Haïti/Criminalité : Des enfants de 10 ans recrutés dans des gangs armés, selon l’ONU…

photo: Odelyn Joseph/AP/ Jimmy ''Barbecue'' Cherisier entoure d'enfants portant la cagoule....

 PORT-AU-PRINCE, lundi 30 octobre 2023– Le Groupe d’experts des Nations-Unies qui a enquêté sur la criminalité en Haïti, exprime, dans un rapport transmis au conseil de sécurité, ‘‘sa profonde inquiétude face au recrutement généralisé d’enfants par des gangs armés en Haïti.’’

« Nombre de ces enfants et de ces jeunes sont en situation de vulnérabilité, ce qui en fait des cibles faciles pour les gangs. Actuellement, de nombreux gangs comptent des mineurs dans leurs rangs, certains âgés d’à peine 10 ans », déclarent les experts.

Les experts onusiens soulignent que « tous les gangs comptent des mineurs dans leurs rangs, qu’ils exploitent à des fins diverses : travail, espionnage, prise d’otages, surveillance, surveillance aux postes de contrôle, participation à des attaques, etc. Au fur et à mesure que les mineurs prouvent leur loyauté et leurs capacités, ils montent dans l’organisation criminelle. Les filles sont généralement affectées aux tâches ménagères et à l’espionnage », soutiennent-ils.

Cependant, le groupe d’experts souligne que compte tenu des preuves recueillies, ‘‘il est possible de conclure que les six violations graves des droits de l’enfant  sont commises en Haïti : le meurtre ou la mutilation d’enfants ; l’enrôlement ou l’utilisation d’enfants comme membres de gangs ; les violences sexuelles faites aux enfants ; l’enlèvement d’enfants ; les attaques contre des écoles et des hôpitaux ; le refus de l’accès humanitaire à des enfants.’’

Selon les experts qui continuent d’enquêter sur la question, ‘‘ces violations graves compromettent sérieusement l’avenir d’Haïti, ajoutant que les gangs qui recrutent le plus d’enfants sont 5 Segond, Brooklyn, Kraze Barye, Grand Ravine et Terre Noire.’’

En plus du recrutement d’enfants, les gangs compromettent directement et indirectement la sécurité alimentaire du pays, selon les experts.

Ils soulignent qu’indirectement, déclarent-ils, l’escalade de la violence entraîne des crises économiques, fait grimper les prix et exacerbe la pauvreté. Directement, des activités comme le racket étranglent l’économie (peyi lok), qui est également fortement perturbée par l’imposition de taxes non officielles.

Ils affirment que les agriculteurs ont du mal à cultiver et à commercialiser leurs récoltes en raison de la violence des gangs et du contrôle que ceux-ci exercent sur des voies de communication vitales, en particulier vers Port-au-Prince.

Ils indiquent que le 6 juillet 2023, Luckson Elan, le chef du gang Gran Grif situé dans l’Artibonite, a proféré de multiples menaces sur les médias sociaux, avertissant que toute personne retournant dans les champs agricoles serait tuée.

Le groupe d’experts précise que gangs ont également utilisé la faim comme arme pour affaiblir leurs rivaux sur leur territoire. Dans certaines régions d’Haïti, la faim a atteint des niveaux sans précédent entre septembre 2022 et février 2023, avec environ 19 000 personnes en situation de famine.

« En juillet 2022, des conflits entre le G-Pèp et le G9 dans le quartier de Brooklyn, à Cité Soleil, ont provoqué de nombreux morts et déplacements. Le G9 a délibérément bloqué l’accès à la zone de Brooklyn, empêchant les habitants de se déplacer et coupant les chaînes d’approvisionnement en produits de base, notamment la nourriture et l’eau. L’utilisation de tireurs embusqués a encore aggravé la situation, entraînant malnutrition, épidémies et perturbations des services de base. Bien que le bouclage complet ait été levé, la liberté de circulation de la population et des organisations humanitaires présentes dans la région est toujours sévèrement restreinte », lit-on dans le rapport.

Cependant, soutient-il, bien que la situation se soit améliorée, elle restait critique en juin 2023, 30 % de la population souffrant d’une faim aiguë. Près de 2 millions de personnes sont en phase d’urgence, ce qui indique que près de la moitié d’Haïti est confrontée à une grave insécurité alimentaire (voir annexe 37).

Les experts onusiens font remarquer que le département de l’Artibonite, principal centre agricole du pays, subit l’escalade de la violence. Une analyse récente du Programme alimentaire mondial (PAM) montre une diminution notable des terres cultivées en 2022. ‘‘Du fait de l’activité des gangs, les champs sont abandonnés dans des régions comme Marchand Dessalines et Petite Rivière-de-l ’Artibonite, poussant la communauté agricole vers des régions moins productives.’’

« La tactique des gangs consistant à priver la population de nourriture, d’eau et d’autres services essentiels constitue une violation flagrante des droits humains », ajoutent les experts onusiens.