PORT-AU-PRINCE, dimanche 10 novembre 2024– Dans une déclaration adressée au peuple haïtien, Garry Conille, Premier Ministre révoqué, a fermement contesté sa destitution décidée par le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) le 7 novembre 2024. Conille, désormais Premier Ministre déchu, qualifie cette décision d’“illégitime”, dénonçant un acte en dehors de tout cadre constitutionnel et légal. La résolution du CPT, affirme-t-il, ne respecte ni la Constitution ni les textes qui régissent la période de transition, soulevant ainsi de graves préoccupations pour l’avenir de la gouvernance en Haïti.
Conille rappelle que la Constitution haïtienne, en son article 158, spécifie que le Premier Ministre ne peut être révoqué que par une démission ou par une motion de censure du Parlement. “En aucun cas, le Conseil Présidentiel, même dans le cadre de ses fonctions transitoires, ne peut se substituer au Parlement ni exercer un pouvoir qui ne lui a pas été attribué”, a-t-il souligné. Conille précise également que, bien que le CPT ait la prérogative de nommer un Premier Ministre, il n’a pas le pouvoir légal de le révoquer. Ce rôle, soutient-il, est strictement défini dans le cadre de la gouvernance de transition établie par l’Accord du 3 avril et le Décret du 27 mai 2024.
Selon les termes de ce décret, la révocation du Premier Ministre par le CPT ne peut intervenir qu’en cas de “déficit de gouvernance” documenté par l’Organe de Contrôle de l’Action Gouvernementale (OCAG), un organe qui n’a toujours pas été mis en place. “L’article 37 du décret régissant le fonctionnement du CPT est explicite”, rappelle Conille : “le Conseil ne peut mettre fin aux fonctions du Premier Ministre que sur la base d’un déficit de gouvernance présenté par l’OCAG”. En l’absence de ce rapport, et sans la constitution même de l’OCAG, cette décision du CPT constitue, selon lui, “un abus de pouvoir et une forfaiture qui porte atteinte aux principes fondamentaux de notre démocratie”.
Cette crise politique surgit au moment où Haïti traverse une situation d’urgence extrême, marquée par une insécurité généralisée et une crise humanitaire. Les gangs armés contrôlent des portions importantes de la capitale, tandis que des milliers de familles sont déplacées et que les ressources alimentaires se font de plus en plus rares. Conille estime que cette instabilité institutionnelle, provoquée par le CPT, ne fait qu’aggraver les souffrances du peuple haïtien. “Toute tentative de déstabilisation institutionnelle à ce moment précis n’est rien d’autre qu’une manœuvre qui affaiblit encore davantage notre pays et compromet gravement nos chances de surmonter cette crise”, a-t-il affirmé.
Dans un appel à la responsabilité, Garry Conille insiste sur le respect de l’Accord du 3 avril 2024, qui avait instauré ce gouvernement de transition sur la base d’un engagement de dialogue et de responsabilité partagée. “Je choisis de ne pas répondre à cette situation par la division, mais plutôt par la voie de la responsabilité”, a-t-il déclaré, se disant déterminé à poursuivre un dialogue avec les secteurs politiques et sociaux en conformité avec l’accord. Conille se dit prêt à collaborer avec ceux qui détiennent la légitimité nécessaire pour accompagner la transition, conformément aux principes définis par cet accord.
Le Premier Ministre déchu exprime également sa déception face aux actions du CPT, les exhortant à revenir sur cette décision qu’il juge inconstitutionnelle et contraire à l’esprit de la transition. Il appelle à l’instauration rapide de l’OCAG afin d’assurer une gouvernance transparente et de prévenir tout nouvel “abus de pouvoir”. “Nous ne pouvons plus tolérer que des décisions arbitraires sapent les bases de notre démocratie et augmentent les souffrances de notre peuple”, a-t-il souligné.
Malgré ces difficultés, Conille réitère son engagement pour la paix et la stabilité de la nation, affirmant qu’il continuera à soutenir les efforts visant à restaurer un système de gouvernance démocratique, transparent et inclusif. “Je reste déterminé à continuer à travailler de manière constructive en faveur de la paix et de la stabilité de notre pays et à soutenir tous les efforts visant à restaurer la paix”, a-t-il déclaré en conclusion, ajoutant un appel solennel à la population haïtienne pour qu’elle garde espoir en un avenir de justice et de prospérité pour le pays.