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince, tandis que Emmanuel Vertilaire a interjeté appel, arguant d’une juridiction spéciale en raison de son statut de conseiller-présidentiel. Cette démarche a été vivement critiquée par la société civile, qui y voit une tentative de blocage de l’instruction.

L’organisation Ensemble Contre la Corruption (ECC) a salué le rapport de l’ULCC, soulignant la nécessité d’une justice indépendante et transparente. Plusieurs organisations de la société civile demandent la suspension des conseillers mis en causepour garantir un procès équitable.

Le magistrat instructeur Benjamin Félismé a déjà auditionné Fritz William Michel, ancien Premier ministre désigné, et Éric Smarki Charles, en tant que témoins, afin d’établir les responsabilités dans ce scandale.

De son côté, Marie Myrtho Midy Louis, directrice des opérations de cartes de crédit à la BNC, convoquée à témoigner, ne s’est pas présentée. Selon une source judiciaire, l’huissier chargé de sa convocation n’a pas pu localiser son adresse, ce qui devrait entraîner l’émission imminente d’une nouvelle convocation.

La nomination de Lornick Léandre à un poste diplomatique en dépit des graves accusations pesant contre lui soulève de nombreuses interrogations sur l’indépendance de la justice en Haïti et l’implication du pouvoir en place dans des affaires de corruption.

Alors que le pays traverse une crise politique et économique majeure, cette affaire risque  d’éroder davantage la méfiance de la population envers ses institutions.