PORT-AU-PRINCE, mardi 14 janvier 2025- La violence endémique et la faim qui ravagent Haïti ont conduit à une intervention massive du Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations Unies, en collaboration avec des organisations locales. Alors que des milliers de familles sont déplacées et que les prix des denrées alimentaires flambent, le PAM intensifie ses efforts pour distribuer des repas chauds, des rations alimentaires et des aides en espèces, permettant aux Haïtiens d’acheter ce dont ils ont désespérément besoin.
Lucienne, une mère de cinq enfants vivant à Croix-des-Bouquets, un quartier contrôlé par des gangs au nord de Port-au-Prince, raconte les horreurs quotidiennes. « La situation est vraiment catastrophique. Parfois, nous passons la journée et la nuit sans rien manger », confie-t-elle. « Quand je ne peux rien donner à mes enfants, ils pleurent. C’est très triste. » Croix-des-Bouquets, coupé de l’aide humanitaire depuis des années, a bénéficié en novembre 2024 d’une percée majeure : le PAM a acheminé plus de 660 000 livres de riz, de haricots et d’huile, suffisant pour nourrir 50 000 personnes.
Lucienne, émue aux larmes, a salué cette aide : « C’est la première fois qu’une organisation vient dans notre quartier pour nous donner de la nourriture. Cela nous aide tellement. Avant, je n’avais rien à donner aux enfants. »
Selon les données récentes du PAM, un Haïtien sur deux n’a pas assez à manger. Deux millions de personnes sont confrontées à une insécurité alimentaire aiguë au niveau IPC4, tandis que 6 000 individus déplacés vivent dans des conditions catastrophiques au niveau IPC5. En novembre 2024, le PAM a distribué un record de 834 664 repas chauds dans 48 sites abritant des déplacés internes.
À la fin de 2024, plus de 700 000 personnes avaient fui leurs foyers, cherchant refuge dans des abris de fortune, des écoles et des bâtiments gouvernementaux. Ces déplacements massifs aggravent les risques pour les femmes et les filles, exposées à des violences accrues dans un contexte de chaos généralisé.
Face à des rumeurs infondées sur un retrait de l’ONU d’Haïti, Wanja Kaaria a clarifié : « Le PAM ne quitte pas Haïti. Nous restons aussi longtemps qu’il y aura des personnes vulnérables à aider. » Elle a ajouté que le PAM a déjà distribué des vivres à plus de 50 000 déplacés internes et continue d’intensifier ses efforts.
En partenariat avec le gouvernement haïtien, le PAM travaille également à l’élargissement du programme de repas scolaires, qui touche actuellement 470 000 enfants. « Une grande partie des aliments est achetée localement, soutenant ainsi les petits agriculteurs », explique Kaaria.
Quant à l’accès aux zones dangereuses de Port-au-Prince, elle souligne les progrès réalisés : « Notre équipe de négociation d’accès travaille sans relâche pour atteindre les populations les plus vulnérables. Nous avons récemment distribué des vivres à 150 000 personnes dans plusieurs quartiers difficiles d’accès. »
L’urgence humanitaire en Haïti, exacerbée par des inondations et des déplacements massifs, justifie l’intensification des opérations du PAM. « Près de 277 000 enfants souffrent de malnutrition aiguë. Nous devons non seulement répondre à l’urgence, mais aussi aider les populations à se reconstruire et à devenir moins vulnérables aux chocs futurs », déclare Kaaria.
Pour atteindre les zones les plus reculées, le PAM s’appuie sur le Service aérien humanitaire des Nations Unies (UNHAS). « UNHAS est indispensable. Avec un hélicoptère pour les endroits difficiles d’accès et un avion pour couvrir plus de terrain, nous pouvons acheminer travailleurs humanitaires et fournitures essentielles là où elles sont le plus nécessaires », explique Kaaria.
En novembre, le PAM a également affrété deux navires maritimes pour transporter 21 camions chargés de nourriture, de médicaments et de fournitures médicales vers le sud du pays. Cette initiative vise à reconstituer les stocks dans les centres de santé en pénurie depuis des mois.
Le PAM prévoit d’intensifier ses opérations pour répondre aux besoins croissants, visant à assister 1,85 million de personnes tout en soutenant des systèmes résilients au niveau national. Cependant, ces efforts nécessitent des ressources considérables. « Nous avons besoin de 94 millions de dollars pour financer nos opérations au cours des six prochains mois », a déclaré Kaaria.
Alors que la crise en Haïti s’aggrave, le PAM et ses partenaires continuent de montrer leur engagement indéfectible envers une population accablée par la faim, la violence et l’instabilité. Mais pour que cet engagement porte ses fruits, une solidarité internationale accrue reste cruciale.