PARIS, jeudi 14 décembre 2023 – Selon le classement mondial 2023 de la liberté de la presse établi par Reporters Sans Frontières (RSF), Haïti occupe la 99e position sur 180 pays.
Cette édition, la 21e de son genre, met en lumière des évolutions significatives et parfois radicales, attribuées à une instabilité politique, sociale et technologique, souligne RSF.
RSF souligne que les journalistes haïtiens se retrouvent confrontés à un cruel manque de ressources financières, à l’absence de soutien institutionnel et à des obstacles d’accès à l’information, dénonce RSF. Au cours des deux dernières années, ils ont également été pris pour cible par des gangs, subissant des enlèvements et des assassinats en toute impunité.
Selon RSF, en Haïti, la radio demeure le média le plus suivi, avec plus de 700 stations de radio et de télévision diffusées sur le territoire. ‘‘Cependant, seule la moitié opère légalement, détenant une licence du Conatel, l’agence de régulation des communications. Les médias privés, souvent liés aux intérêts de leurs actionnaires, peinent à exprimer des opinions sans autocensure. Le principal groupe de médias publics est la radio-télévision nationale d’Haïti (RTNH)’’, indique RSF.
L’organisation souligne également que le pays est plongé depuis des décennies dans une crise politique et sociale profonde, accentuée tragiquement par l’assassinat du président Jovenel Moïse en juillet 2021. Cette situation a engendré une ère d’incertitude, exacerbant un climat général d’insécurité et de violence, ajoute-t-elle.
Selon RSF, bien que la Constitution haïtienne garantisse la liberté de la presse, les journalistes font face à de nombreux obstacles pratiques. Les menaces de mort rapportées aux autorités compétentes aboutissent rarement à des mesures de protection, laissant les professionnels des médias exposés.
« Haïti, l’un des pays les plus pauvres du continent américain depuis près d’un siècle, repose essentiellement sur l’agriculture et demeure vulnérable aux aléas climatiques. La profession journalistique est l’une des plus mal rémunérées, les reporters luttant pour satisfaire leurs besoins de base, exception faite des employés des médias publics et de quelques médias privé », déclare RSF.
L’organisation indique que, ‘‘malgré sa richesse culturelle, avec des atouts tels que l’art, la musique, la danse et le théâtre, Haïti peine à projeter une image positive en raison des catastrophes naturelles récurrentes qui endommagent les infrastructures.’’
D’après RSF, depuis 2018, les manifestations violentes se multiplient en Haïti, avec des intimidations et des attaques fréquentes contre les journalistes, perpétrées tant par les forces de l’ordre que par les manifestants.
« La profession, déjà stigmatisée, est devenue plus vulnérable, devenant également une cible pour les gangs. En 2022, au moins six journalistes ont perdu la vie dans des circonstances liées à leur profession, positionnant Haïti parmi les pays les plus dangereux pour les journalistes dans la région », déclare RSF.
Au fil des ans, la liberté de la presse en Haïti a fait face à plusieurs défis et menaces.
Même après la chute de la dictature des Duvalier, les journalistes en Haïti ont souvent été confrontés à des actes de violence, d’intimidation et de harcèlement, surtout lorsqu’ils couvrent des sujets sensibles tels que la corruption, la criminalité organisée ou les abus de pouvoir.
Ces actes proviennent parfois de groupes criminels, de forces de sécurité ou même de politiciens. Depuis ces six dernières années, les journalistes-reporters ne peuvent plus réaliser des reportages dans certaines zones dites de non-droit ou considérés comme des territoires perdus par la ministre intérimaire de la justice, Mme Emmelie Prophète Milcé.
L’impunité demeure un problème majeur en Haïti, ce qui signifie que les auteurs d’attaques contre des journalistes ne sont souvent pas traduits en justice. L’impunité encourage davantage de violence et d’agressions, créant ainsi un climat hostile pour les journalistes et limitant leur capacité à effectuer leur travail de manière indépendante.
A tous ces problèmes, s’ajoutent ls faiblesses de la justice haïtienne. Le système judiciaire en Haïti a souvent été critiqué pour son manque d’efficacité et de transparence. Cela entraîne des répercussions directes sur la protection des journalistes, car l’absence de mécanismes efficaces pour enquêter sur les crimes contre la presse contribue à l’impunité.
Au-delà des dérives internes, ces défis combinés créent un environnement difficile pour les journalistes en Haïti et entravent leur capacité à exercer leur métier de manière indépendante.