PORT-AU-PRINCE, vendredi 30 juin 2023– Il y a déjà deux ans depuis que la militante politique et féministe Antoinette ‘‘Netty’’ Duclair et le journaliste Diego Charles ont été exécutés par un commando dans la nuit du 29 juin au 30 juin 2021 à Christ-Roi.
Le double meurtre a été commis devant la résidence de Duclair qui se trouvait dans sa voiture, selon certains témoignages.
Deux ans après, l’enquête judiciaire est au point mort. Aucune avancée n’a été constatée dans le cadre de ce dossier qui aurait disparu au niveau du Parquet de Port-au-Prince.
Aucun effort n’a été entrepris pour reconstituer le dossier a partir des informations dont dispose la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), déplore Pierre Espérance, directeur exécutif du réseau national de défense des droits humains (RNDDH).
Les assassins courent tranquillement encore les rues.
Selon Espérance, l’appareil judiciaire participe aussi à la banalisation de la vie humaine et au renforcement de l’impunité en Haïti.
Le jour du meurtre de Netty et de Charles survenu dans la soirée du mardi 29 juin 2021, la zone métropolitaine a connu une journée d’enfer.
De Delmas, en passant par Pétion-Ville jusqu’à Port-au-Prince dans les quartiers de Christ-Roi et Carrefour-Feuilles entre autres, au moins trente (30) personnes ont été assassinées pour cette seule journée, selon les organisations des droits humains.
Au lendemain de cette journée sanglante, sans enquête, le directeur général intérimaire de la police de l’époque, Léon Charles avait attribué le double assassinat de Diego Charles et d’Antoinette Duclair à un ‘‘acte de représailles’’ suite de l’assassinat du policier Guerby Geffrard en milieu de journée du 29 juin à Delmas 32.
Selon un rapport partiel du réseau national de défense des droits humains (RNDDH), ce sont au moins dix-neuf (19) personnes qui ont été tuées et une autre blessée par balles dans des trois quartiers de Delmas et de Port-au-Prince, dans la nuit du 30 juin 2021.
Rapportant des témoignages de riverains, le RNDDH souligne qu’au moins quinze (15) morts dont quatorze (14) sur le coup et un (1) autre, à l’hôpital, ont été recensés à Delmas 32, en marge d’une attaque d’individus lourdement armés, circulant à moto. L’incident s’est produit vers 22 heures 40, à la rue Dessalines, à Delmas 32, précise le document du RNDDH.
A l’Avenue N prolongée, entre 21 : 30 et 22 :00, une (1) personne a été tuée par balle.
A la Rue Acacia, Christ Roi, trois (3) personnes ont été assassinées par balle, souligne le rapport.
Selon le document, Diego CHARLES, journaliste de Radio Vision 2000 et du journal en ligne ‘’LaRepiblik,’’ a reçu deux (2) balles dont l’une au flanc droit et l’autre, à l’avant-bras droit. Il se trouvait devant la barrière de sa maison, à la rue Acacia, zone Christ-Roi.
Quant à Marie Antoinette DUCLAIRE, journaliste du journal en ligne ‘’LaRepiblik’’, militante politique, elle a reçu sept (7) balles dont une (1) à la tempe gauche, une (1) à la joue gauche, une (1) au bras gauche, deux (2) au sein gauche et deux (2) autres balles au bras droit. Elle se trouvait au volant de sa voiture, devant la barrière de la maison de Diego CHARLES, selon les précisions du RNDDH.
« Contrairement aux déclarations de Léon Charles, certains résidents de Delmas 32 rencontrés autour de ces événements sanglants, ont confié au RNDDH que les individus qui sont impliqués dans l’organisation et la perpétration de ces attaques font partie de la Base ‘’Krache Dife,’’ dirigée par Wilson Pierre connu encore sous le nom de James Alexander alias Ti Sonson et Jean Manillo VIAU alias Manino ou Manillo », selon le document.
‘’Au lendemain de cette nuit sombre à Port-au-Prince et à Delmas, écrit le RNDDH, le Conseil Supérieur de la Police Nationale (CSPN) s’est empressé d’affirmer, par le biais du directeur général a.i. de la PNH Léon CHARLES, que le carnage enregistré à Delmas 32 dans la nuit du 29 au 30 juin 2021 a été perpétré par des membres du Fantom 509 et par des partisans du policier syndicaliste Guerby GEFFRARD, délégué du SPNH-17, lui-même assassiné à Delmas 32 dans l’après-midi du même jour.’’
Le RNDDH tient souligne que dans la nuit du 29 au 30 juin 2021, trois (3) événements sanglants différents se sont produits dans trois (3) zones différentes, à des moments différents soit à Delmas 32, à Christ-Roi et à l’Avenue N.
‘’Il s’agit cependant de crimes perpétrés par des individus lourdement armés dont certains ont été identifiés par des riverains de Delmas 32 comme faisant partie de la Base ‘’Krache Dife,’’ un des gangs influents du G-9 an Fanmi e Alye,’’ selon l’organisme de défense des droits humains.
Le RNDDH avait condamné les déclarations ‘‘hâtives et irresponsables’’, aux conséquences imprévisibles du directeur général a.i. de la PNH Léon Charles car, indexer un secteur dans la perpétration de plusieurs crimes ne peut se faire avec autant de nonchalance. En ce sens, le RNDDH rappelle à l’attention de ce dernier que c’est pour éviter des dérives du genre, que le Législateur avait bien pris soin de séparer les rôles des institutions policières et judiciaires, dans le traitement des actes délictueux et criminels.
‘’De plus, poursuit le RNDDH, ces déclarations laissent croire que le carnage de Delmas 32 avait été bien planifié par les bandits armés et que le haut commandement de la PNH avait été mis au courant. En effet, selon le CSPN, c’est pour venger le policier syndicaliste Guerby Geffrard qu’une expédition punitive a été menée par des partisans du SPNH-17, membres du Fantom 509.
Il ne fait donc aucun doute, un climat de terreur est instauré dans le pays avec la complicité des autorités étatiques et les droits à la vie, à la sécurité, à l’intégrité physique et psychique des citoyens, sont constamment violés, selon l’organisation dont le staff, particulièrement le directeur exécutif est ouvertement menacé par le chef du G-9 an Fanmi e Alye, Jimmy Cherizier ‘’Barbecue.’’
De nombreuses organisations politiques, de défense des droits humains nationales et internationales , dont Amnesty International, de la société civile et des ambassades, ont appelé sans succès à l’ouverture d’une enquête sur les assassinats en cascade enregistrés les 29 et 30 juin 2021.
Un an s’est écoulée, mais aucune avancée n’a été enregistrée dans le cadre du traitement du dossier pendant que les assassins des victimes de la journée noire du mardi 29 juin 2021, courent encore impunément les rues.