Par Jude Martinez Claircidor,
PORT-AU-PRINCE, mercredi 26 février 2025– Port-au-Prince traverse l’une des périodes les plus sombres de son histoire récente. La coalition armée Viv Ansanm a étendu son influence sur près de 90 % de la capitale, plongeant des centaines de milliers de citoyens dans une insécurité grandissante. Carrefour, la Plaine, Tabarre, Pernier, le bas de la ville, Carrefour-Feuilles, Nazon et une grande partie de Delmas sont désormais sous leur emprise. Seuls quelques axes, tels que Delmas 32, Delmas 40B, Delmas 48, Turgeau, Bois-Verna, Lalue et Canapé-Vert, demeurent accessibles, bien que leur fréquentation soit souvent entravée par des déplacés réclamant des solutions urgentes pour un retour en sécurité dans leurs quartiers.
Après une relative accalmie en fin d’année 2024, la situation s’est subitement détériorée, alimentant les spéculations sur l’implication de certains secteurs dans cette résurgence de la violence. Plusieurs observateurs pointent du doigt des tensions politiques exacerbées, rendant le climat national encore plus instable.
Les récentes déclarations de Leslie Voltaire, président du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), auraient suscité des remous au sein de certains cercles politiques et économiques, régulièrement pointés du doigt dans les dynamiques de déstabilisation du pays. En appelant à des enquêtes sur les personnalités sanctionnées par l’ONU, il a éveillé des préoccupations au sein des sphères influentes. Ses interventions médiatiques, notamment sur des chaînes françaises, où il a imputé une part de responsabilité à l’ancien président Joseph Michel Martelly, l’artiste, dans la détérioration du climat sécuritaire, ont accentué les tensions et alimenté les crispations au sein de la classe politique.
Certains analystes estiment que cette recrudescence de la violence pourrait être liée à des tentatives de repositionnement du PHTK sur l’échiquier politique, notamment après la chute du Premier ministre Garry Conille et la révocation de plusieurs figures clés du parti. D’autres voix ont fait savoirque des dissensions internes au sein du CPT compliquent davantage la transition, certains membres cherchant à consolider leur influence.
Dans ce contexte de grande fragilité institutionnelle, la Police Nationale d’Haïti (PNH) fait face à des divisions internes qui affectent sa capacité à rétablir l’ordre.
Deux courants s’opposent au sein du haut commandement : l’un favorable au maintien du Directeur Général a.i Normil Rameau, l’autre plaidant pour son remplacement. Ce climat d’incertitude affaiblit l’efficacité de l’institution, laissant la population encore plus vulnérable face à l’expansion des groupes armés.
Les récentes attaques ont déjà fait plusieurs dizaines de victimes, notamment à Delmas 30. Pris au piège d’une spirale de violence en constante escalade, les habitants tentent désespérément de fuir, mais se retrouvent pris entre les affrontements des factions armées, sans aucune certitude sur un refuge possible.
Dans deux mois, le Conseil Présidentiel marquera un an depuis son installation, avec pour mission essentielle de restaurer la sécurité, de rétablir l’ordre et de créer les conditions nécessaires à l’organisation d’élections en vue du renouvellement du paysage politique. Pourtant, près de dix mois après son investiture, l’attente d’un changement tangible demeure, malgré la présence de forces étrangères sur le territoire.
Alors qu’Haïti se trouve à un carrefour déterminant de son histoire, l’incertitude persiste, nourrissant un profond désespoir au sein de la population. Face aux défis sécuritaires, à l’instabilité politique et aux blocages institutionnels, la nécessité d’une alternative crédible et porteuse d’espoir s’impose. Plus qu’un constat, il s’agit d’un impératif : engager un sursaut collectif fondé sur un consensus national, une gouvernance responsable et des actions concrètes afin de redonner confiance, rétablir l’ordre et ouvrir la voie à un avenir viable.