OUANAMINTHE, (Haïti), samedi 9 mars 2024– Analysant quelques propositions de sortie de crise formulées par différents acteurs, le Bâtonnier des avocats de Fort-Liberté, Me Evens Fils relève certaines failles juridiques qui risquent de rendre ces initiatives inopérantes.
Me Fils fait un constat accablant de la situation qui prévaut dans le pays. « L’état de désolation qui règne aujourd’hui en Haïti a atteint son apogée. La vie semble s’être figée, la politique s’est tue et l’économie agonise. Notre pays est plongé dans le chaos, déchiré par des bandes armées qui font la loi et sapent les fondements de l’État. La terreur règne à Port-au-Prince, et l’insécurité est devenue un pain quotidien que nous avalons avec le thé amer du désespoir. Cette situation chaotique affecte l’ensemble de notre société, et nos dirigeants actuels semblent incapables de trouver une issue à cette crise dévastatrice. »
Me Evens Fils souligne l’urgence de la situation et l’importance cruciale de trouver une solution viable pour restaurer l’ordre et la stabilité dans le pays.
La première proposition examinée par le Bâtonnier est celle du leader Jean-Charles Moïse, qui préconise la formation d’un conseil présidentiel pour assurer la transition. Cependant, Me Evens Fils souligne les problèmes juridiques entourant la composition de ce conseil, notamment en ce qui concerne la présence de certains membres tels que Guy Philippe, condamné à une peine infamante.
« Quant au juge Durin Duret Junior, sa réputation de magistrat irréprochable est indéniable. En effet, il représente une valeur sur laquelle la nation haïtienne peut compter dans ces temps troublés. Cependant, il est impératif qu’il garde une distance prudente vis-à-vis de toute alliance politique susceptible de compromettre l’intégrité de la justice institutionnelle », avise Evens Fils.
Selon l’expert en droit, il est crucial que le juge Durin Duret Junior reste fidèle à la noblesse de sa profession, en se tenant au-dessus de tout soupçon, tant dans sa vie professionnelle que privée. Ainsi, il doit faire preuve de courage en se retirant de tout projet politique qui pourrait entacher sa carrière exemplaire, notamment dans le contexte des récentes turbulences qui ont secoué la communauté judiciaire haïtienne.
‘‘S’il décide exceptionnellement de servir son pays dans un intérêt général, il est impératif que les conditions de son engagement soient minutieusement discutées et conformes à la dimension de sa fonction de magistrat. De plus, toute action politique devrait être précédée de sa démission irrévocable, comme le stipule l’article 5 de la loi de 2007 portant statut de la magistrature’’, soutient-il.
Par ailleurs, poursuit Me Fils, il est essentiel de souligner que la construction d’une société ne peut reposer sur la violence et l’impunité. Le chaos ne peut être une alternative viable, car il finit par engloutir même ses propres partisans. Dans cette perspective, toute considération socio-juridique doit être alignée sur le principe fondamental de reddition de comptes.
Les droits des victimes doivent être protégés par la recherche de la vérité, la réparation des préjudices subis et l’imputation des responsabilités. Chaque individu, quel que soit son statut, doit rendre compte de ses actions devant la justice, y compris le juge Durin Duret Junior lui-même, s’il venait à s’engager dans des voies politiques.
En définitive, la préservation de l’intégrité de la magistrature et le respect des principes de justice sont des éléments cruciaux pour la reconstruction d’une société haïtienne juste et équitable.
Ensuite, le Bâtonnier examine la proposition de recourir à la Cour de Cassation comme alternative politique. Bien que cette démarche ne soit pas constitutionnelle, Me Evens Fils souligne son importance historique et son potentiel pour restaurer l’ordre constitutionnel dans le pays.
Enfin, le Bâtonnier aborde les différents accords, en particulier l’accord de Montana, et souligne la nécessité de combiner les diverses propositions pour parvenir à une solution viable. Il formule également sept conditions essentielles pour la conclusion d’un accord de transition politique efficace, mettant l’accent sur la reddition de comptes, la représentativité, et le contrôle des résultats.
Me Evens Fils appelle à l’unité et à la responsabilité collective pour surmonter la crise, mettant en garde contre les répercussions catastrophiques de l’inaction. Il plaide en faveur d’une approche fondée sur les institutions plutôt que sur les individus, soulignant l’importance de préserver les valeurs constitutionnelles du pays.
Le Bâtonnier a insisté sur l’urgence d’agir et sur la nécessité de conjuguer les efforts de tous les acteurs concernés pour trouver une solution à la crise qui secoue le pays. Son analyse met en évidence les défis juridiques et politiques auxquels est confrontée Haïti, tout en offrant des pistes de réflexion et des recommandations pour avancer vers une résolution durable de la crise.