Garry Conille accusé de fomenter un coup d’État contre le Conseil Présidentiel de Transition, selon Claude Joseph…

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PORT-AU-PRINCE, mardi 24 septembre 2024 – L’ancien Premier ministre Claude Joseph accuse l’actuel chef du gouvernement, Garry Conille, de fomenter un coup d’État contre le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) dans le but de concentrer l’ensemble du pouvoir exécutif entre ses mains. « Il ne s’agit plus d’une simple ambition personnelle. Garry Conille aspire désormais à exercer un pouvoir absolu sans partage, entouré de ses proches », a déclaré Joseph, ajoutant que Conille manifeste une nostalgie dangereuse pour des formes de gouvernance autoritaires.

Interviewé par le Réseau Haïtien de  l’Information (RHINEWS), Joseph affirme que les manœuvres de Conille visent à déstabiliser le processus de transition politique en cours. Il cite en exemple l’humiliation subie par Edgard Leblanc, président du CPT, lors de son récent voyage aux États-Unis pour participer à la 79e Assemblée générale des Nations Unies. Selon Joseph, c’est Garry Conille qui aurait empêché Lesly Voltaire, conseiller présidentiel et chef de la délégation, d’accéder à une réunion bilatérale avec la délégation brésilienne en l’absence de Leblanc. « Conille cherche à marginaliser le CPT et à prendre les rênes de la transition pour en faire un levier personnel », soutient Joseph.

L’ex-Premier ministre appelle le CPT à prendre des mesures fortes pour contrer ce qu’il qualifie de “dérives totalitaires” de Conille. Selon lui, le Premier ministre a déjà concentré tous les pouvoirs étatiques entre ses mains, usurpant les prérogatives présidentielles, notamment dans le domaine diplomatique, qu’il considère comme une chasse gardée du chef de l’État.

Joseph souligne que Conille a réduit Haïti à une “start-up nation” par sa gestion micro-managériale et son contrôle accru sur les affaires du pays, sans produire de résultats tangibles. « Haïti n’est plus dirigée par un gouvernement collectif, mais par une cellule gouvernementale restreinte depuis l’arrivée de Garry Conille », déplore Joseph. Depuis son accession au poste de Premier ministre de facto, le nombre de ministères a été réduit de 18 à 14, mais cette diminution n’a, en réalité, conduit à aucune suppression effective. Certains ministres se retrouvent à cumuler plusieurs portefeuilles, un arrangement qui, loin d’améliorer l’efficacité ou de réduire les coûts, concentre encore plus de pouvoir dans les mains d’un petit cercle de fidèles.

Dans un contexte marqué par une crise politique, économique et sécuritaire de plus en plus grave, l’absence de résultats concrets, notamment dans le domaine de la sécurité, met en lumière les failles de ce gouvernement de transition. Le pays est dirigé par un noyau restreint de ministres influents, exerçants les fonctions régaliennes de l’Etat.

Cette concentration de pouvoir, souligne Joseph, marginalise les autres membres du cabinet, réduits à des rôles secondaires et frustrés par leur exclusion des décisions stratégiques.

Selon Joseph, cette gestion centralisée et opaque risque de mener à des dérives autoritaires.  Cette dynamique entrave le bon fonctionnement des institutions publiques, essentielles à la démocratie et au développement.

Les critiques à l’égard de la gouvernance de Conille se multiplient, pointant du doigt une gestion semblable à celle d’une entreprise privée. Les décisions sont prises de manière informelle et centralisée, à l’encontre des principes de la gouvernance démocratique qui exigent transparence, consultation et inclusion. Max Weber, dans sa théorie de la bureaucratie, souligne l’importance de processus formels de prise de décision au sein de l’État, afin d’éviter le népotisme et d’assurer une gestion responsable. Le modèle centralisé prôné par Conille court-circuite ces processus et alimente des tensions au sein du gouvernement et dans la société haïtienne.

Les conséquences de cette gestion désordonnée sont déjà visibles, notamment dans la lutte contre l’insécurité. La montée des violences liées aux gangs et l’incapacité des autorités à rétablir l’ordre témoignent des faiblesses de ce modèle de gouvernance. Une gestion aussi concentrée rend difficile toute coordination efficace, au détriment de la sécurité et du bien-être de la population. Un État moderne et fonctionnel doit pouvoir s’appuyer sur une large diversité d’acteurs et sur des institutions capables de répondre aux besoins des citoyens de manière inclusive et responsable. Or, en l’état actuel, Haïti semble paralysée par des institutions dysfonctionnelles et une absence criante de résultats tangibles.

Joseph met également en garde contre les risques de rupture entre les citoyens et leurs représentants. Une gouvernance perçue comme inefficace ou corrompue ne fait qu’aggraver la défiance envers les institutions publiques.

En concentrant le pouvoir entre les mains d’un petit groupe, Conille met en danger la stabilité d’Haïti et la confiance des citoyens en leur gouvernement.

La gestion de l’État comme une entreprise privée, avec ses méthodes de décision rapide et centralisée, présente des dangers évidents pour un pays aux prises avec une crise multidimensionnelle. Une telle approche risque de renforcer les dérives autocratiques, où les décisions sont prises dans l’intérêt de quelques individus privilégiés plutôt que dans celui de la collectivité. Pour Joseph, il est urgent que la classe politique haïtienne prenne conscience des dangers que représente cette dérive et qu’elle rétablisse un modèle de gouvernance plus inclusif et transparent. Sans cela, Haïti risque de s’enfoncer encore plus profondément dans la crise, au détriment de sa démocratie et de son développement.

Claude Joseph conclut en exprimant son inquiétude pour l’avenir démocratique du pays et pour l’organisation des prochaines élections, que Garry Conille tenterait de contrôler afin de garantir la pérennité de son pouvoir et de celui de ses alliés.