Fritz Alphonse Jean prend la tête du Conseil Présidentiel de Transition : “Nous devons impérativement nous unir pour gagner cette bataille”…

PORT-AU-PRINCE, vendredi 7 mars 2025 Depuis ce vendredi, Fritz Alphonse Jean prend officiellement la tête du Conseil présidentiel de transition (CPT), succédant à l’architecte Leslie Voltaire après ses six mois de mandat. Cette nomination s’inscrit dans le cadre de la résolution du 4 octobre 2024, qui encadre l’organisation tournante de la présidence du CPT afin d’assurer la stabilité institutionnelle durant la transition politique. Selon ce dispositif, Jean dirigera le Conseil jusqu’au 7 août 2025, avant de passer le relais à Laurent Saint-Cyr.

L’accession de Fritz Jean à la présidence du CPT survient dans un contexte particulièrement difficile. Le pays est en proie à une crise multidimensionnelle, marquée par une insécurité croissante, une instabilité politique persistante et une situation humanitaire alarmante. L’organisation criminelle Viv Ansanm continue de semer la terreur, tandis que l’incertitude plane sur l’organisation des prochaines élections, rendant la mission du CPT encore plus délicate.

Dans son discours inaugural, Fritz Alphonse Jean a tenu à saluer le travail de ses prédécesseurs et des organisations secrètes du Mandala Accord qui lui ont confié cette responsabilité. Il a souligné l’importance de cette transition comme un symbole fort de l’engagement en faveur de l’alternance et de la continuité du travail amorcé. Insistant sur les défis à venir, il a rappelé que la transition devait se structurer autour des axes fondamentaux que sont la sécurité, la gouvernance, la relance économique et la préparation des élections. Il a mis en avant l’urgence de la situation, notamment pour les populations de l’Ouest et de l’Arctique, qui subissent les conséquences des violences et attendent des actions concrètes et rapides de l’État.

Rendant hommage à la résilience de ces populations, il a dénoncé les acteurs qui instrumentalisent la violence, parmi lesquels les trafiquants de drogue, d’organes et d’êtres humains, les marchands d’armes et de munitions, ainsi que certains entrepreneurs politiques et économiques. Selon lui, l’insécurité impose une pression supplémentaire sur des ressources déjà insuffisantes, détournant des fonds qui devraient être alloués à des secteurs essentiels comme la santé, l’éducation et l’avenir de la jeunesse.

Se présentant comme un homme engagé depuis plus de vingt ans dans la dénonciation des inégalités et des dérives du système économique, Fritz Alphonse Jean a rappelé son combat contre l’effondrement économique du Nord et ses lourdes conséquences sociales. Il a souligné que son silence en 2016 avait été perçu comme un acte de lutte face aux grands défis économiques et aux inégalités sociales. Il a insisté sur le fait que la situation actuelle exige une action immédiate et coordonnée pour éviter que le pays ne s’enfonce davantage dans la crise.

Conscient des obstacles qui l’attendent, il a néanmoins affirmé sa volonté d’agir avec responsabilité et détermination pour répondre aux attentes de la population et ouvrir la voie à un avenir plus stable et plus juste pour Haïti.

Lors de la cérémonie de passation de pouvoir à la présidence du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), Fritz Alphonse Jean a prononcé un discours marquant, insistant sur la gravité de la situation et l’urgence d’agir face aux défis sécuritaires, économiques et politiques qui secouent Haïti.

Abordant la question sécuritaire, il a déclaré avec fermeté : “La sécurité est notre plus grande priorité. Nous devons absolument nous assurer que nos dépenses, nos défis et nos actions soient alignés pour relever ce défi.” Il a insisté sur la nécessité d’un budget rectificatif de guerre, destiné à financer les efforts contre l’insécurité. Selon lui, l’État doit redéployer ses ressources afin de répondre efficacement aux attentes des populations victimes de la violence.

Évoquant les conséquences désastreuses de l’insécurité sur la société haïtienne, il a souligné : “Aujourd’hui, des jeunes sont kidnappés, violentés, tués ; des familles entières sont contraintes de fuir leur pays. Ce que nous vivons est la conséquence directe de la politisation, de l’affaiblissement des institutions et de la corruption.” Face à cette situation critique, il a salué la résistance des citoyens et des forces de l’ordre : “Courage à la population, courage à nos policiers qui se battent au quotidien pour la sécurité du pays.”

Dans cette lutte, Fritz Alphonse Jean a mis en avant la coopération régionale et internationale, citant le soutien attendu d’El Salvador, de la Jamaïque et des Bahamas : “Nos amis de la région sont prêts à nous accompagner dans cette bataille contre l’insécurité. Nous devons saisir cette opportunité et travailler ensemble pour mettre fin à ce fléau.” Il a aussi annoncé des efforts pour renforcer les effectifs des forces de l’ordre : “Cette année même, nous allons former plus de 3 000 nouveaux policiers et soldats pour combler le déficit en troupes sur le terrain.”

Au-delà des enjeux sécuritaires, il a dénoncé les failles de la gouvernance haïtienne, qu’il considère comme un obstacle majeur à la relance du pays. “Le déficit de gouvernance de l’État est l’un des points essentiels auxquels il faut s’attaquer. Il nuit à la crédibilité de nos institutions et empêche l’établissement d’un cadre équitable pour tous.” Pour y remédier, il a annoncé des réformes visant à renforcer la transparence et lutter contre la corruption, notamment en facilitant l’accès du public aux informations administratives : “Nous allons mettre en place des lignes téléphoniques dédiées pour permettre aux citoyens de signaler les abus et dénoncer les magouilles au sein des institutions publiques.”

Sur le plan économique, il a souligné l’urgence d’un redressement et la nécessité de soutenir la production nationale : “Notre objectif est de casser le cycle de décroissance des six dernières années et de relancer l’investissement en favorisant une approche régionale.” Il a insisté sur la mobilisation des ressources internes comme un signe de la détermination nationale à sortir de la crise : “Nous devons prouver, par nos propres efforts, que nous sommes prêts à reconstruire notre pays.”

Enfin, il a rappelé que le retour à l’ordre constitutionnel demeure l’objectif principal du Conseil Présidentiel de Transition : “Nous avons pris l’engagement de conduire le pays aux élections du 7 février 2026. Nous devons tout mettre en œuvre pour respecter cette échéance.” Il a notamment évoqué la nécessité de financer le processus électoral et d’initier un vaste programme d’identification des citoyens haïtiens.

S’adressant aux Haïtiens de la diaspora, il leur a exprimé sa reconnaissance et les a appelés à jouer un rôle actif dans la reconstruction du pays : “Merci pour votre engagement. Votre soutien est essentiel dans cette période décisive.”

Il a conclu en rendant hommage à la résilience du peuple haïtien et en lançant un message d’espoir : “Malgré les épreuves, nous devons garder foi en l’avenir. Unis, nous pourrons surmonter ces défis et bâtir une Haïti plus forte.”

Né le 22 avril 1956 à Cap-Haïtien, Fritz Alphonse Jean est un économiste, écrivain et homme d’État reconnu pour son expertise dans la gestion économique et financière d’Haïti. Après des études en économie et en mathématiques aux États-Unis, notamment à l’Université Fordham et à la New School for Social Research, il retourne en Haïti pour enseigner à l’Université d’État d’Haïti et travailler comme consultant économique auprès de plusieurs institutions publiques et privées.

Sa carrière prend un tournant décisif lorsqu’il est nommé vice-gouverneur de la Banque de la République d’Haïti (BRH) en 1996, avant d’en devenir gouverneur de 1998 à 2001. Il poursuit ensuite son engagement académique en tant que doyen de la Faculté des sciences sociales, économiques et politiques de l’Université Notre-Dame d’Haïti entre 2005 et 2009 et préside l’Association Chrétienne de Jeunes (YMCA) d’Haïti de 2007 à 2010.

Sur le plan politique, il est brièvement nommé Premier ministre en février 2016 sous la présidence provisoire de Jocelerme Privert, mais son plan de gouvernement est rejeté par la Chambre des députés, mettant rapidement fin à son mandat. En 2022, il est élu président provisoire dans le cadre de l’accord de Montana, mais cette élection reste non reconnue par les autorités en place. En avril 2024, il intègre le CPT, avant d’accéder aujourd’hui à sa présidence tournante.

En parallèle à sa carrière institutionnelle, Fritz Jean s’est illustré comme auteur d’ouvrages majeurs sur l’économie haïtienne, dont Haïti – la fin d’une histoire économique (2013) et Améthys – Plaies Ouvertes, un roman en français retraçant la vie d’un jeune Capois.