PORT-AU-PRINCE, vendredi 29 septembre 2023– Saisi par le parquet de Port-au-Prince sur plainte de l’Unité de Lutte Contre la Corruption, le magistrat instructeur, Jean Wilner Morin rend son ordonnance dans le cadre du scandale de corruption qui a éclaboussé plusieurs responsables de la caisse d’assistance sociale (CAS), dont Pierre Richard Valès, Edwine Tonton, Yvrose Alcide et Hector Dominique Bernardin.
Ils sont accusés de ‘‘détournement de biens publics, prise illégale d’intérêts, complicité de faux et usage de faux, complicité de détournement de biens publics, trafic d’influence et association de malfaiteurs au préjudice de l’État.’’
Au terme de cette instruction qui a duré environ cinq mois, le magistrat estime qu’il y a charges et indices suffisants et concordants pour renvoyer le nommé Pierre Richard Valès, comptable en chef de la CAS, par devant le tribunal criminel sans assistance de jury pour détournement de biens publics, prise illégale d’intérêt, et complicité de faux et usage de faux, enrichissement illicite conformément aux dispositions des articles 5.2, 5.4, 5.13 de la loi du 12 mars 2014 portant sur la prévention et la répression de la corruption, l’article 44, 224, 225 et suivants du code Pénal Haïtien.
Renvoyons également le nommé Hector Bernardin Dominique pour complicité de détournement de biens publics, faux et usage de faux conformément aux articles 5.4 de la loi du 12 mars 2014.
Selon le dossier, Valès chef comptable de la CAS, identifié Valès-projet ont reçu au total pour l’exercice fiscal 2021-2022 un montant de deux millions de gourdes (2, 000 000. 00 gourdes) comme subvention.
L’enquête de L’ULCC a révélé que ‘‘l’inculpé Pierre Richard Valès chef comptable de la CAS a ajouté dans les différentes listes des bénéficiaires de la CAS les noms de ses proches, dont ceux de sa femme, Manouche Aurélus Valès, de sa belle-sœur, Raymonde Aurélus et de Roody Aurélus un autre membre de la famille.’’
Selon le dossier, pour l’exercice fiscal 2021-2022 les proches de l’inculpé Pierre Richard Valès, chef comptable de la CAS ont bénéficié au total d’un million sept cent soixante-cinq mille (176,5000.00) gourdes).
La nommée Yvrose Alcide, a été envoyée, quant a elle, par devant le tribunal siégeant sans assistance de jury afin d’être jugée, pour trafic d’influence conformément à l’article 5.9 de la loi du 12 Mars 2014 portant prévention et répression de la corruption.
Mme, Alcide n’occupait aucun poste spécial à la CAS mais travaillait au niveau de la direction aux côtés de madame Edwine Tonton, c’est ce que madame Edwine Tonton a précisé au moment de son audition.
Dans le rapport de l’ULCC il est précisé que selon les informations obtenues de la direction générale des impôts l’organisation AFRD/PV bénéficiaire d’une subvention de cinq cent mille gourdes dans la caisse d’assistance sociale est enregistré au nom de la dame Yvrose Alcide qui travaille à la direction de la CAS aux côtés de madame Edwine Tonton directrice de l’institution.
Selon le dossier, Edwine Tonton a déclaré au cabinet d’instruction avoir été approchée par madame Yvrose dans le but d’obtenir rapidement la subvention.
Dans le cadre de cette même affaire, la nommée Johanne Phanord est renvoyée par devant le tribunal criminel siégeant sans assistance de jury pour abus de fonction et association de malfaiteurs conformément à la loi du 12 mars 2014 et les articles 224, 225 et suivants du code Pénal.
Dans l’enquête, il est dit que ‘‘madame Johanne Phanord, Edwine Tonton et Pierre Richard Valès ont pris sur eux le droit d’augmenter le montant sur leurs cartes de débit en dehors d’un budget sous le fallacieux prétexte d’avoir à la portée de l’argent liquide pour aider des gens de la rue est un acte de corruption.
L’ordonnance souligne que ‘‘les indices démontrent que Johanne Phanord est en violation de la loi sur la fonction publique et qu’elle a posé un acte pour obtenir un avantage indu pour elle-même, donc abus de fonction.’’
Frantz Iderice est renvoyé également par devant le tribunal criminel siégeant sans assistance de jury pour y être jugé pour abus de fonction et association de malfaiteurs conformément à l’article 5.5 de la loi du 12 mars 2014 et les articles 224,225 du code Pénal.
A son arrivée à la direction de la CAS, souligne le document, Edwine Tonton a présenté à la presse deux boites contenant plus de sept mille chèques non-réclamés à la caisse d’assistance sociale parce qu’elle exige que les chèques soient retirés de la comptabilité par les bénéficiaires eux-mêmes.
Selon l’enquête, ‘‘Frantz Iderice avait lui-même autorisé l’émission de ces chèques et que la conférence de presse de Madame Edwine était pour dénoncer la corruption qui régnait à la caisse sociale avant son arrivée donc sous le règne de l’ancien directeur.’’
L’ULCC, dans son rapport relatif à la caisse d’assistance sociale a découvert l’existence ‘‘d’un laboratoire de production de faux documents officiels au niveau du service informatique de la CAS.’’
Lors de la perquisition du 11 juillet 2022 à la CAS, les agents de l’Unité de lutte contre la Corruption ont retrouvé sur les ordinateurs un ensemble de fausses pièces datant de l’administration de Frantz Iderice, ces fausses pièces ont été produites dit le rapport par des employés du service informatique utilisant des photos, des lieux de naissance, des noms et prénoms différents selon leurs besoins, rappelle le document du cabinet d’instruction.
‘‘Les fausses identités, selon le rapport de l’ULCC, figurent sur la liste des bénéficiaires de la CAS d’où les noms de sept mille chèques non récupérés par leur soi-disant bénéficiaire depuis le départ de Frantz Iderice de la direction de la caisse d’assistance sociale.’’
Le document précise que ‘‘lors des précédents payrolls les quatorze mille chèques (14 000) avaient été récupérés et négociés tandis qu’une seule décision prise par la direction de Madame Tonton la moitié des chèques ne sont pas réclamés par leurs bénéficiaires ce qui confirme que Frantz IDerice avait été à la tête d’un réseau pour ordonner l’émission des chèques pour au nom des bénéficiaires fictifs et ce réseau a surement un moyen pour négocier les chèques et encaisser malhonnêtement l’argent des contribuables destine aux personnes vulnérables’’.
Selon l’enquête judiciaire, « les indices qui militent contre Frantz Iderice sont liés aux infractions d’abus de fonction et associations de malfaiteurs prévus et puni par les articles 224, 225 et suivants du code pénal et 5.5 de la loi du 12 mars 2014 portant prévention et répression de la corruption. »
Edwine Tonton, directrice de la CAS, écrouée depuis le 25 avril 2023, est renvoyée par devant le tribunal criminel siégeant sans assistance de jury pour y être jugée pour Trafic d’influence, délit d’initié, enrichissement illicite, abus de fonction et association de malfaiteurs conformément a la loi du 12 mars 2014 et les articles 224, 225 et suivants du code Pénal Haïtien, selon l’ordonnance du magistrat instructeur.
Selon le document, ‘‘Mme Tonton reconnait avoir donné suite aux demandes faites auprès d’elle par son comptable en chef Pierre Richard Valès pour obtenir frauduleusement des subventions à partir de deux organisations fictives.’’
Edwine Tonton est accusé d’avoir usé de son autorité comme directrice de la caisse d’assistance sociale pour faciliter ses collaborateurs immédiats dont Pierre Richard Valès, comptable en chef et Yvrose Alcide membre de sa direction d’obtenir indûment des chèques de subvention au préjudice de l’Etat Haïtien
Madame Yvrose Alcide collaboratrice proche de la directrice et dirigeante de l’organisation AFPDR laquelle a bénéficié d’une subvention de cinq cent mille gourdes (500 000.00) pour un projet qui n’a jamais été réalisé, souligne le document.
Selon l’enquête, « Edwine Tonton s’est arrangée avec Pierre Richard Valès et Johanne Phanord pour s’octroyer 600.000 gourdes mensuellement de frais sur sa carte de débit, 225,000 gourdes de frais de carburant et d’autres frais de 250.000 tandis que son salaire est de 81.000 gourdes. Que le montant de ses frais mensuels s’élève donc à un million cent-cinq mille (1,105,000.00 GDES), près de quatorze fois le montant de son salaire sans tenir compte du bas niveau de salaire du petit personnel de la boite et des conditions de vie des personnes qu’elle est appelée a servir. »
L’ordonnance renvoie également Pierre Ricot Odney, ministre de tutelle de la CAS, par devant le tribunal criminel siégeant sans assistance de jury pour abus de fonction conformément à l’article 5.5 de la loi du 12 mars 2014 portant prévention et répression de la corruption et pour complicité des infractions reprochées à Edwine Tonton.
Cependant, l’ordonnance fait une exception dans le cas du ministre des affaires sociales. Elle demande que tous les inculpés à l’exception de Pierre Ricot Odney soient pris de corps et enfermés.
Le document fait état d’un réseau de faussaires au niveau de l’institution spécialisé dans la fabrication de faux documents pour faire émettre plus de sept mille chèques en plus du nombre qui aurait dû être émis tandis que le ministre n’a jamais reçu aucun rapport et n’en a pas aussi exigé que la direction de la caisse d’assistance sociale lui en dresse un concernant les chèques non réclamés et qui sont encore à la CAS.
Edwine Tonton a déclaré au cabinet d’instruction que ‘‘toutes les décisions prises à la CAS sont approuvées par son ministre de tutelle à qui, elle ne fait pas de rapport écrit mais qui l’autorise à agir à partir des appels téléphoniques.’’
« Pierre Ricot Odney se devait, de par sa fonction, de veiller au respect des principes de la bonne gouvernance au niveau de la CAS, selon l’enquête, ajoutant qu’en autorisant la directrice de la CAS par téléphone à multiplier des actes de corruption au sein de la boite, le ministre s’est abstenu d’accomplir un acte de sa fonction en violation du décret portant Organisation de l’Administration Centrale de l’Etat et de la loi organique du ministère des affaires sociales; Qu’il se rend aussi complice des faits reprochés à Edwine Tonton. »
Le fait de s’abstenir d’accomplir, dans l’exercice de ses fonctions, un acte en violation des lois afin d’obtenir un avantage pour soi-même ou pour une autre personne ou entité est qualifié par la loi d’abus de fonction.
‘‘Odney a été cité comme témoin pour répondre aux questions du juge d’instruction et clarifier les faits mis à sa charge par l’inculpée Edwine Tonton, mais il choisit délibérément de ne pas se présenter au cabinet du juge’’, apprend-t-on.
Quant à Rosemila Petit-Frère Sainvil, Rosemila Petit-Frère, une amie très proche de l’inculpée Edwine Tonton, elle a été citée, plusieurs fois, à titre de témoin par le commissaire du gouvernement à comparaitre au cabinet d’instruction pour être entendu et ne s’est pas présentée pour cause de santé précaire, selon les différentes requêtes adressées au cabinet d’instruction par le cabinet Delcy et associés.
Selon le document, dans sa dernière requête Rosemilla Petit Frère a informé le cabinet d’instruction qu’elle a dû voyager pour avoir accès à de meilleurs soins de santé vu l’aggravation de son cas.
Une ordonnance a été signifiée au directeur du service de l’immigration et de l’émigration aux fins d’acheminer au cabinet d’instruction la liste des voyages contenant les entrées et sorties de Rosemilla Petit Frère Sainvil et aucune suite n’est donnée à l’ordonnance, souligne le document.
Selon l’enquête, le commissaire du gouvernement est informé du refus du service de l’immigration et de l’émigration de collaborer avec le cabinet d’instruction.
De même, le juge d’instruction a dans une ordonnance adressée à l’Unité Centrale de Renseignements Financiers (UCREF), exigé une enquête sur les avoirs de madame Rosemilla Petit-Frère Sainvil, la reponse se fait toujours attendre.