Expulsions et Foi : Les Chrétiens en première ligne face aux déportations massives aux États-Unis…

MIAMI, mercredi 2 avril 2025, (RHINEWS)-Selon un rapport intitulé “One Part of the Body”, publié par plusieurs grandes organisations chrétiennes, plus de 10 millions de chrétiens vivant aux États-Unis risquent d’être expulsés. De plus, 7 millions de citoyens américains chrétiens vivent dans des foyers où un proche est concerné par cette menace. Ce rapport, qui intervient alors que l’administration Trump s’apprête à mener “la plus grande campagne de déportation de l’histoire des États-Unis”, met en lumière l’ampleur du problème et ses répercussions sur les familles chrétiennes du pays.

Publié conjointement par la National Association of Evangelicals, le Département des services aux réfugiés et aux migrants de la Conférence des évêques catholiques des États-Unis, le Center for the Study of Global Christianity du Gordon-Conwell Theological Seminaryet l’organisation humanitaire évangélique World Relief, ce rapport analyse les différentes catégories d’immigrés vulnérables à l’expulsion, y compris ceux bénéficiant actuellement d’un statut légal précaire, tel que le Temporary Protected Status (TPS) ou la Deferred Action for Childhood Arrivals (DACA).

Le rapport révèle que plus de 10 millions de chrétiens sont menacés d’expulsion, représentant environ 80 % de l’ensemble des personnes en danger d’expulsion. Par ailleurs, 7 millions de citoyens américains chrétiens vivent dans des foyers où un membre de la famille est susceptible d’être expulsé. En d’autres termes, un chrétien sur douze aux États-Unis est directement concerné par la question des expulsions, soit en risquant l’expulsion lui-même, soit en pouvant perdre un membre de sa famille. Parmi les communautés chrétiennes les plus touchées, on compte un évangélique sur dix-huit et près d’un catholique sur cinq.

Le titre du rapport fait référence à l’enseignement biblique selon lequel tous les chrétiens forment “un seul corps”, composé de parties interdépendantes, et que “quand une partie souffre, toutes les autres souffrent avec elle”.

La publication de ce rapport a suscité de vives réactions parmi les dirigeants chrétiens aux États-Unis. Walter Kim, président de la National Association of Evangelicals, a souligné que certains immigrés étaient déjà chrétiens avant d’arriver aux États-Unis, tandis que d’autres ont trouvé une nouvelle vie dans le Christ grâce aux églises évangéliques. Il a déclaré : “Ils sont des membres bien-aimés et essentiels de nos églises. Une déportation massive infligerait des blessures profondes en séparant des familles, non seulement biologiques, mais aussi spirituelles. Nous appelons le Président Trump et le Congrès à faire preuve de miséricorde et à offrir une voie légale à nos frères et sœurs qui travaillent dur et respectent la loi, afin qu’ils puissent continuer à bénir nos communautés.”

Mgr Mark Seitz, évêque d’El Paso et président du Comité des migrations de la Conférence des évêques catholiques, a insisté sur la nécessité d’une solidarité chrétienne en affirmant : “L’enseignement catholique nous oblige à accompagner ceux qui souffrent. Ce rapport doit inciter chaque catholique à manifester sa solidarité envers nos frères et sœurs immigrés par la prière, le témoignage public et l’action. L’Église appelle les décideurs politiques à mener une réforme migratoire juste et compatissante, qui reconnaisse la dignité inhérente de chaque être humain et protège la famille en tant que fondement de la société.”

Myal Greene, président et CEO de World Relief, a mis en garde contre les conséquences humanitaires d’une telle politique. Il a déclaré que le Congrès devait allouer des fonds suffisants pour assurer la sécurité des frontières et expulser les criminels violents, mais pas pour financer des détentions et des expulsions massives qui déchireraient des familles à grande échelle. Il a affirmé : “Ce type de politique affaiblirait les églises américaines et plongerait des millions de personnes vulnérables dans des crises humanitaires effroyables. Et s’ils choisissent de le faire, qu’ils ne le fassent pas au nom du christianisme, car ces pratiques ne sont pas conformes aux valeurs de Jésus.”

Stephanie Gonzalez, enseignante dans une école chrétienne en Californie du Sud, dont les parents ont été expulsés vers la Colombie après 35 ans aux États-Unis, a témoigné de la douleur causée par ces expulsions. “Ce dernier mois a été un cauchemar pour ma famille et moi, et je sais que l’expulsion de mes parents après presque quatre décennies aux États-Unis n’est pas un cas isolé. Je suis reconnaissante que ce rapport attire notre attention, en tant que chrétiens, sur les conséquences directes de ces changements politiques sur un grand nombre de croyants. Je prie pour que l’Église fasse entendre sa voix auprès de nos dirigeants afin que d’autres familles ne soient pas brisées comme la mienne l’a été.”

Dr. Todd Johnson, co-directeur du Center for the Study of Global Christianity au Gordon-Conwell Theological Seminary, a replacé ces chiffres dans un contexte plus large de transformation du christianisme à l’échelle mondiale. Il a expliqué qu’en 1900, 82 % des chrétiens vivaient dans le Nord global (Amérique du Nord et Europe), mais qu’en 2025, ce chiffre serait tombé à 31 %. Selon les projections pour 2075, cette proportion pourrait descendre à seulement 17 %. Il a soulevé une question essentielle : “Comment, en tant que minorité chrétienne riche du Nord global, devons-nous nous rapporter à la majorité des chrétiens du monde, dont beaucoup font face à des défis inimaginables dans leur pays d’origine en matière de liberté religieuse, de persécution ou même de simple accès à la nourriture et à un abri ?”

Parmi les organisations à l’origine du rapport, World Relief joue un rôle clé dans la défense des immigrés chrétiens. Fondée après la Seconde Guerre mondiale pour répondre aux besoins humanitaires urgents en Europe, l’organisation travaille depuis 80 ans dans plus de 100 pays pour aider les familles et les communautés vulnérables à s’épanouir. Aujourd’hui, elle concentre ses efforts sur les crises humanitaires, la migration et le renforcement des communautés locales.

Face aux chiffres alarmants de ce rapport, ses auteurs espèrent susciter une prise de conscience et inciter à des réformes migratoires plus justes et humaines. Alors que le débat sur l’immigration continue de diviser les États-Unis, les leaders chrétiens rappellent que le sort des millions d’immigrés concernés touche directement la communauté chrétienne du pays.

Pour consulter le rapport complet, il est possible de visiter www.worldrelief.org/onepart. La conférence de presse associée à ce rapport est également disponible en ligne.

Dans un pays où l’immigration a toujours été une composante essentielle du paysage religieux et social, la question posée par ce rapport reste cruciale : l’Amérique chrétienne choisira-t-elle la compassion et l’intégration, ou laissera-t-elle se poursuivre une politique de déportation qui pourrait profondément affecter son propre avenir spirituel ?